Catastrophe verte
Depuis quarante ans, les algues vertes envahissent le littoral de l’Ouest de la France et étendent lentement et inexorablement leur aire de répartition.
Des idées reçues et pratiques attribuent quasi exclusivement cette poisse aux activités agricoles. Les contributions des marées noires historiques, des immersions de boues de dragage des bassins portuaires, de la pollution atmosphérique issue des activités industrielles et maritimes ne sont pratiquement pas prises en compte. Une tonne de pétrole contient 20 kg d’azote. Depuis 1970 il est connu des spécialistes que les teneurs en phosphore et en azote de l’eau de mer sont au moins cent fois plus élevées à proximité d’un site de rejet de boues de dragage que dans le milieu environnant. La contribution du trafic maritime à la pollution atmosphérique par les oxydes d’azote (NOX) est en augmentation. Les apports en phosphore dus à la croissance de la flotte de plaisance sous-équipée pour le traitement des eaux de WC ne sont pas comptabilisés.
Une pollution volontaire
L’Ece, battant pavillon des Iles Marshall, a sombré le 1er février dernier à l’ouest de la presqu’ile de La Hague par 70 m de fond à la suite d’une collision avec le vraquier General-Grot Rowecki. Le General-Grot Rowecki transportait des minerais de phosphate à destination de la Pologne et l’Ece 10.000 t d’acide phosphorique à destination de la Belgique. En 2005, le CROSS Jobourg a répertorié 246 passages de chimiquiers transportant de l’acide phosphorique et 138 navires transportant du minerai de phosphate. Immédiatement après le naufrage, les autorités et les observateurs ont déclaré que la cargaison de l’Ece ne présentait pas de risques significatifs pour l’environnement marin. L’association Robin des Bois a, quant à elle, déploré que l’Ece n’ait pas pu être remorqué dans un endroit refuge où l’acide phosphorique aurait pu être totalement ou en partie transféré. Dans un 2ème temps Robin des Bois a souligné l’écotoxicité de l’acide phosphorique auquel sont associés de nombreux métaux lourds, toxiques, persistants et bioaccumulables; d’autre part, la contribution de l’acide phosphorique à la prolifération des algues vertes et des planctons toxiques a été mise en avant. Seul le Ministère de l’Environnement a considéré en même temps que Robin des Bois que « la présence au fond de la mer de 10.000 t d’acide phosphorique était préoccupante ».
L’Ece, les algues vertes et les planctons toxiques
Ece – Communiqué n°3
Le lien entre le phosphore et la prolifération des algues vertes et autres efflorescences toxiques algales et planctoniques est connu depuis plusieurs années. Les conventions internationales et les acteurs nationaux s’efforcent de maîtriser et de réduire le déversement des nutriments dans la Manche et la mer du Nord. Les 10.000 t d’acide phosphorique dans les citernes de l’Ece correspondent à 1/40 ième de la consommation annuelle d’engrais super-phosphatés sur l’ensemble du territoire français (année de référence 2004). Elles représentent un potentiel significatif d’eutrophisation des eaux marines et côtières et de prolifération des planctons comme les dinophysis, les Alexandrium et les pseudo-nitschia susceptibles de produire des toxines dangereuses pour les consommateurs de coquillages. Dans le cadre de la convention Ospar portant sur la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est, la Grande Bretagne déclare 2.900 t de rejets de phosphates dans la Manche (année de référence 2002) suite aux ruissellements et au transport par les fleuves de résidus de l’utilisation des engrais super-phosphatés et des détergents.
Retour sur l’Ece *
Ece – Communiqué n°2
Labellisé “non catastrophe” par les hautes autorités médiatiques, écologiques et scientifiques de la communauté nationale – le ministère de l’Ecologie mis à part – le naufrage de l’Ece et la dispersion de sa cargaison dans la Mer de la Manche vont générer, malgré tout, une perturbation notable de l’écosystème marin notamment à cause de la quantité et de la qualité de sa cargaison.
Cet événement de mer est lié à la consommation européenne des engrais super phosphatés : les deux navires impliqués transportaient du minerai de phosphate et de l’acide phosphorique. L’acide phosphorique d’origine marocaine transporté par l‘Ece contient en moyenne 40 mg/kg de cadmium. Les 10.000 tonnes immergées véhiculent environ 400 kg sous forme dissoute de ce métal toxique pour tous les maillons des chaînes alimentaires marines notamment le plancton et les crustacés. A titre de comparaison la Grande-Bretagne déclare comme rejet annuel dans la Manche 800 kg de cadmium (année de référence 2002) Cette déclaration faite dans le cadre de la Convention Internationale OSPAR portant sur la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est ne peut pas à son tour être comparée à une déclaration française puisque la France n’a fait dans cette instance internationale aucun reporting cadmium global depuis 1996. S’il est bien entendu correct de dire que l’acide phosphorique ne s’accumule pas dans les organismes – il se contente de les brûler – on ne peut absolument pas en dire autant des micro-polluants cachés dans l’acide phosphorique. Le cadmium dans l’acide phosphorique est accompagné par l’arsenic, l’uranium, le chrome et d’autres métaux lourds.
Mémoire trouble en Baie de Seine
Les acteurs ont la mémoire courte ; ont-ils trop absorbé d’acide domoïque, la toxine amnésiante produite par la pseudo-nitzschia, une des espèces planctoniques responsables de la contamination des coquillages et des intoxications des consommateurs -poissons-oiseaux-genre humain-?
En vérité, les coquilles Saint-Jacques de la baie de Seine et de la Manche Nord vivent depuis 2002 dans un milieu très perturbé. Elles reçoivent en permanence les retombées des dragages massifs (40 millions de tonnes) préliminaires à la construction de “Port 2000” au Havre.