A la recherche d’une solution pour les eaux contaminées de Fukushima

5 nov. 2020

Séisme et tsunami au Japon, 11 mars 2011 – Communiqué n°17

Le gouvernement japonais s’apprêterait à autoriser le déversement des eaux radioactives de Fukushima Daiichi dans les eaux côtières et dans l’écosystème de l’océan Pacifique. Tepco, exploitant de la centrale accidentée le 11 mars 2011, le ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie et l’Agence Internationale de l’Energie Atomique font la promotion de cette option. Cette pollution volontaire constituerait un précédent reproductible dans l’océan Atlantique en cas d’accident majeur dans une installation nucléaire européenne ou dans le complexe atomique de la Hague en Normandie.

Robin des Bois déplore que l’option de stockage des eaux contaminées dans des barges à l’intérieur du port de la centrale accidentée dont les digues ont été rehaussées pour empêcher l’intrusion d’un nouveau raz-de-marée ou dans un autre abri refuge ne soit pas envisagée.

Les barges sont des stockeurs flottants généralement non propulsés. Elles servent au stockage du pétrole ou de l’eau. A titre d’exemple, la Palanca construite en 1991 à Nagasaki par Mitsubishi Heavy Industries a une capacité de 300.000 m3 de pétrole réparti dans 8 citernes. Trente ans après son lancement, elle est toujours en activité au large de l’Angola. Ces stockeurs flottants ont donc une longévité et une robustesse éprouvées pour autant que la maintenance soit assurée.

Sans s’attarder sur le gigantisme de la barge Palanca, l’option de l’entreposage des eaux contaminées dans des barges d’une capacité de 100.000 m3 par exemple donnerait aux acteurs de l’assainissement et du démantèlement de Fukushima Daiichi un moyen supplémentaire et substantiel de gestion des déchets post-catastrophe liquides. Cet entreposage aurait comme avantage de permettre la décroissance radioactive du tritium et des autres radioéléments à vie courte. Dans l’attente de la construction éventuelle et rapide de barges spécialisées dans des chantiers japonais ou de pays voisins, des barges à double coque d’une capacité de 10.000 à 15.000 m3 sont actuellement disponibles sur le marché de l’occasion pour quelques millions d’US$. Un tel stockage dans des barges ou dans des pétroliers reconvertis avait été envisagé par le gouvernement japonais dans les semaines qui ont suivi l’accident et la ville de Shizuoka avait mis à disposition en première urgence une barge d’une capacité de 13.000 m3. Ce mode opératoire a été abandonné au profit exclusif de centaines de cuves terrestres qui restent irrémédiablement vulnérables à des tremblements de terre de forte intensité. Il semble que l’un des arguments qui ait poussé à l’abandon de cette solution soit la nécessité après usage de décontaminer les barges ou les pétroliers ou de les considérer comme des déchets radioactifs supplémentaires à ferrailler et à stocker. Pourtant, le démantèlement des cuves terrestres après usage sera confronté aux mêmes difficultés.

Les eaux que le gouvernement japonais projette d’immerger proviennent du ruissellement des eaux de pluie et de typhons, des nappes souterraines polluées sous les réacteurs accidentés et des injections d’eau nécessaires au refroidissement des combustibles nucléaires entrés en fusion. A ce jour, un milliard de litres d’eaux contaminées sont stockés dans un millier de cuves à l’intérieur de l’emprise de la centrale accidentée. Il n’y aurait plus de place pour installer de nouvelles cuves alors que le flux journalier d’eaux contaminées est de 100.000 à 200.000 litres supplémentaires. L’évacuation en mer se ferait depuis le rivage par canalisations. La vidange se prolongerait pendant 40 à 50 ans.

Le transfert des eaux radioactives sur un autre site terrestre est considéré comme impossible ou trop long à mettre en place. Les collectivités et populations voisines s’y opposeraient. « Les risques de fuite pendant le transport ne peuvent pas être exclus » ajoute le dossier de Tepco. A terre, une fuite de quelques dizaines de litres aurait donc des conséquences fâcheuses. Par contre, le déversement volontaire d’un milliard de litres dans l’océan Pacifique n’aurait aucun effet délétère sur les organismes marins, sur les pêcheurs et sur la santé des consommateurs de produits de la mer. Pour se justifier, le Japon dit que le radioélément dominant dans le flux radioactif à immerger est le tritium et met en avant son caractère inoffensif. Or, depuis une vingtaine d’années, la prétendue innocuité des rayonnements du tritium est remise en cause par les experts*. Il serait en fait en capacité de s’accumuler dans les organismes aquatiques en premier lieu les invertébrés, les crustacés et les poissons de fond et d’y déclencher des aberrations chromosomiques et des pertes de fertilité.

Le début du rejet en mer ne débuterait pas avant 2022, le temps d’accomplir des ajustements administratifs et juridiques et des contrôles citerne par citerne de la radioactivité résiduelle, le temps aussi de convaincre l’opinion publique locale, nationale et internationale du bien-fondé de la dispersion des déchets liquides post-accidentels dans le bien commun océanique.

Des courriers de Robin des Bois à l’attention de Tepco, du ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie japonais et des experts de l’AIEA ont été envoyés. Ils demandent à chacune de ces parties prenantes les raisons pour lesquelles le recours au stockage flottant n’est plus envisagé alors que de toute évidence il pourrait contribuer à la résolution d’une crise qui va durer au moins jusqu’en 2060. Robin des Bois est en attente de leurs réponses.

* Lire à ce sujet « le livre blanc » du tritium publié en France par l’Autorité de Sureté Nucléaire en juin 2010.

Voir sur l’accident de Fukushima Daiichi les précédents communiqués de Robin des Bois

© Robin des Bois

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