Globalement propres et localement sales
La déferlante douce du fuel du Prestige sur les plages du littoral atlantique va dépasser la presqu’île du Cotentin et toucher la baie de Seine et le littoral de la mer du Nord où le Tricolor et sa cargaison continuent de menacer l’environnement et la sécurité maritime.
Les risques sanitaires sont occultés. Le scandale des enfants victimes d’allergie et évacués à l’hôpital de Cherbourg après des contacts avec le fuel du Prestige sur une plage du Cotentin courant juin n’a pas fait l’objet d’un retour d’expérience applicable sur tout le littoral. Les effets sur les ressources marines ne sont pas abordés. Les déchets du Prestige s’accumulent dans les déchetteries, sur les parkings, dans les délaissés des services techniques des communes débordées et abandonnées par l’Etat. C’est le retour des micro-pollutions des stockages intermédiaires. Les tas de goémons et d’algues souillés se dessèchent et vont constituer autant de risques de prises de feu pendant l’été.
Les marées noires de l’Est
Les 10.000 kms de cours d’eau et de canaux qui font les richesses de la Lorraine, de l’Alsace et de la Champagne-Ardenne sont soumis à des pollutions récidivistes. Les négligences coulent à flot. Il ressort de la veille maintenue par Robin des Bois entre mars 1999 et avril 2003 que 288 épisodes de pollution ont été relatés par la presse écrite régionale. 159 sont provoqués par les hydrocarbures – depuis le fuel jusqu’aux huiles de vidange – 43 par les produits chimiques, 16 par les eaux usées, 6 par les pesticides et les engrais, 6 par l’eutrophisation, 3 par le lisier, 18 pollutions sont diverses, et dans 37 cas la nature de la pollution est inconnue. Les principaux émetteurs de ces pollutions liquides sont les collectivités locales à travers des réseaux d’assainissement défectueux ou inexistants, les entreprises artisanales et industrielles, les agriculteurs et les viticulteurs, les transporteurs routiers et fluviaux et des particuliers. Les pollutions sont traitées comme des troubles du voisinage immédiat, et dans plus de 3/4 des cas, réglées par des arrangements entre les fauteurs présumés et les pêcheurs du coin. Une bonne petite pollution accidentelle avec un rejet de fuel vaguement quantifié et une nappe de 200 m d’une rivière déjà abîmée par les pollutions chroniques revient à 300 ou 500 Euros en moyenne. On peut encore trouver beaucoup de bonnes occases à 150 Euros, soit moins que l’élimination des déchets en filière agréée. Il est vrai que les constats de spécialistes en pollution de la gendarmerie ne s’attardent pas sur les conséquences à long terme. En accord avec les usages en vigueur chez les pêcheurs et du côté des Agences de l’eau, seules les atteintes immédiates et irréversibles au patrimoine piscicole rentrent en ligne de compte; à l’exclusion des planctons, des mollusques, des invertébrés, des fleurs, des oiseaux et des crustacés.
Polmar le Déserteur
En France, seules des pollutions “d’ampleur exceptionnelle” sont susceptibles de déclencher les plans et les fonds Polmar. C’est du moins ce que souligne sans autre développement l’instruction du 4 mars 2002 relative à la lutte contre les pollutions du milieu marin. Les associations de protection de l’environnement, dont certaines ont joué un rôle important et positif dans la gestion de la marée noire de l’Erika n’ont pas été invitées à participer à la préparation confidentielle et interministérielle de cette instruction. Elles auraient pu contribuer à définir les échelles de gravité des marées noires ou de produits chimiques.
Rappel: extension de Polmar
Ce communiqué a donc été diffusé pour la première fois au tout début de l’année.
Ne pas déclencher les plans Polmar sur tout l’arc atlantique, c’est laisser aux communes la responsabilité technique et financière du ramassage des déchets et ouvrir la voie à une mauvaise gestion. Robin des Bois insiste encore sur les effets de la pollution sur l’état sanitaire des ressources marines. Alors que le golfe de Gascogne est pollué depuis 6 mois par les suites du Prestige, l’absence d’évaluation dans ce domaine est très inquiétante.
Toutes les publicités ou initiatives tendant à convaincre les touristes que la page du Prestige est tournée en Aquitaine et sur le littoral atlantique sont mensongères.
Le ruban noir
De Dunkerque à Menton, le linéaire côtier français est touché depuis le début de l’année par les arrivages d’hydrocarbures en provenance de dégazeurs masqués ou identifiés.
Le Finistère et les Côtes-d’Armor sont à nouveau touchés. Le Cotentin ne sera sans doute pas épargné, et il n’est pas exclu qu’une jonction y soit faite entre les boulettes du Prestige et celles du Tricolor.
Plutôt que de déclencher systématiquement les plans Polmar pour éponger avec le plus d’efficacité possible ces pollutions invasives, le gouvernement laisse le plus souvent les communes sinistrées se dépatouiller avec les moyens du bord et les finances locales.