Le 11 janvier 1997 paraissait dans le British Medical Journal une étude de cas relative aux leucémies infantiles autour de l’usine de retraitement de combustibles irradiés de la presqu’île de la Hague, dans la Manche. Les travaux du Professeur Viel effectués dans un périmètre de 35 km autour de l’usine constataient un excédent de leucémies infantiles dans le canton de Beaumont où est implantée l’usine de la Cogéma (4 leucémies constatées pour 1,4 attendue). Sans établir de lien formel avec la présence de l’usine, ses rejets ou les installations voisines (centre de stockage de déchets radioactifs de l’Andra), le professeur Viel suggérait que les habitudes alimentaires, la fréquentation des plages et l’exposition aux rejets liquides et atmosphériques l’usine de la Cogéma-La Hague pouvait expliquer cet agrégat de leucémies.
Le même jour, des mères de famille de la région de Cherbourg se regroupaient au sein du Collectif des Mères en Colère pour exiger des informations complémentaires et appeler la Cogéma et les autres intervenants à plus de transparence et d’objectivité.
Quelques mois plus tard, à la demande des ministères de la Santé et de l’Environnement, deux missions étaient installées:
– La première pilotée par l’IPSN consiste à reconstituer les doses radioactives délivrées aux populations locales.
– La deuxième sous la direction du professeur Alfred Spira de l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) a notamment pour objectif de suivre l’incidence des leucémies dans le Nord Cotentin.
Le rapport du professeur Spira étayé par le registre des cancers de la Manche, à paraître dans la livraison de juillet 2001 du Journal of Epidemiology and Community Health, confirme les excédents de leucémies dans le canton de Beaumont-Hague. Pour les 5 à 9 ans, 3 leucémies ont été constatées entre 1978 et 1998, au lieu des 0,47 statistiquement attendues.
Le risque de leucémies infantiles autour de l’usine Cogéma-La Hague est donc multiplié par 6,38 : un niveau statistiquement significatif .
L’explication la plus plausible selon les épidémiologistes officiels est d’attribuer le pic de leucémies autour des centres de retraitement de combustibles irradiés aux “brassages de populations”. Les autochtones de la Hague n’auraient pas pu développer de défenses immunitaires face à “l’invasion” des étrangers venus participer à l’extension de l’usine de la Cogéma décidée en 1981. Cette version un peu courte oublie que le Cotentin était dès 1970 exposé aux “invasions” de touristes. L’accueil des ouvriers venus de Turquie et du Portugal était certes précaire, mais ils étaient au maximum 1500 répartis dans tout le nord du département de la Manche, bien au-delà du canton de Beaumont.
Plutôt que le brassage des populations, les Mères en Colère préfèrent mettre en avant le brassage des pollutions radioactives et chimiques, liquides et gazeuses, chroniques ou accidentelles, connues ou encore inconnues, en provenance de l’usine Cogéma-La Hague, de ses déchets entassés dans les silos 115 et 130 depuis 1981, et de la décharge voisine gérée par l’ANDRA. Le rôle des effluents gazeux, leur volume et leur distribution dans les conditions météorologiques très particulières de la presqu’île, sont un des principaux point à éclaircir, notamment pour l’iode 129.
Les Mères en Colère demandent: des examens réguliers de la numération sanguine des 830 enfants du canton de Beaumont-Hague; des études sur l’exposition des professionnels; des recherches sur les polluants pouvant avoir des effets sur l’ADN du foetus; l’arrêt du stockage et du retraitement des combustibles irradiés en provenance des pays étrangers.
Imprimer cet article