Depuis le 9 décembre 2002, les pouvoirs publics et les communes visées par la marée noire du Prestige se disent prêts et attendent “de pied ferme” les arrivages. En fait, après quelques rodomontades et démonstrations de la patrouille des chalutiers à fuel complètement inopérante sur des nappes fragmentées et indétectables, tous les échelons de la préparation à la lutte se sont engourdis pour les fêtes de fin d’année, rassurés par les ballottements des vents et les renverses de courants. Dans ce domaine, la coopération franco-espagnole fonctionne bien.
Le réveil est brutal. Quelques enveloppes pleines d’euros injectées en catastrophe dans l’usine à gaz de Polmar ne multiplient pas par miracle les pelles, les seaux, les bacs, les bennes, les râteaux, la logistique et les sites de stockage des déchets; le tout adapté à la forme invasive et inlassable des déchets.
La protection du site le plus vulnérable et le plus exposé de l’Aquitaine -le bassin d’Arcachon- s’organise, sur le papier, une fois qu’il est pollué. Les boulettes migratrices entrent dans l’estuaire de la Gironde fréquenté par les poissons migrateurs dont des rarissimes esturgeons protégés sur le plan international. Au centre Polmar du Verdon, il y a moins de barrages flottants disponibles en 2003 qu’en 1996.
Plus au nord, l’île d’Yeu, dont on sait depuis quasiment deux mois qu’elle est dans l’oeil du cyclone, reçoit à l’instar de l’îlot de Tikopia dans le Pacifique Sud la visite tardive des autorités venues se rendre compte des premiers arrivages. Les moyens de lutte arriveront encore plus tard.
La Loire-Atlantique, ses marais, son estuaire, ses productions conchylicoles, ne sont pas même encore en pré-alerte. Tout se passe comme si par décret et vote unanime des conseils régionaux, il était interdit, sous quelque forme que se soit, au fuel du Prestige de s’échouer sur le Morbihan et le sud du Finistère.
Pourtant, l’instruction Polmar de mars 2002 qui abroge celle de 1997 insiste sur la nécessité de l’anticipation. Les mesures de préparation à la lutte doivent “permettre de disposer en permanence de tout un ensemble de moyens en personnels entraînés et en matériels adaptés”. Elle prévoit aussi un réseau de toxicovigilance animé par l’Institut National de Veille Sanitaire (INVS), l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA) et l’Agence Française de Sécurité Sanitaire Environnementale (AFSSE) dans toutes les zones exposées aux pollutions. Cette installation est d’autant plus urgente que la prolifération et la biodisponibilité des hydrocarbures empêche les réflexes d’évitement et favorise les contaminations internes. Dans le cadre du plan Polmar et de la préparation à la lutte, des plans de sauvetage des cultures marines par transfert sont cités parmi les premières mesures à mettre en oeuvre.
L’inertie des pouvoirs publics et des collectivités locales va aggraver le coût économique et écologique du désastre et on entend déjà ici et là les appels aux moyens mécaniques des grands travaux publics lancés par quelques maires et syndicats d’hôteliers; idéal pour achever les plages blessées et jeter aux oubliettes pour les déchets de marée noire les préceptes que chacun recommande pour les autres déchets, à savoir favoriser le tri et éviter à tout prix les suremballages, en l’occurrence avec du sable ou de la vase. 20 à 25.000 tonnes de fuel de l’Erika ont crée sur ce mode 270.000 tonnes de déchets.
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