20 ans après le naufrage de l’Erika

11 déc. 2019

Un naufrage comme celui de l’Erika en 1999 est-il encore possible aujourd’hui sur la façade Atlantique (golfe de Gascogne, Manche, mer du Nord) ?

Les tankers avec un profil comparable à celui de l’Erika (état vétuste, simple coque, voué à la démolition, armateur amateur) sont partis à la casse dans le sous-continent indien, ou bien sont cantonnés dans des trafics interafricains ou inter asiatiques. Les risques ne sont pas supprimés, ils sont déportés. En 2019, le bulletin “A la Casse” de Robin des Bois constate que des simples coques continuent de partir à la démolition et étaient donc toujours exploités hors des eaux européennes.

Le ciblage dans les ports par les administrations maritimes de l’Union Européenne a chassé des ports européens les pétroliers du type Erika. Les ports, les armateurs, les sociétés de classification, les chargeurs sont désormais conscients des risques d’atteinte à leur image et à leurs finances en cas de marée noire. La mutualisation des informations sur l’état des navires au sein de l’Union Européenne s’est élargie au niveau international. Les navires en mauvais état et souffrant visiblement d’un manque chronique de maintenance sont régulièrement détenus dans les ports et ainsi poussés vers les chantiers de démolition. Des angles morts subsistent en Afrique et en Amérique du Sud.

Plusieurs tankers simple coque construits dans les années 80 ont été convertis en transporteurs de mélasse ou d’autres cargaisons liquides moins polluantes que les hydrocarbures. Certains gros pétroliers (VLCC, Very Large Crude Carrier) ont été hâtivement convertis en minéraliers. Leur résistance à ces nouvelles contraintes est régulièrement questionnée à l’exemple du Stellar Daisy qui s’est rompu pendant un voyage du Brésil vers la Chine et a coulé au milieu de l’Atlantique entraînant la mort de 22 marins.

Les risques de marée noire sont ils pour autant réduits ou éliminés?

– Dans l’océan Atlantique comme dans l’océan mondial, en haute mer ou à l’approche des ports, des collisions dues à des erreurs de navigation ne peuvent pas être exclues même si les navires sont double coque et bien entretenus.

– Des épaves comme le Gino (40.000 tonnes), la partie avant du Tanio (26.000 t) et le Gateway (1000 t de bitume) sont irrémédiablement susceptibles un jour ou l’autre de relarguer tout ou partie de leur cargaison. Toutefois, les arrivages sur le littoral en provenance des épaves ne sont pas aussi brutaux et massifs qu’à l’occasion des grandes marées noires historiques. Des épaves oubliées de petits cargos comme l’Union Neptune relarguent tôt ou tard leur carburant de propulsion. Des quantités perlées ont aussi des conséquences écologiques et économiques. Depuis le naufrage de l’Erika, la Convention de Nairobi sur l’enlèvement des épaves a été adoptée. Elle est entrée en vigueur le 15 avril 2015, elle permet aux États côtiers de disposer d’un mandat juridique pour enlever, ou faire enlever, les épaves susceptibles de porter atteinte au milieu marin. La Convention est un levier. Elle considère que les armateurs sont responsables et doivent couvrir les frais d’enlèvement de l’épave. Les Etats peuvent également se retourner contre les assureurs des navires.

– A cause de leur massification, les navires de charge, en particulier les méga porte-conteneurs, contiennent 10.000 t et plus de fioul de propulsion et peuvent déclencher en cas de naufrage des marées noirs massives. Une telle catastrophe n’est pas encore arrivée. Ce risque n’existait pas ou bien était exceptionnel au moment du naufrage de l’Erika. Il est aujourd’hui courant.

– Le manque de remorqueurs de haute mer capables de porter assistance à des navires en avarie grave au centre du golfe de Gascogne n’a pas été comblé. La puissance des deux remorqueurs d’intervention, d’assistance et de sauvetage basés à Brest et à Cherbourg n’est plus adaptée en cas de conditions météorologiques extrêmes à la taille et au poids des méga porte-conteneurs ou des méga navires de croisières qui eux aussi contiennent plusieurs milliers de tonnes de fioul de propulsion.

– Les incendies de voituriers (transporteurs de voitures neuves et d’occasion, de camions et d’engins de chantiers) se multiplient notamment à cause des courts circuits des batteries défectueuses, y compris les batteries lithium des véhicules électriques. Alimentés par les matériaux combustibles (pneus et autres déchets) souvent enfournés dans les voitures d’occasion et les dizaines de tonnes de carburant cumulées des véhicules, ces incendies peuvent être dévastateurs, provoquer le déséquilibre des cargaisons dans les ponts garages et entraîner le naufrage du navire (Cf Grande America, 12 mars 2019). Les voituriers contiennent aussi des milliers de tonnes de fioul de propulsion.

– La doctrine des lieux de refuges pour les navires en difficulté, dont les tankers pétroliers, prévu par le “paquet” Erika III adopté en 2009 par l’Union Européenne, n’est pas clairement appliquée. Sous la pression des élus, des administrations portuaires, la tentation reste grande pour les préfets maritimes de prescrire l’éloignement des navires victimes d’un incendie ou d’une voie d’eau au détriment de leur accueil et de leur mise en sécurité dans une baie, dans une rade ou de leur échouage dirigé sur une plage. D’ici quelques années, la baie de Seine et la baie de Saint-Brieuc qui constituent des zones refuges en cas d’avis de tempête pourraient être encombrées par des champs d’éoliennes offshore et constituer une entrave nouvelle à la sécurité maritime.

Marées noires majeures en provenance de pétroliers depuis le naufrage de l’Erika

 

 

 

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