“A la Casse” n°70, le mondial de la démolition des navires

29 déc. 2023

Voyage entre Pire et Mieux
“A la Casse” n°70
(pdf 92 pages – 16,2 Mo)
1er avril – 30 septembre 2023
91 sources – 270 photos

En tenant seulement compte des deux leaders (Bangladesh, 580.000 tonnes, et Inde, 564.000 tonnes), le marché de la démolition des navires entre avril et septembre 2023 s’est élevé à 640 millions d’US$ alors que les niveaux d’activité sont faibles dans les chantiers.

Les circuits financiers sont de plus en plus difficiles à tracer. Exemple le Maersk Patras (cf. page 49) a été dépavillonné de Singapour à Saint-Kitts-et-Nevis. La filiale du danois Maersk à Singapour l’a vendu à la Trade Shipping Inc enregistrée sur les Îles Marshall aux bons soins de Machtrans Ship Management Pvt Ltd India. Sur les 208 transactions de navires marchands ayant été vendus pour la casse aux deuxième et troisième trimestres 2023, les Îles Marshall apparaissent comme une plaque tournante dans 32 cas.

Maersk Patras, Alang, octobre 2023. © Eren Topcu/FaceBook Shipbreaking Group

Sur 206 navires partis à la démolition, 100 ont été dépavillonnés pour le dernier voyage. Saint-Kitts-et-Nevis reste le pavillon corbillard préféré (36 navires). Il précède les Comores (16) qui font une percée inquiétante, le Gabon (14) et la Sierra Leone (10).

Après le temps des dépavillonnements, voici venir le temps des déclassements. Le marché des navires marchands en fin de vie est infiltré par une dizaine de sociétés de classification go-fast et low-cost qui certifient en trois clics et deux photocopies la navigabilité et organisent le dépavillonnement vers les Comores ou d’autres pavillons gris-noir. La Capital Register of Shipping emploie les grands moyens pour séduire la clientèle. Elle illustre les fonds d’écran de son site internet avec des photos du CMA CGM Vasco de Gama dont la société de classification est le Bureau Veritas, membre de l’IACS (International Association of Classification Societies). Inspirées par les pompes funèbres générales, des entreprises se spécialisent dans le dernier voyage des navires en fin de vie comme The Last Voyage DMCC (Emirats arabes unis) ou le Grand Voyage Marine Co Ltd (Chine).

Pour changer de nom sans se mettre en frais, les responsables du dernier voyage ne manquent pas d’imagination. La Lyra Trading Ltd a transformé le vraquier San Shin en Sun Shine avant de le placer sous la protection du pavillon des Comores.

L’exploit du semestre est à mettre au crédit d’ExxonMobil qui en mobilisant un navire semi-submersible a transféré de la Guinée équatoriale au Danemark le Zafiro Producer, 331 mètres de long. Le Zafiro Producer sera démantelé à Frederikshavn dans un chantier agréé par l’Union européenne.

Par contre, la filiale gabonaise du français Perenco SA a vendu pour démolition à Alang le Fernan Vaz, le stockage flottant de pétrole brut qu’elle exploitait depuis 2004 au large du Gabon. L’opération a rapporté à Perenco et aux autres parties prenantes 10 millions d’US$. Les citernes du Fernan Vaz, 24 ans d’exploitation en tant que tanker, puis 19 ans en tant que stockage flottant, sont bourrées de boues toxiques et puantes.

Petrobras, la compagnie d’Etat du Brésil, change de cap. Le Petrobras 32, 337 mètres de long, va être démantelé à Rio Grande del Sul en cale sèche. Le porte-avions Sao Paulo ex-Foch aurait pu aisément bénéficier de ce traitement au lieu de se décomposer depuis le 3 février 2023 dans un linceul de peinture à l’étain et au plomb par 3000 m de fond.

MSC, Mediterranean Shipping Company, a pendant ces deux trimestres de 2023 envoyé 9 porte-conteneurs à la casse à Alang.

MSC Jasmine en mer, devenu Jasmine sur la plage, 5 octobre 2023, Alang
(cf. page 50). © Compass Shipping Agency

Les trajets les plus longs pour le dernier voyage reviennent à l’Archimedes (16.000 km, Nouadhibou-Alang cf. page 19), au Friosur VIII (13.000 km, Montevideo-Aliaga, cf. page 18) et au Kema (8500 km, Vladivostok- Chattogram cf. page 37). Bonjour l’empreinte carbone, l’empreinte hydrocarbures et les risques pour les équipages. Toutes ces vieilles bailles marchent au fuel lourd à haute teneur en soufre et polluent comme des usines des années 1970. Parti de Mauritanie à la mi-septembre 2023, l’Archimedes est arrivé à la mi-décembre à vue des plages de démolition d’Alang.

Archimedes au mouillage à Nouadhibou (Mauritanie), 12 septembre 2022. © vovashap

Bonne nouvelle, le Kaiyo Maru, un traqueur de baleines en Antarctique est parti à la casse au Bangladesh (cf. page 88).

Le numéro 70 de “A la Casse” est plein d’histoires qui témoignent des risques que certains armateurs prennent pour encaisser du cash sur le dos de la main-d’œuvre bon marché. C’est ainsi qu’un chimiquier américain, ex-porte-conteneurs victime à New York en 1973 d’une collision avec un pétrolier (cf. “A la Casse” n°65) a fini par rejoindre la Türkiye depuis Philadelphie par ses propres moyens. Parti des Etats-Unis en décembre 2021, il est arrivé en remorque à Aliaga en juillet 2023, un an et demi plus tard (voir ex-Sea Witch page 70).

Le 70 est aussi marqué par une histoire tragique. Le Raptor et ses 14 marins ont été abandonnés en pleine mer déchaînée par un armateur et un manager aux abonnés absents (cf. “The End” pages 91-92).

Le 70 analyse les navires, les produits et les destinations du programme international d’exportation de denrées alimentaires depuis l’Ukraine entre le 19 décembre 2022 et le 16 juillet 2023. La majorité des navires avaient été détenus avant leur participation à ce programme. Quatre pavillons classés sur la liste noire du Mémorandum de Paris ont été mobilisés. Il est confirmé dans ce troisième rapport que les pays menacés de famine et d’émeutes de la faim n’ont pas été loin de là les premiers bénéficiaires. L’Union européenne, la Chine et la Türkiye ont été les principaux destinataires (cf. page 3).

 

Vladimir Kolechitskiy, sous surveillance, dans les eaux hawaïennes, 14 septembre 1974, cf. page 83.© National Archives

Vladimir Kolechitskiy, Chattogram, Bangladesh, 7 septembre 2023. © Md Ziku

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