A ce jour le programme de la visite officielle en France – du 10 au 12 avril- du premier ministre chinois n’est pas encore dévoilé. Les “milieux informés” n’évoquent qu’un voyage à Toulouse chez Airbus Industrie. Mais Li Peng restera deux jours, et une branche de l’industrie a déjà de gros intérêts et de vastes ambitions en Chine : le nucléaire français. Framatome, le CEA, EDF, Cogéma et leurs cascades de filiales ou sous-traitants y ont déjà construit deux réacteurs au “design français” (Daya Bay 1-2), participé à la conception de trois autres (Quinshan 1-2-3), s’apprêtent à construire la centrale de Ling’Ao et fournissent le combustible nucléaire pour toutes. Framatome et la Cogema participent à la production d’uranium enrichi dans l’usine de Yibin, et souhaitent y installer une chaîne de fabrication du combustible MOX. Rappelons que l’extraction d’uranium en Chine est pratiquée par des prisonniers, en particulier sur le site de Puli dans le Xinjiang.
Pour EDF, l’espoir est que “Daya Bay” sera la première marche d’un grand escalier en Chine”. La France veut être le partenaire nucléaire du régime chinois malgré la dissémination irresponsable dont celui-ci est le spécialiste : vente d’un réacteur civil au Pakistan, projets avec l’Iran, un réacteur “de recherche” livré à l’Algérie, d’autres envisagés en Syrie, au Bangladesh, en Egypte, au Ghana…
Pour le premier ministre Li Peng, le nucléaire est une affaire personnelle. Par sa formation d’ingénieur en électricité, par son implication familiale – sa femme a dirigé le service supervisant la construction de Daya Bay – par ses anciennes responsabilités de ministre de l’Énergie, par ses nombreuses visites sur les sites, il a démontré un penchant atomique certain. En septembre 89, trois mois après avoir lâché les chars dans Pékin, Li Peng déclarait avec fierté que les événements de Tian’Anmen “n’avaient pas retardé d’un jour les travaux en cours à la centrale de Daya Bay”.
Une escapade en terres nucléaires serait donc du meilleur effet sur un “spécialiste” du calibre du premier ministre chinois, et contribuerait grandement à la promotion de la filière tricolore. A cet effet, la visite du Centre de Production Nucléaire de Gravelines (Nord) semble parfaitement indiquée : la plus grande centrale d’Europe – six réacteurs de 910 MW- est jumelée depuis 1991 avec Daya Bay. Ses tranches 5 et 6 sont des modèles “export” répliqués à l’identique en Chine, y compris dans leurs défauts de conception (anomalie dans le temps de chute des grappes de contrôle de la réaction). Enfin la ville de Dunkerque à 15 km est desservie par le TGV, sur les rangs pour desservir la future ligne Pékin-Shanghaï.
Une autre possibilité serait la visite de l’usine de retraitement de La Hague (Manche), dont la Cogéma souhaite exporter les techniques de séparation du plutonium. Déjà parcouru par le ministre de la Recherche chinois Jian Song en octobre 95, le site attire les convoitises de Pékin pour son unité de production de combustible nucléaire de Yibin.
La France est donc le partenaire privilégié de la République Populaire dans sa marche vers un 3ème millénaire irradieux. Si la visite de Li Peng devait s’accompagner de rendez-vous atomiques, au scandale de l’accueil du “boucher de Pékin” viendrait s’ajouter la dissémination de techniques flirtant de près avec le nucléaire militaire.
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