Trois pays d’Afrique Australe – le Zimbabwe, le Botswana et la Namibie – s’apprêtent au sein de la 10ème session plénière de la Convention de Washington portant sur le commerce international des espèces animales et végétales menacées d’extinction, à proposer le déclassement des éléphants de l’annexe I à l’annexe II. La réunion se tiendra à Harare du 9 au 20 juin 1997. En clair, ce changement de statut ouvrirait la porte au renouveau du commerce international de l’ivoire qui à la suite d’un vote quasi-unanime (7ème session plénière de la convention de Washington, Lausanne) est interdit depuis 7 ans.
Cette suspension du commerce international ne saurait être considérée comme une ingérence dans les intérêts des pays hébergeant des éléphants. En effet, elle n’interfère pas avec le droit légitime de ces pays à gérer comme ils l’entendent leur patrimoine faunistique, à développer le tourisme de vision ou les activités de grande chasse sportive, à l’exemple du Zimbabwe qui délivre chaque année 400 autorisations de tirs à l’éléphant et bénéficie en l’occurrence de l’autorisation d’exportation des défenses considérées comme des trophées de chasse. Par contre, l’insistance harcelante de certains pays détenteurs d’ivoire peut être considérée comme une ingérence dans les affaires internes de pays dont les opinions publiques ont clairement manifesté leur opposition à la consommation de l’ivoire.
Le retour du commerce international de l’ivoire, même réservé dans un premier temps, comme le proposent les trois pays pétitionnaires, au plus gros consommateur mondial d’ivoire légal ou braconné, à savoir le Japon, constituerait un appel immédiat aux trafiquants et aux braconniers, et générerait à travers l’Afrique centrale, australe, et orientale des stocks spéculatifs d’ivoire prélevés sur toutes les populations d’éléphants, et pas seulement sur les éléphants dont le Zimbabwe, la Namibie et le Botswana s’attribuent faussement la propriété.
Les éléphants sont des animaux migrateurs reconnus comme tels par la Convention de Bonn sur les espèces migratrices. Les déplacements entre le Kenya et l’Ouganda, le Kenya et la Tanzanie, l’Ouganda et le Zaïre, entre le Zaïre et la Zambie, entre la Zambie et le Zimbabwe sont clairement identifiés par les spécialistes. La Convention de Bonn stipule que les espèces migratrices dont l’état de conservation est défavorable – elle accorde ce statut au Loxodonta africana – doivent faire l’objet d’accords internationaux entre les pays de l’aire de répartition.
Alors que les affrontements inter-ethniques se multiplient et se propagent en Afrique centrale et australe et que le financement des armées ou des bandes armées est en partie assuré par le trafic de diamants, d’ivoire et autres matières animales, la modification du statut des éléphants et la réouverture du commerce international de l’ivoire et des peaux porterait un coup fatal à l’ensemble de la faune africaine. Plus que jamais, le commerce de l’ivoire est incontrôlable. L’association Robin des Bois sera observatrice des débats d’Harare et participera aux travaux du SSN (Species Survival Network) qui regroupe les principales organisations mondiales de protection de la nature. Les associations européennes ont pour leur part les moyens d’inciter les consommateurs à pratiquer le boycott de l’ivoire.
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