L’accord teck
Dans le cadre d’une réunion tenue le 7 Juin 2002, au siège de Carrefour, en présence de représentants de Robin des Bois et du WWF, il a été constaté et confirmé que le secteur de la grande distribution est confronté, dans l’état actuel de l’organisation du marché, à de grandes difficultés quand il s’agit d’établir avec certitude l’origine et la traçabilité des mobiliers et accessoires en bois exotiques et notamment en teck (Tectona grandis).
En conséquence, il a été annoncé que Carrefour, 2ème distributeur mondial de biens de consommation allait progressivement se désengager du teck. Pour 2001, la consommation de bois de teck par Carrefour est estimée à 20 000 tonnes. Pour l’année 2003, l’offre du bois de teck dans l’ensemble des points de vente sera réduite de 20 à 30%. Carrefour justifie la progressivité de ce retrait par la nécessité de ne pas mettre brutalement en danger les 14 ateliers ou usines qui travaillent pour lui dans le secteur du bois en Indonésie. Il s’agit d’autre part de faire connaître auprès des consommateurs les nouvelles essences auxquelles le grand distributeur va recourir. Selon les données recueillies par ses acheteurs, il apparaît possible d’utiliser des bois provenant de plantations clairement validées par des agences de certification reconnues par le Forest Stewardship Council (FSC)*. En cas de besoin, le WWF, partenaire de Carrefour, et Robin des Bois s’attacheront dès que possible à confirmer la conformité des bois sélectionnés aux critères FSC. Il s’agira de vérifier en particulier que la parcelle certifiée est effectivement en mesure de satisfaire les commandes de Carrefour et des éventuels autres clients.
Boycott du teck !
Depuis 10 ans, les grandes surfaces de bricolage et les grandes surfaces alimentaires ont été sensibilisées aux critères de gestion durable des forêts, aux exigences de transparence et d’information relatives à l’exposition et à la vente de meubles et d’accessoires en bois exotique. Robin des Bois, le Fonds Bruno Manser, Agir Ici pour un Monde solidaire, les Amis de la Terre et Greenpeace mènent en leur nom ou dans le cadre de collectifs ou de réseaux nationaux et internationaux des campagnes d’information et de protestation.
Carrefour, partenaire officiel de la déforestation
Depuis plusieurs années, le 2 ème distributeur mondial de biens de consommation vend des objets et des meubles en bois exotiques, d’appellation et d’origine mal déterminées. Les catalogues d’été, d’hiver, de printemps sont truffés de chinoiseries made in laogaï et de séries limitées à 100.000 exemplaires qui déferlent dans les ports d’Europe. En avril 2002 Carrefour mise encore une fois sur le teck. L’aire de répartition du teck (Tectona grandis) recoupe l’aire de répartition de régimes militaires et corrompus jusqu’à la sève comme la Birmanie et l’Indonésie. Aucune forêt ou plantation de teck n’est certifiée en Asie par le Forest Stewardship Council (FSC), l’organisation internationale qui, sur la base de l’application d’un plan de gestion, accorde son label à certaines exploitations forestières.
Le naufrage du Liberia dans les ports français
Depuis le 7 mai 2001 est entré en vigueur un embargo international décidé par le Conseil de Sécurité des Nations-Unies sur les diamants en provenance du Libéria, ainsi qu’un embargo aérien et un embargo sur les armes à destination de ce pays. Suite aux révélations de la mission d’enquête de l’ONU -Sierra Leone Expert Panel- concernant l’implication directe de l’industrie forestière du Liberia dans le soutien financier et matériel aux rebelles du Revolutionary United Front (RUF) en Sierra Leone, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne demandaient l’inclusion des exportations de bois dans les mesures d’embargo. L’opposition concertée de deux membres permanents du Conseil de Sécurité, la France et la Chine, a fait échouer cette démarche.
La déferlante teck
De Birmanie, d’Indonésie, du Costa-Rica ou d’Afrique de l’Ouest, vrai et faux teck déferlent dans les catalogues de la grande distribution avec tout le cynisme du marketing. Mais qu’il provienne des forêts de Birmanie, de plantations indonésiennes voire africaines, le teck n’est pas “un décor écolo” comme le proclame Carrefour. C’est un désastre social et environnemental.
En Birmanie l’ouverture des routes de débardage en forêt profonde à partir de 1996 a permis au régime militaire de renforcer la répression contre les minorités ethniques. Les transports de grumes de teck destinées à la fabrication de lames de parquet, de parasols et de meubles de jardin croisent les convois militaires. Les arbres sont coupés dès l’âge de 30 ans, empêchant la régénération des peuplements. Plus d’1 million de m3 de bois de teck sont exportés chaque année. La déforestation -de 800.000 à 1 million d’hectares par an- est une des plus élevées au monde.
“Le teck prend l’air” selon Auchan, en fait il prend surtout la fuite: le trafic des grumes entre la Thaïlande, le Laos et la Birmanie emprunte les mêmes voies -parfois les mêmes filières- que les cargaisons d’héroïne sortant du Triangle d’or. Les peuplements de teck du parc national de Sri Lanna et de la réserve forestière de Chiang Dao, en Thaïlande à la frontière de la Birmanie, sont pillés par des exploitants clandestins avides de prendre leur part dans la déferlante.
En Indonésie les plantations de teck contrôlées elles aussi par des filières militaires subissent une pression intensive pour répondre aux besoins sans cesse croissants des réseaux de distribution européens. Les coupes illégales de bois sont maintenant supérieures en volume aux coupes autorisées. Les arbres sont abattus trop jeunes, l’avenir de ces plantations est compromis. Pour répondre aux commandes, du teck de Birmanie et de Thaïlande est importé illégalement, bénéficiant ainsi de l’appellation “de plantation” censée garantir une gestion durable.
En Afrique de l’Ouest, les quelques plantations de teck (Tectona grandis) en Côte-d’Ivoire ou au Nigéria produisent surtout des certificats de complaisance destinés à camoufler le trafic d’assamela / afrormosia (Pericopsis elata), appellé “teck d’Afrique” ou “teck du pauvre” à cause de son aspect et de ses caractéristiques techniques similaires pour un prix inférieur. Classé en annexe II de la Convention de Washington et donc soumis à des quotas d’exportation et d’importation afin de protéger la ressource, l’assamela peut circuler sans contrôle sous l’appellation “teck”.