La vache qui pleure
A l’initiative du gouvernement français, l’abattage de 450.000 vaches âgées de plus de 30 mois est en cours. Cette mesure de “destruction”, selon les termes employés par les spécialistes de la tuerie animale, est destinée à assainir le marché économique, sans rapport avec l’assainissement sanitaire du cheptel. Les autorités françaises donnent aux vaches le statut du chou-fleur breton ou des pêches de la vallée du Rhône, régulièrement retirés du marché et jetés dans des décharges improbables. Il n’est pas sûr que le carnage en cours redonne au consommateur le goût de la viande.
Farines animales: des trous dans la toile
Le réseau des stockages de farines et de graisses animales tisse sa toile, mais sur le terrain l’application des prescriptions techniques relatives à leur transport, leur entreposage et leur élimination s’avère déjà problématique sur plusieurs sites, tandis que la synthèse et la diffusion des informations sont confuses au niveau national.
– A Plouisy (Côtes-d’Armor), un hangar situé à 50m d’un cours d’eau et à 100m des habitations, déjà sinistré en 1999 (autocombustion des farines animales stockées), a été de nouveau réquisitionné par la Préfecture pour recevoir 38.000 tonnes de farines. Les volées de pigeons qui nichent dans le hangar sont assurées de faire bombance. Les riverains regroupés au sein du collectif “Au pied du silo” dénoncent le double langage préfectoral, qui leur avait assuré avoir interdit le stockage de farines animales sur ce site.
– A Caudan (Morbihan), la société de transports routiers “Rivalan SA” stocke depuis 1996 des farines animales à hauts risques dans des conditions précaires: le hangar utilisé n’est pas étanche, des mottes de farines tombent à l’extérieur où elles sont dispersées par la pluie, le vent, ou consommées par des animaux sauvages. Le site a été néanmoins retenu pour recevoir de nouveaux flux de farines.
– A St-Saturnin-du-Limet (Mayenne), les voisins du stock habitent à 20m, 60m et 80m. Ils ont une vue imprenable sur les vitres brisées du bâtiment rafistolées à la hâte avant l’arrivée des camions, le 20 novembre. Un cours d’eau, le Chéran, coule à 150m en contrebas. Aucune information n’a été donnée aux riverains par la Préfecture.
Plein feu sur les farines
Robin des Bois demande la création d’une Commission Nationale d’Information et de Surveillance afin d’assurer un éclairage cohérent et l’information du public sur l’ensemble des opérations de fabrication, de transport, de stockage intermédiaire et d’élimination des farines et des graisses animales.
En effet, chez les équarrisseurs beaucoup de sites de fabrication de farines et de graisses animales ne répondent pas aux normes pour la protection de l’environnement, en particulier sur le traitement des eaux de process, de lavage, et des eaux pluviales. Des cuves de stockage vétustes et sans bassins de rétention sont encore utilisées pour les graisses, tandis que les farines sont parfois stockées en plein air ou dans des hangars ouverts aux incursions de chats, renards, sangliers, rats, pigeons, corvidés, étourneaux, mouettes…, et sont propices aux pullulations d’insectes. Autant de vecteurs possibles de dispersion d’agents infectieux dans l’environnement.
Farines, graisses animales: Matralan régale l’environnement
La société Matralan installée à St-Aignan-de-Grandlieu illustre les difficultés de la filière de l’alimentation animale à répondre aux exigences de sécurité sanitaire et de protection de l’environnement. Gestion hasardeuse des déchets, rejets d’effluents liquides bruts dans un ruisseau, pollution des sols, malgré plusieurs rappels à l’ordre la société Matralan continue de générer nuisances et inquiétudes pour ses riverains.
Un tas de 6000 tonnes de farines animales d’équarrissage, interdites dans l’alimentation de tous les animaux, était stocké depuis juillet 1996 en attente de destruction. Les capacités d’incinération en France étant saturées, c’est seulement depuis l’été 2000 que l’évacuation de ce stock à haut risque a été entreprise. A l’heure actuelle il en subsisterait 400 tonnes sur le site, selon la Direction Générale de l’Alimentation.
L’usine Matralan utilise également des farines de viande et d’os provenant des déchets d’abattoirs, dont un moratoire sur leur incorporation dans l’alimentation de tous les animaux vient d’être annoncé aujourd’hui par le Premier Ministre. Ce nouveau stock à éliminer ne doit pas stagner dans l’usine, qui n’a pas les capacités pour entreposer des déchets à risques dans ses locaux.
Une gestion aléatoire de ses déchets de fabrication a été révélée lors de la découverte de fûts ayant contenu des additifs alimentaires pour animaux, des produits vétérinaires, des hydrocarbures, enterrés derrière l’usine à proximité d’un cours d’eau. La Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement (DRIRE) des Pays-de-Loire a imposé à l’exploitant la reprise de ces déchets industriels et leur élimination par une filière agréée. Les travaux sont encore en cours.
Pas de demi-mesures pour les farines
Robin des Bois est favorable à une interdiction totale et irréversible de l’incorporation des farines de viande et d’os dans l’alimentation de tous les animaux d’élevage, de compagnie, et de captivité. L’instauration d’un moratoire provisoire ouvrirait la porte à des solutions de bricolage, d’attente, voire d’exportation qui augmenteraient les risques de prolifération de déchets sans encadrement technique et juridique. Toute solution provisoire empêcherait la construction d’une filière spécifique englobant la collecte des cadavres, des carcasses d’abattoirs et des matières à risques spécifiés, leur transformation en farines dans les clos d’équarrissage, leur transport vers les sites d’élimination, et leur destruction.