Une Seveso seuil haut boit la tasse

3 juil. 2023

Le tribunal correctionnel de Marseille a condamné ce matin Kem One pour rejets de substances nuisibles à une amende de 50.000€ et à payer 4000€ de dommages et intérêts pour le préjudice moral à chacune des associations de protection de l’environnement parties civiles et 5000 € de préjudice écologique à Robin des Bois.

L’amende de 50.000€ est clémente mais elle est contrebalancée par l’obligation pour Kem One de publier cette condamnation sur son site internet pendant 2 mois et sur le site internet de L’Usine Nouvelle ainsi que dans le journal Les Echos 10 jours de suite. L’actionnaire principal de Kem One est aujourd’hui le fonds Apollo qui dispose de 500 milliards d’actifs dans le secteur bancaire, numérique et de la chimie. Kem One exploite 7 usines chimiques en France.

Ce jugement et sa publicité viennent rappeler à tous les industriels de Martigues/Lavera et de Fos-sur-Mer qu’ils doivent prendre toutes les dispositions techniques et opérationnelles nécessaires pour prévenir les pollutions et protéger les populations. Il leur appartient de maintenir la vigilance et les moyens d’intervention à un niveau élevé en toutes saisons et à toute heure du jour et de la nuit.

Juillet 2020. Photo Bataillon des Marins-Pompiers de Marseille

Dans la nuit du 22 au 23 juillet 2020, l’usine Kem One Martigues/Lavera a rejeté dans la Méditerranée via l’Anse d’Auguette environ 470 tonnes de solution de chlorure ferrique. La nappe corrosive et colmatante s’est répandue sur une superficie d’environ 16 hectares avant de couler et de recouvrir les fonds marins. Elle a provoqué une forte mortalité piscicole, une mortalité d’algues brunes et rouges, de gastéropodes et d’échinodermes, dont des concombres de mer, et d’au moins un fou de Bassan brûlé au niveau des palmures. Seul un couple de fous de Bassan niche en Méditerranée. Les dépôts ont recouvert des herbiers à posidonie considérés comme l’écosystème le plus important de la Méditerranée par l’Inventaire national du patrimoine naturel (INPN). La reconnaissance du préjudice écologique défini comme “une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement” (article 1247 du Code civil) est une victoire pour Robin des Bois. La plaidoirie de Robin des Bois a été présentée par sa présidente Charlotte Nithart assistée par sa juriste Lise Contant.

Alors que l’alerte avait été donnée à 23h41, la fuite de chlorure ferrique n’avait été stoppée qu’à 10h le lendemain matin. Le réservoir de stockage de chlorure ferrique à l’origine de la pollution était rouillé et fissuré et les cuvettes de rétention censées contenir une fuite n’étaient pas étanches. Kem One a prétendu devant le tribunal que la corrosion du bac était indétectable et “irrésistible”. Dire que les corrosions sont indétectables, c’est dire que la guerre contre la rouille et les microfissures est perdue d’avance et que toutes les usines qui produisent et stockent des matières corrosives doivent être fermées sans délai.

C’est la première fois que Kem One est reconnu coupable de rejets de substances nuisibles. Pourtant, le déversement de chlorure ferrique de juillet 2020 était le 9ème évènement survenu dans les installations de Martigues/Lavéra entre 2015 et 2020, soit près de 2 incidents/accidents par an: fuite de chlore, rejet de boues d’oxydes de zirconium blanches et rejet d’eaux sodées, épandage de tétrachlorométhane …
Entre 2012 et 2021, Kem One Martigues/Lavéra a été mis en demeure 5 fois pour le non-respect de la réglementation notamment relative à la prévention et à la lutte contre la pollution des eaux.

A lire sur le même sujet:
Les Seveso continuent à sortir de leurs cages, communiqué du 24 juillet 2020

 

Imprimer cet article Imprimer cet article