Le Khalifeh 1 se ressaisit
Quelques heures après la levée de la saisie par le Tribunal de Commerce de Neufchatel-en-Bray à la demande de l’agent consignataire du Khalifeh 1, une nouvelle saisie conservatoire du navire a été déposée auprès du même Tribunal de Commerce.
C’est à l’instigation de l’ensemble de l’équipage et avec l’appui de l’association Robin des Bois que cette démarche rarissime dans le monde du transport maritime a été entreprise. L’équipage réclame auprès de l’armateur l’ensemble des sommes qui lui sont dues depuis 4 mois. L’association Robin des Bois s’étonne des propos des milieux professionnels du port du Tréport selon lesquels les marins “n’ont manqué de rien”. La privation de 4 mois de salaires, la privation de travail, l’éloignement des siens, l’incapacité de communiquer avec sa famille faute de moyens matériels sont autant de dommages matériels et psychologiques infligés au 10 marins du Khalifeh 1 par un armateur anglais qui, selon nos dernières informations, a un associé domicilié en France et qui a immatriculé il y a 6 mois le navire au registre des îles Tonga, un État du Pacifique sud connu pour son opacité financière.
L’équipage abandonné du Tréport
En Haute-Normandie, à la limite de la Picardie, les marins syriens et libanais du Khalifeh I attendent désormais une réaction de la France. Immobilisé depuis le 14 Mars 2002 au Tréport, n’ayant pas reçu de salaire ou d’avance sur salaire depuis 4 mois, trahi par son armateur anglais, l’équipage n’a d’autre ressource que d’attendre et de s’en remettre aux bonnes volontés qui commencent à s’organiser dans le port de la Manche. Le propriétaire du Khalifeh I, Richard Otley, est établi à Londres. Il est spécialisé dans le transport du bétail. Il aurait une flotte de camions, mais son unique navire est immatriculé aux Iles Tonga, un état insulaire du Pacifique. La faillite de son activité maritime ne peut donc pas avoir de répercussions financières sur ses activités terrestres.
Sark Trader, une émule du Ievoli Sun
Le chimiquier Sark Trader, battant pavillon panaméen et appartenant à un armateur norvégien, est en fâcheuse posture. A quai dans le port de Calais depuis quelques jours, il est désormais immobilisé par les Affaires Maritimes suite à plusieurs anomalies constatées sur le navire et à des dysfonctionnements en cours d’accostage et de chargement, dont des fuites d’acide sulfurique.
Il aurait été prescrit à l’armateur de décharger les 2000 tonnes d’acide sulfurique. L’acide sulfurique a une action corrosive et peut être une source secondaire d’incendie et d’explosion. Il est dangereux au contact notamment pour les yeux et les muqueuses. La perte d’acide sulfurique dans les bassins d’un port, dans une rade ou dans un fleuve, aurait des conséquences graves pour l’environnement et les riverains.
Le Tréport: 10 hommes sur un bateau
Le Khalifeh I, construit en 1954, pavillon des îles Tonga, est de retour au Tréport depuis un mois. Ses dix hommes d’équipage (neuf syriens et un libanais) ne sont pas payés depuis 4 mois et sont abandonnés à leur sort sur un quai de l’oubli à l’abri des vagues de la solidarité. Les vivres vont de nouveau manquer dans quelques jours constatent dans le calme et l’amertume le capitaine et son second. Richard Christopher Otley, l’armateur anglais, installé à Londres, reste muet face aux multiples relances de l’équipage qui pour des raisons administratives est confiné à bord, et pour des raisons financières ne peut informer par téléphone les membres des familles.
Trafic d’acide à Calais
Le Ievoli Sun et le Balu n’ont pas suffi. Le premier a coulé dans la Manche avec 4.000 tonnes de styrène, le second a coulé au large du Golfe de Gascogne avec 6.000 tonnes d’acide sulfurique. C’était le 31 octobre 2000 et le 20 mars 2001.
Un autre chimiquier venu charger de l’acide sulfurique est immobilisé depuis plusieurs jours par les Affaires Maritimes dans le port de Calais. Dès son entrée le 8 avril, il a attiré l’attention des observateurs portuaires. Il était précédé par une mauvaise réputation et scruté par les Affaires Maritimes, qui n’ont cependant pas entrepris d’inspection lors de son arrivée. Des fuites sont survenues en cours de chargement au niveau des tuyauteries et vannes de pompage. Ces opérations ont été interrompues. Une inspection a eu lieu. Il a été décidé en fin de semaine dernière de vider le navire des 2.000 tonnes d’acide sulfurique déjà embarquées.
