Pollution en Côte d’Ivoire – note d’information n° 1

10 sept. 2006

Pollution en Côte d’Ivoire – note d’information n° 1

1) Sur le droit applicable aux résidus de cargaison ou déchets d’exploitation des navires:
Les résidus de cargaison pompés le 19 ou le 20 août à Abidjan dans les cuves du Probo Koala ne sont pas redevables de la convention de Bâle qui oblige théoriquement le pays exportateur de déchets et le pays importateur à établir un dossier bilatéral prouvant que le premier n’a pas les moyens techniques de traiter les déchets et que le second a les moyens techniques disponibles ou encore que les déchets exportés sont valorisables par le pays importateur. La convention de Bâle dans son texte fondateur exclut de son périmètre les déchets générés par l’exploitation des navires.

Par contre, et justement pour combler le vide juridique, la directive européenne sur les installations de réception portuaires pour les déchets d’exploitation des navires et les résidus de cargaison (2000) impose à tous les navires touchant les ports de la communauté européenne d’y déposer leurs déchets dans des installations dédiées.

Le traitement, la valorisation et l’élimination des déchets d’exploitation et des résidus de cargaison doivent être conformes aux législations européennes notamment en ce qui concerne les huiles de vidanges et les déchets dangereux.

Dans la mesure où le Probo Koala était déjà en charge de ses résidus de cargaison dans les ports européens qu’il a touchés en juillet 2006 avant de se diriger vers Lagos et Abidjan, il est en infraction avec la législation européenne et le droit national des Etats européens où il a fait escale avant son incursion dans l’hémisphère sud. Ce scénario qui parait le plus vraisemblable, au vu des déclarations de l’armateur et de l’affréteur tous deux implantés en Europe, implique donc une manigance de leur part et une négligence des autorités européennes permettant de réaliser des économies importantes au détriment de l’état sanitaire et environnemental d’un pays totalement désorganisé et économiquement sinistré. Le traitement de ces boues polluées et leur élimination auraient coûté en Europe 400 à 500 euros le m3, 10 à 15 fois plus qu’en Côte d’Ivoire.

L’hypothèse selon laquelle des déchets liquides ou pâteux auraient pu être amalgamés aux résidus de cargaison justement afin d’échapper à la convention de Bâle ne peut pas être exclue.

2) Sur les substances déversées en Côte d’Ivoire en tant que déchets d’exploitation, eaux résiduaires ou résidus de cargaison.
Elles proviennent sans aucun doute d’un raffineur ou d’un producteur ou distributeur de produits gaziers ou pétroliers implanté en Europe ou utilisant pour l’expédition de ses produits ou sous-produits des ports européens. Ces déchets peuvent avoir été mélangés par l’affréteur Trafigura et avoir perdu volontairement ou involontairement dans cette opération de mélange leur traçabilité. La présence de soude caustique parfois citée comme composante des boues s’explique par le fait que certaines cuves du Probo Koala sont ou étaient dédiées au transport de soude.

3) Sur les effets sanitaires.
L’hydrogène sulfuré et le mercaptan couramment cités dans la composition des boues déversées à Abidjan sont mortels par inhalation en milieu fermé comme le prouvent les accidents subis par la corporation des égoutiers, ou à proximité directe des sources d’émission. A titre d’exemple, un dégagement non programmé d’H2S à la raffinerie Total de Gonfreville l’Orcher vient d’inciter à l’évacuation de 700 ouvriers dont quelques uns ont été conduits en milieu hospitalier à titre de contrôle ; à ce jour aucune séquelle n’est encore inventoriée. Il est probable que les fossés de drainage à ciel ouvert des déposantes et décharges d’Abidjan ont favorisé la migration d’une partie des boues à travers un milieu urbain particulièrement densifié et exposé. Si l’ampleur de la contamination était confirmée, il est aussi probable que d’autres molécules toxiques sont incorporées à la mixture. Le rôle de la soude caustique est de toute façon pénalisant.

4) Sur le flux de déchets vers l’Afrique.
Une première vague d’exportation ou de projet d’exportation de déchets toxiques vers l’Afrique depuis l’Europe et les Etats-Unis a été constatée et dénoncée entre 1985 et 1990. Elle touchait le Bénin, la Guinée Bissau, le Congo Brazzaville, le Nigeria, l’Angola, le Sénégal, la Sierra Léone, la Somalie et Djibouti. La liste n’est pas exhaustive. C’est pour tenter d’endiguer ces transferts nord-sud que la convention de Bâle et des réglementations restrictives européennes ont été mises en place à partir de 1990. Comme déjà mentionné, aucun de ces corpus règlementaires ne prend en compte les déchets d’exploitation et les résidus de cargaison des navires.

Aujourd’hui les flux de déchets industriels dangereux à destination de l’Afrique sont freinés, hors trafic en provenance des citernes et cales de navires. Mais on assiste depuis quelques années à l’exportation vers l’Afrique de déchets de consommation usés et périmés : pneus, huiles noires, déchets d’équipements électriques et électroniques, voitures, poids lourds et matériels agricoles hors d’usage suintant l’amiante, les hydrocarbures et les PCB. Tous ces flux de déchets sont malheureusement favorisés par la notion en vogue de réemploi et ces nouveaux mouvements sont clairement des retombées négatives des politiques de tri et de recyclage recommandées en Europe sans que des moyens à grande échelle y soient mis ne œuvre pour démanteler les biens de consommation désaffectés.

Par ailleurs, les déchets à haute valeur ajoutée, comme les câbles de cuivre souillés au pyralène en provenance des transformateurs et condensateurs, ou des transformateurs et condensateurs entiers, sont expédiés tels quels en Asie pour récupération des métaux. Il en est de même pour les navires en fin de vie, qui, même s’ils n’ont pas clairement et universellement le statut de déchets, sont à la fois des gisements importants de métaux pour seconde fusion et de substances toxiques à éliminer c’est-à-dire des déchets dont les derniers détenteurs se défont (voir https://robindesbois.org/dossiers/BulletinNavires.pdf).

=> Accès à la page Probo Koala de Robin des Bois

 

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