“A la Trace”, version francophone
“On the Trail”, version anglophone
Trimestriel d’information et d’analyses sur le braconnage et la contrebande d’animaux menacés d’extinction
n°44
1545 évènements
entre le 1er janvier et le 31 mars 2024
1184 sources, 244 pages, 7,2 Mo
Pichi dit aussi tatou velu de Patagonie (Zaedyus pichiy) © Francisco Gambino (CC BY-NC)
Le Secrétariat de la Convention de Washington sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction dite CITES reconnaît l’utilité d’un éventuel rapport annuel sur le volume et la diversité du commerce illicite, mais sa mise en œuvre est différée à cause du manque de moyens financiers et le projet pilote ressemble à un acte manqué et à un espoir déçu.
Avec 7 salariés en charge de “A la Trace” et avec des finances modestes heureusement consolidées par la Fondation Franz Weber, la Fondation Brigitte Bardot et le groupe Séché Environnement, l’ONG française Robin des Bois se substitue aux 184 pays signataires de la CITES et publie depuis 2013 un rapport trimestriel sur le braconnage et la contrebande de toutes les espèces animales aujourd’hui menacées d’extinction et des espèces qui risquent de l’être demain.
Au-delà d’un panorama de la défaunation et de la destruction des habitats, “A la Trace” décrit les mécaniques du pillage et de l’appropriation de la biodiversité terrestre, marine et aquatique et les rouages de la délinquance transfrontalière organisée.
Dans les circuits longs de plusieurs milliers de kilomètres, les réseaux de braconnage, de regroupement, de transport, de contrebande sont cloisonnés. A chacun suffit sa peine, son risque, son profit ou sa sanction. Au départ, la destination finale et à l’arrivée l’origine exacte sont inconnues.
Dans les circuits courts de quelques centaines de kilomètres, les maillons sont moins nombreux et le trafic se gonfle ou se rétracte en fonction de la saisonnalité et des opportunités. Avant le carême en Amérique latine, la Semaine sainte et pendant les fêtes de Pâques, les saisies de tortues, de caïmans, d’œufs d’iguane, de viande de tatou et de paca sont nombreuses dans les gares et aux contrôles routiers.
Il y a dans les réseaux de contrebande des stupéfiants et les réseaux de contrebande d’animaux sauvages ou de leurs parties plusieurs analogies et ils sont parfois confondus. Dès 2016, “A la Trace” n°14 (p. 8 réf. 4) a relevé dans le même bateau de pêche au large de l’Amérique du Sud dans l’Océan Pacifique une cargaison de requins congelés et de 500 kg de cocaïne. En novembre 2023, la Marine colombienne a arraisonné un bateau de pêche et saisi à bord 550 kg de cocaïne et 3 singes hurleurs, preuve supplémentaire que le trafic de drogue et le trafic faunique vont de pair (“A la Trace” n°43, p.66 réf. 17). Dans l’Union européenne, y compris en France, les saisies de stupéfiants chez des trafiquants d’animaux sauvages et les saisies d’animaux sauvages chez les trafiquants de stupéfiants se multiplient. Le “narcotisme” va de pair avec le “mascottisme” (de “mascotismo”, en vigueur dans les pays hispanophones pour désigner le trafic d’animaux sauvages de compagnie).
“A la Trace” n’a pas de scrupule à divulguer les estimations financières des douanes et des services fiscaux sur le trafic des civelles, des vessies natatoires de totoaba, des écailles de pangolin ou des peaux de félins. Robin des Bois pense que les braconniers et les bandes organisées ont d’autres moyens que la lecture de “A la Trace” pour apprécier la valeur réelle et spéculative des animaux sauvages vivants ou morts et de leurs parties. Les pays d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe ont gelé depuis 5 ans le prix officiel du kilo d’ivoire d’éléphant à moins de 2000 € et celui de la corne de rhinocéros à moins de 10.000 €. Ces cotations à vocation dissuasive n’empêchent pas le braconnage des pachydermes et le trafic des deux matières (ivoire et corne de rhinocéros) de se maintenir et de se développer par voie maritime et aérienne, y compris dans l’Union européenne ; le 27 mars 2024 un colis en partance depuis Lisbonne (Portugal) et à destination de Paris s’est révélé contenir 7 kg de corne de rhinocéros.
Dans leurs filets, les douanes indiennes et chinoises récoltent des cargaisons et des colis aux appellations trompeuses et pittoresques. Les scarabées vivants sont déclarés “décorations de Noël”, les millions de plumes de paons “paillassons en fibre de coco” et les dents de cachalots “jouets en bois”.
Parfois les interpellations font écho et contrepied à l’actualité. En Allemagne, une coalition d’adolescents russes et ukrainiens s’est livrée “pour s’amuser” pendant le weekend au vol d’un macaque à queue de lion dans le zoo de Leipzig.
Il y a à s’indigner dans “A la Trace” et il y a à espérer.
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