La dérive des phares et balises
La flotte de service des Phares et Balises est composée des plus vieux baliseurs en service dans le monde. En dépit de la compétence des équipages, le Georges de Joly construit en 1929, vétéran du débarquement de Normandie, basé à Brest et le Quinette de Rochemont II lancé en 1948, basé au Havre, ne sont plus opérationnels, laissant les marins à quai.
Malgré un plan de renouvellement des baliseurs engagé en 1998 par les Affaires Maritimes et qui devrait s’achever en 2005, les Phares et Balises n’ont plus les moyens techniques d’assurer la maintenance, le remplacement et le repositionnement de la signalisation maritime le long du littoral de la Manche et de l’Atlantique.
Bateaux-poubelles: la complaisance de Veritas
Le Gatteville a quitté le port de Cherbourg en fin de matinée. Le pétrolier de 2060 tonnes a été acheté il y a un mois par Hellenic Slops, armateur et récupérateur de déchets d’hydrocarbures basé au Pirée, le port d’Athènes.
Après une immobilisation de 2 ans, le Gatteville a abandonné le pavillon-bis français (Îles Kerguelen) pour le pavillon panaméen. Dans un premier temps, la société de classification chargée de redonner ses certificats au Gatteville était d’origine panaméenne. Dans un deuxième temps, le Bureau Veritas France a assumé la sale besogne. Les logiciels “Veritas Hull” et “Veritas Machinery”, qui “introduisent une nouvelle conception de la classification fondée sur l’intégration de l’analyse des risques et d’un système de maintenance planifiée des navires”, ont semble-t-il abouti à un diagnostic rassurant. Le Gatteville est bon pour le service et pour le Golfe de Gascogne, avec 9 membres d’équipage et 150 tonnes de fuel.
Les dents de la mer
Aristote Onassis, le plus célèbre des armateurs grecs, fut un précurseur des pavillons de complaisance. En 1965, il déclarait: “mon pays favori est celui qui accorde le maximum d’immunité à l’égard des impôts, des restrictions commerciales et des réglementations inutiles”.
Hellenic Slopes, qui, le 21 Février a acheté à la Copamar, un armateur français, un rafiot de plus de 30 ans, reprend à son compte les paroles du maître. En effet, le Gatteville n’a pas de licence de navigation. Elle lui a été retirée en Septembre 2001, par la société française de classification Bureau Véritas. Cependant, Dimanche 17 Mars 2002, un inspecteur du Bureau Véritas, a passé plusieurs heures sur le Gatteville., en compagnie de représentants du Centre de Sécurité des Navires de Caen – Cherbourg.
Safer Seas à Brest, Unsafer Seas à Cherbourg
A Brest, dans le cadre du colloque International Safer Seas, les experts de l’Union Européenne exposent les mesures déjà prises, en réaction au naufrage de l’Erika, visant à améliorer la sécurité de navigation des navires-citernes, à renforcer les contrôles dans les ports et à mettre sous surveillance les sociétés de classification. Le respect des procédures en cas de changement de classe, la transparence dans la communication des informations et l’exigence préalable de bonnes performances de sécurité et de prévention des pollutions sont des critères essentiels en vue d’obtenir et de conserver l’agrément européen relatif aux sociétés de classification.
Gatteville: un contrôle light pour un pétrolier de plus de trente ans
Un inspecteur de Det Norske Veritas a passé une partie de la matinée sur le Gatteville. Le transfert de classe entre Véritas France et Det Norske Véritas, qui n’ont pas de lien organique, se fait sans passage en cale sèche contrairement aux procédures et cahier des charges en vigueur. Même l’Erika à l’occasion de son transfert de Véritas France au registre italien Rina y avait eu droit.
Seule une inspection sous-marine de la partie arrière du Gatteville a été réalisée par une entreprise régionale. Pour le moment, le scénario est conforme au polar standard de la complaisance maritime: transaction secrète entre deux sociétés opaques, arrivée immédiate à Cherbourg de marins grecs chargés de reprendre la situation en mains et de forcer la main aux autorités locales, réimmatriculation à Panama, entrée en jeu d’une nouvelle société de classification non européenne. Det Norske Véritas est une société de classification norvégienne, connue de Robin des Bois et de la préfecture maritime de Brest pour avoir certifié deux chimiquiers de plus 25 ans, longuement immobilisés dans le Port de Saint Malo en 2001.