La parade politique de Toulouse et la multiplication des cellules psychologiques -un métier d’avenir- ne doivent pas occulter la vérité et les hypothèses les plus vraisemblables.
Le nitrate d’ammonium est un explosif primaire. Il est sensible à l’humidité. Pourtant, dans beaucoup de ports français comme Honfleur ou Lorient, les “big-bags” peuvent être stockés en plein air et sont toujours débarqués de bateaux poubelle ou en mauvais état, arborant le pavillon rouge réglementaire en cas de transport de matière dangereuse. Le nitrate d’ammonium est encore plus sensible à la chaleur.
Le 10 avril 1947, dans le Port de Texas City aux États-Unis, l’explosion à la suite d’un incendie du cargo français Grandcamp dans le port de Texas City avec 6.000 tonnes de nitrate d’ammonium à bord a fait 600 morts et 5.000 blessés. Jean-Yves Brouard dans son ouvrage “Le drame du Grandcamp” raconte que la secousse est enregistrée par les sismographes à travers les États-Unis, que les incendies se sont propagés de raffineries en réservoirs, que deux avions de tourisme atteints par le souffle s’écrasent. 3 mois plus tard, à Brest, le 23 juillet, l’Ocean Liberty débarque 3.000 tonnes de nitrate d’ammonium. Le 28 Juillet, un incendie fortuit se dégage dans une cale. Bénéficiant du retour d’expérience de Texas City, les autorités décident de remorquer le cargo vers le large. Il explosera peu après la passe du port. Grâce à cette manoeuvre de survie, l’accident ne fera que 22 morts et 4 disparus mais toute la zone portuaire de Brest, y compris l’usine à gaz, est dévastée.
50 ans après, les précautions qui doivent encadrer le transport, le stockage et la mise en oeuvre du nitrate d’ammonium sont complètement négligées. On ne doit pas exclure que des stockages de nitrate d’ammonium à l’intérieur de l’usine AZF aient été l’objet de malveillance et que les effets domino (art 8 de la directive Seveso) c’est-à-dire la propagation du sinistre initial sur d’autres matières dangereuses mises en oeuvre dans les usines voisines, en premier lieu la vétuste Société Nationale des Poudres et Explosifs et Tolochimie, aient été recherchées.
Les usines assujetties à la directive Seveso sont en général, et même dans le cadre du plan Vigipirate, de véritable passoires où peuvent s’introduire des visiteurs étrangers à l’activité. La France est en train, depuis plusieurs années et notamment depuis 1997, de perdre la culture de sûreté qui à titre de prévention doit encadrer les activités industrielles. L’intégration dans le droit national de la directive Seveso n°2 s’est faite en France avec 17 mois de retard et la Communauté Européenne reproche aujourd’hui à la France d’avoir volontairement oublié de citer parmi les sites à risques les stockages souterrains de gaz. D’une manière plus générale, les entorses et les dérogations à la maîtrise de l’urbanisation autour des sites Seveso se banalisent.
Imprimer cet article