Jeudi 13 mars, le Tribunal de Grande Instance de Montpellier doit statuer en appel sur la plainte déposée par Eric VIGNON, suite à la découverte début 2001 de plusieurs dizaines de tonnes de produits phytosanitaires à base d’arsenic (Penarsol) et de déchets arseniés dissimulés dans le moulin qu’il a acheté à Lodève. En première instance, le 29 septembre 2002, le tribunal a refusé d’ouvrir une instruction au motif que les faits sont prescrits, et que selon le maire de Lodève, Eric VIGNON avait été informé oralement de la pollution du moulin. La déclaration du maire de Lodève n’engage que lui: elle n’a aucune valeur juridique, en l’absence d’un document écrit que la municipalité de Lodève s’est bien gardée de délivrer à l’acheteur. Mais l’essentiel n’est pas là. La prescription n’est pas fondée, car c’est l’année de découverte de l’arsenic qui doit être retenue, c’est-à-dire 2001. De plus, l’ouverture d’une instruction judiciaire permettrait d’identifier les responsables de la dispersion de milliers de tonnes de pesticides et de déchets arséniés dans l’Hérault. Mine et lac d’Avène, usine de Ceilhes, hangars de particuliers à Ceilhes, gare de Roqueredonde, stockage fuyard près de la RD 8, moulin du Bosc, décharge d’Aspiran, remblais déposés le long de la route noyée sous le lac du Salagou, usine Cofaz à Sète, tous ces sites doivent être investigués et dépollués. Seule l’usine à gaz de Lodève a fait l’objet d’une décontamination.
Pour l’arsenic et ses formulations, il n’y a pas de prescription. L’arsenic est indestructible, par incinération ou par traitement chimique. Il ne peut qu’être confiné dans des mines de sel aménagées pour le stockage des déchets industriels les plus dangereux. Le Penarsol qui a intoxiqué Eric VIGNON et sa famille est un produit à base d’arséniate de chaux interdit d’emploi depuis 1973. 30 ans après, il est toujours mortel par ingestion, à raison de 140 mg pour un adulte de 70 kg, et cancérigène en cas d’exposition chronique. Les travaux récemment rendus publics par l’équipe du Pr SULTAN, du CHU de Montpellier, démontrent que l’arsenic et ses formulations ont une influence prépondérante dans les graves perturbations hormonales identifiées chez les enfants de personnes exposées à titre professionnel ou accidentel.
Son dernier avatar utilisé pour le traitement des vignes, l’arsénite de sodium, a été interdit en novembre 2001. Plus d’un an après cette mesure, aucune collecte n’a été effectuée chez les viticulteurs, dans les coopératives, ou chez les fabricants. Les atermoiements financiers entre le ministère de l’Ecologie, les fabricants, les distributeurs, et les syndicats agricoles empêchent toute mesure concrète de retrait et d’élimination des stocks. Présentées sous forme liquide, les formulations à base d’arsénite de sodium doivent être inertées avant enfouissement. Au moins 1000 tonnes de ce fongicide et insecticide extrèmement dangereux à manipuler, toxique et phytotoxique, dangereux pour les abeilles, très soluble dans l’eau, sont encore dispersées sur les sites de production et dans les hangars viticoles. Les recommandations professionnelles pour les produits résiduels, bien ancrées chez les utilisateurs, préconisent en toute inconscience de “les enfouir loin des sources et des puits “.
Ce laisser-aller des services de l’Etat et des professionnels est scandaleux, et pourrait s’avérer criminel. L’arséniate de chaux interdit en 1973 et dissimulé faute de collecte a intoxiqué 30 ans après la famille VIGNON. L’arsénite de sodium interdit en 2001 risque lui aussi d’être dispersé, enfoui ou camouflé, et d’empoisonner dans quelques décennies les riverains d’un site oublié.
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