Le teck : un tic colonial
S’il y a une habitude nostalgique ancrée dans les mœurs de l’Europe, c’est celle de se pavaner dans les parcs et jardinets, aux terrasses et aux balcons, dans des fauteuils et des bains de soleil en bois exotiques coupés dans des forêts lointaines et achetés dans des grandes et petites surfaces écumant le monde entier pour faire des profits éthiques et énormes, et faire tourner de méga-port en méga-port les porte-conteneurs de 350 m de long. Au premier rang des bois de là-bas, il y a le must du teck qui sent bon les paquebots et les éléphants d’antan. Il n’y a rien de mieux que ce petit bout du passé, même de mauvaise qualité, pour discuter, entre amis, du développement durable.
Même les Mousquetaires saluent dans leur dernier ouvrage sur les mobiliers de jardin [édition 2006] ” le succès phénoménal depuis une dizaine d’années du style colonial en teck importé des Indes Britanniques” et ” son exotisme à portée de main “.
Monoprix Vert, où es tu …
Monoprix se perd dans la jungle. Il me remercie d’avoir choisi son produit pour mon nouveau mobilier de jardin. Il dit qu’il est en bois tropical de “premier choix” et que mon achat participe directement à la sauvegarde de la forêt vietnamienne. Pour m’inciter à croire que c’est du teck, il me conseille de l’enduire d’huile de teck, en fait un dérivé d’hydrocarbures.
Des apéritifs sans teck
Relancée au printemps 2002 (communiqués : 9 avril 2002 – “Carrefour, partenaire officiel de la déforestation”; 23 avril 2002 – “Boycott du teck”; 14 juin 2002 – “L’accord teck”), la campagne de Robin des Bois contre l’abus du teck dans le secteur des meubles de plein air porte ses premières graines.
Au printemps 2003, la grande distribution a réduit d’une manière très sensible la promotion du teck dans ses catalogues. Sauf accident, l’affichage en milieu urbain promotionnant les tables et chaises en teck est revenu à des niveaux inférieurs à 2001. L’offre a été répartie sur des essences des forêts tempérées dont le robinier, l’acacia, le pin, le chêne, des assemblages bois-métal et d’autres matériaux. Aucun label n’est mis en avant pour accompagner les offres résiduelles de teck.
L’accord teck
Dans le cadre d’une réunion tenue le 7 Juin 2002, au siège de Carrefour, en présence de représentants de Robin des Bois et du WWF, il a été constaté et confirmé que le secteur de la grande distribution est confronté, dans l’état actuel de l’organisation du marché, à de grandes difficultés quand il s’agit d’établir avec certitude l’origine et la traçabilité des mobiliers et accessoires en bois exotiques et notamment en teck (Tectona grandis).
En conséquence, il a été annoncé que Carrefour, 2ème distributeur mondial de biens de consommation allait progressivement se désengager du teck. Pour 2001, la consommation de bois de teck par Carrefour est estimée à 20 000 tonnes. Pour l’année 2003, l’offre du bois de teck dans l’ensemble des points de vente sera réduite de 20 à 30%. Carrefour justifie la progressivité de ce retrait par la nécessité de ne pas mettre brutalement en danger les 14 ateliers ou usines qui travaillent pour lui dans le secteur du bois en Indonésie. Il s’agit d’autre part de faire connaître auprès des consommateurs les nouvelles essences auxquelles le grand distributeur va recourir. Selon les données recueillies par ses acheteurs, il apparaît possible d’utiliser des bois provenant de plantations clairement validées par des agences de certification reconnues par le Forest Stewardship Council (FSC)*. En cas de besoin, le WWF, partenaire de Carrefour, et Robin des Bois s’attacheront dès que possible à confirmer la conformité des bois sélectionnés aux critères FSC. Il s’agira de vérifier en particulier que la parcelle certifiée est effectivement en mesure de satisfaire les commandes de Carrefour et des éventuels autres clients.