Sécurité nucléaire – note d’information

25 avril 2024

1. Parti de Saint-Pétersbourg, Russie, le 29 février 2024 à destination de Philadelphie, Etats-Unis d’Amérique, l’Atlantic Navigator II a fait un arrêt imprévu à Rostock, Allemagne, le 4 mars à cause d’une avarie sur son hélice.

Il a quitté Rostock le 19 avril après réparation et inspection des douanes. Ce cargo polyvalent transporte 241 conteneurs de contreplaqué de bouleau provenant de l’exploitation des forêts en Arctique et de l’uranium enrichi.

Malgré la guerre en Ukraine et les tensions entre les Etats-Unis d’Amérique et la Fédération de Russie, le commerce de matières nucléaires ne s’est pas interrompu et l’uranium enrichi russe continue à alimenter en combustible des centrales nucléaires américaines.

Le double jeu de la guerre et des affaires reste aussi en vigueur dans l’Union européenne, non seulement dans le domaine des combustibles atomiques mais aussi dans le domaine des déchets. L’accord du 21 juin 2012 entre l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) et Rosatom, l’agence de l’énergie atomique russe, sur des échanges d’expertise sur le traitement et le stockage des déchets est toujours en vigueur. Par contre, la suspension de l’importation des produits forestiers fait partie des sanctions décidées par l’Union européenne à l’encontre de la Russie.

Du strict point de vue de la sécurité maritime et compte tenu des risques accrus de terrorisme, il est étonnant que des matières hautement radioactives soient transportées à travers la Baltique et l’océan Atlantique à bord d’un cargo polyvalent qui a été détenu à Fremantle, Australie, en 2008, et qui a cumulé depuis 24 déficiences à Montréal (2015), Anvers (2016), Saint-Pétersbourg (2017 et 2019) et Baltimore (2023). Le transport sur un même navire de contreplaqué combustible et de matières radioactives ne répond pas non plus à toutes les exigences de sécurité. En cas d’accident, d’incendie ou de toute autre mauvaise fortune de mer, les responsabilités seront difficiles à établir entre le pays du pavillon, Iles Marshall, la société de classification norvégienne, l’armateur canadien et les chargeurs russes.

L’Atlantic Navigator II est attendu le 4 mai à Philadelphie. Il était prévu qu’il touche ensuite Baltimore mais l’effondrement du pont Francis-Scott-Key l’en empêchera.

Atlantic Navigator II, 23 février 2024, Saint-Petersbourg (Russie).
© WH66-Fleetphotos

 

Atlantic Navigator II, 7 avril 2024, Rostock (Allemagne).
©Tim Becker

Atlantic Navigator II (ex-San Pedro, ex-Anhui, ex-Cape Darnley). OMI 9231145. Cargo polyvalent. Longueur 193 mètres. Port en lourd 30.345 tonnes. Pavillon Iles Marshall depuis octobre 2022. Précédemment Malte (2015), Liberia (2010), Iles Marshall. Société de classification Det Norske Veritas, Russian Maritime Register of Shipping jusqu’en avril 2022. Construit en 2003 à Dalian (Chine) par Dalian Shipyard Co. Propriétaire depuis octobre 2015 : Maistros Marine Co enregistré aux Iles Marshall aux bons soins de CSAL Canada States Africa Line Inc (Canada).

 

2. Dans son Atlas de la France toxique publié en 2016 chez Arthaud, au chapitre “Centrales nucléaires : résisteront-elles aux agressions externes ?”, Robin des Bois écrit que “Penly, Paluel et Flamanville, les trois sœurs atomiques de Normandie, sont exposées aux fureurs de l’océan.” “Calés sur des plateformes qui n’ont pas vu venir l’élévation du niveau de la mer et les submersions, les îlots nucléaires sont inondables à la base.” “EDF, la pelle à la main, se défend avec des murets, des digues et des dragages d’urgence.” “Tout en bas à Flamanville, la menace de “la” vague qui viendrait claquer la falaise donne le frisson.”

Mardi 9 avril, la tempête océanique Pierrick a attaqué les soubassements de la route d’accès aux deux réacteurs nucléaires existants de Flamanville et au réacteur EPR en achèvement. Une cavité a troué la chaussée (environ 4 mètres sur 4 et 8 mètres de profondeur). Cette route longue d’un kilomètre est coincée entre les falaises et la mer de la Manche. Elle est stratégique. Sur elle passent des convois exceptionnels, les combustibles neufs des trois réacteurs, les combustibles irradiés, des colis lourds de plusieurs centaines de tonnes à l’exemple de la cuve EPR (425 tonnes).

Cet effondrement de la route du nucléaire (anciennement route de la Mine de fer) a laissé indifférente l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) dite “le gendarme du nucléaire”.  L’ASN ne s’intéresse pas aux problèmes de circulation. Elle a laissé aux services techniques du département de la Manche le soin de combler le trou et de consolider localement et provisoirement le pied de la digue.

Robin des Bois estime que cet événement est le signe d’une fragilité structurelle de la route d’accès aux trois réacteurs nucléaires de Flamanville. La sécurité des centrales nucléaires comme des établissements industriels soumis à la directive Seveso dépasse les périmètres clôturés et se joue aussi sur les routes d’accès. Les risques NAturels pouvant déclencher des risques TECHnologiques (risques NATECH) sont insuffisamment pris en compte par les services de l’Etat, les collectivités et les exploitants. Le trou de la route départementale 23 aurait mérité d’être classé au moins au niveau 1 sur l’échelle internationale des événements nucléaires (INES : International Nuclear and Radiological Event Scale).

Et surtout, un diagnostic géotechnique de la route du nucléaire doit être lancé au plus vite. Sa mise en sécurité ou sa fermeture s’imposent, sinon elle déclenchera tôt ou tard, minée par les assauts des tempêtes, des accidents aux conséquences humaines, environnementales et économiques considérables.

 

 

 

 

 

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