Rattrapés par les ronces, colonisés par d’autres métiers des déchets, les incinérateurs d’ordures d’une capacité de moins de 6 tonnes/heure se terrent. Le tonnage global des déchets incinérés par ces installations en régions Provence – Alpes – Côte d’Azur et Corse est évalué à environ 3,6 millions de tonnes. Ouverts entre 1963 et 1993 et fermés entre 1976 et décembre 2002, ils sont des sites potentiellement pollués. Lors de leur conception, il n’y avait pas de distinction entre les déchets ménagers, les déchets industriels banals, les déchets agricoles et de garages, et les déchets d’activités sanitaires. Les contrôles à l’entrée des sites étaient inexistants, les fours étaient souvent utilisés au delà de leurs capacités, et en sortie des cheminées les analyses se cantonnaient à des paramètres simplistes – conformes à la réglementation de l’époque – et terriblement insuffisants au regard de la protection des riverains et de l’environnement.
Les pouvoirs publics, les collectivités locales et les exploitants n’ont pas intérêt à évaluer le passif environnemental de ces installations dont les résidus de combustion -cendres et mâchefers- chargés de micropolluants ont été le plus souvent stockés à même le sol attenant ou dans des décharges brutes qualifiées à posteriori par les services administratifs de “Centre d’Enfouissement Technique”. Les métaux lourds transportés par les fumées sous des formes particulaires se sont déposés et accumulés au fil des décennies d’exploitation en champ proche des cheminées. L’impact de la migration et de l’accumulation des métaux lourds dans les sols suite au “rinçage” des mâchefers par les eaux de pluie est sous-estimé.
C’est pourquoi Robin des Bois mène de sa propre initiative depuis mai 2002 un inventaire des incinérateurs fermés depuis 25 ans et des décharges associées. Après la publication de l’inventaire Rhône-Alpes, un groupe de travail sur la fermeture des petits incinérateurs a été créé en juin 2003 par le Ministère de l’écologie. Robin des Bois y participe. Le but est d’élaborer un protocole de démantèlement des installations et de dépollution des sites.
L’inventaire PACA et Corse est le second à être publié. Ces régions ont dans ce domaine un patrimoine important. Il représente environ 1/5 du parc national. A ce jour, seulement une Étude Simplifiée des Risques (ESR) a été réalisée à Chateaurenard (Bouches-du-Rhône). Ces études portent l’empreinte du minimalisme technique et financier des cabinets d’audit et des collectivités. Les mâchefers y sont souvent considérés comme valorisables au seul regard de quelques analyses de polluants. La granulométrie du mélange cendres, mâchefers et les teneurs en déchets imbrûlés les rendent pourtant systématiquement impropres à l’utilisation comme remblais ou matériaux de voirie. Les hydrocarbures et le cuivre sont oubliés, les dioxines sont rarement abordées. Pourtant un rapport de l’INERIS publié en janvier 2002 indique que “ dans les chaussées anciennes dont la construction date de plus de vingt ans, les mâchefers révèlent des teneurs élevées comme le montre les sites de La Teste (227 ng I-TEQ/kg) et le Mans (721 ng I-TEQ/kg) ”.
Aujourd’hui, un incinérateur de conception moderne et en bon état de maintenance produit en moyenne 168 µg I-TEQ de dioxines par tonne brûlée dans les REFIOM (Résidus d’Épuration des Fumées d’Incinération d’Ordures Ménagères). Essentiellement piégées dans les REFIOM en association avec d’autres polluants, les dioxines sont confinées dans des centres de stockage de classe 1 et leur disponibilité pour l’environnement est considérée comme faible. Hier, ces dioxines étaient réparties dans les mâchefers, dans les cendres et à la périphérie du site par retombées atmosphériques. Il n’existait en effet aucun traitement des fumées, on se contentait à l’époque d’un rudimentaire dépoussiérage…
Les services de l’État, les détenteurs des sites, les associations locales et régionales de protection de l’environnement sont destinataires du rapport d’étape de Robin des Bois. Ce travail préliminaire devrait aider et inciter les différents observateurs et intervenants à mieux cerner les pollutions et les risques, et à agir dans les situations urgentes.
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