Robin des Bois et la marche pour les forêts du monde

23 oct. 1998

Organisée par l’association “Aux pieds de mon arbre”, la longue marche de Brocéliande à Fontainebleau a commencé à Plélan-le-Grand, le dimanche 18 octobre, jour de marché. La première étape à travers des routes départementales a été l’occasion de vérifier que la Bretagne sent le lisier et qu’elle est envahie par la monoculture du maïs, les boues de l’ensilage et les plans d’eau coquets et illégaux. Le nombre de pavillons ou de maisons anciennes rénovées avec des menuiseries extérieures en bois tropical asiatique, américain ou africain est considérable. La Bretagne, de par la proximité des ports de Nantes, de la Rochelle et de Saint-Brieuc a toujours été encline à utiliser les bois coloniaux. Dès le début du siècle, les boules des pieds de bar étaient en bois de movingui (Disthemonanthus benthamianus) réputé imputrescible.

En fin d’après-midi, les marcheurs étaient reçus par Mme l’adjoint au Maire de l’Hermitage, non sans avoir remarqué que le mobilier de propreté de la bourgade ainsi que les bacs à fleurs et les plans d’orientation étaient en bois exotique. Il est vrai que les catalogues des fabricants offrent désormais dans la version la moins chère des corbeilles pour le tri sélectif “en bois exotique teinté chêne”. Mme l’adjoint au maire a été très sensible aux argumentations savantes de Bruno Manser, citoyen hélvético-malais, inlassable défendeur des droits des nomades Penans sur l’île de Bornéo.

En marge de la marche, le lundi 19 octobre, Robin des Bois, Bruno Manser et deux membres de l’association “Aux pieds de mon arbre” ont estampillé ou assisté à l’estampillage de la passerelle des Bonnets Rouges à Rennes, construite en ipé du Brésil (Tabebuia spp.) en 1995 (effet Grande Bibliothèque) puis la passerelle Saint-Germain dans le centre de la ville construite en 1991 en doussié du Cameroun (Afzelia bipendensis). La bande a ensuite animé une visite guidée d’une heure dans le Lapeyre du coin, route de Lorient et apposé des étiquettes d’information sur le matériel d’exposition (cf enveloppe). Un grand moment où le choc des cultures respectives des vendeurs et des envahisseurs a sensibilisé les acheteurs au point qu’une famille s’intéressant à une cuisine en ramin (Gonystilus spp.) se demandait in fine si elle n’allait pas l’acheter en formica, chez Emmaüs.

Après Lapeyre, les mêmes s’en sont pris à un mur acoustique dressé au long de la rocade autoroutière voisine pour protéger du bruit un parc de stockage de la DDE. Du bangkiraï (Shorea spp.) confirme Bruno Manser, du “bois de fer” volé aux Penans pour protéger Rennes des vroum vroum. Vu la taille de l’ouvrage et son absurdité exemplaire, il est décidé de surdimensionner l’estampillage, de renoncer aux mini-pochoirs et d’inscrire sur environ 5 m de long et sur 1 m de haut un avis informatif susceptible d’être lu par les automobilistes en toute sécurité : Bois tropical : STOP !! Hélas, deux motards de la gendarmerie tombent juste après, sur le flagrant avis et avec l’aide de renforts convoient tout le monde à l’hôtel de police principal. Après une heure selon les uns, deux heures selon les autres – Robin des Bois n’a toujours pas de montre – tout le monde est relâché mais le président de l’association est convoqué le 13 novembre 1998 au Tribunal de Grande Instance de Rennes au service de la médiation pénale. Il se pourrait qu’il soit condamné à des heures de travail d’intérêt général.

Le lendemain, 20 octobre, les mêmes, sans l’équipe Bruno Manser repartie pour des conférences en Suisse, ont distribué dans et à la sortie des usines du groupe Pasquet une lettre ouverte aux 150 employés. Tous l’ont lu. Aucune n’a été retrouvée sur la chaussée.

Et les marcheurs, ils marchent, le plus souvent sur l’asphalte et rarement à travers les forêts reliques. Comme à l’Hermitage en Ile-et-Vilaine, ils sont souvent reçus par les municipalités, à Luitré, Liffré, Saint-Sulpice-la-Forêt, Dompierre-du-Chemin, Saint-Pierre-du-Lorouer. Autant d’escales qui permettent à l’association Aux pieds de mon arbre de sensibiliser les élus aux menaces qui pèsent sur les forêts et au bon choix des bois de mobilier urbain.

Robin des Bois retourne sur zone pour marcher et illustrer la campagne “De quel bois bricolons nous ” entre le 31 octobre du côté de la forêt de Rambouillet et le 5 novembre pour les cérémonies à Fontainebleau du cinquantenaire de l’Union Internationale de Conservation de la Nature.

 

 

 

 

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