Consultation du public – Société Environnement et Minéraux – SEM

22 nov. 2021

Observation de Robin des Bois du 22 novembre 2021 sur le projet de comblement de l’ancienne carrière de craie à Mauny-Bardouville (Seine-Maritime) – Société Environnement et Minéraux

Madame, Monsieur,

L’association Robin des Bois est opposée à ce projet de comblement de l’ancienne carrière de craie de Mauny-Bardouville.

Le front de la carrière est un habitat privilégié pour les chauves-souris. Trois espèces ont été localisées et identifiées. Le fait de détruire ou de dégrader un habitat existant de chiroptères est un délit. Les inventaires chiroptérologiques sont d’une grande hypocrisie. Ils disent d’une part qu’aucun gîte d’estivage ou d’hivernage n’est présent sur site et en même temps les “experts” disent qu’au titre des mesures compensatoires il conviendra de mettre en place en cours d’exploitation ou à la fin des gîtes artificiels à chauves-souris.

Nous apprécions aussi à sa juste valeur – c’est à dire très basse – la recommandation compensatoire de raser en automne et en hiver la strate arbustive du site qui sert d’habitat et de nidification aux passereaux comme les fauvettes à tête noire et les pinsons des arbres.

Les naturalistes ne sont pas non plus avares de solutions à proposer aux couples de faucons crécerelles qui nichent fidèlement en haut du front de carrière depuis des années. Plus bas, plus haut, dans des nids de corbeaux, plus au sud … A toutes fins utiles, les experts en déménagement de faucons préconisent de mettre en place des gîtes pour faucons crécerelles.

Le festival continue avec les grenouilles vertes et les agiles qui malgré leur nom seront écrasées par les engins de chantier et trouveront peut-être une consolation dans les dispositifs anti-intrusion de leurs congénères sur le site du chantier tout en se lamentant si elles le pouvaient sur le fait que ces dispositifs anti-intrusion sont pour elles des dispositifs d’incarcération.

Les 8 espèces de papillon identifiées sur le site sont logées à la même enseigne de désinvolture. Elles sont toutes considérées par les naturalistes missionnés comme des préoccupations mineures sauf pour la Mélitée du plantain qui serait menacée en Haute-Normandie, de l’autre côté de la Seine. La solution comme pour les passereaux sera d’éliminer les buissons et les arbustes avant l’exploitation et de faire une croix sur les chenilles des papillons expropriés.

Pour toutes les espèces citées qui sont inscrites sur la liste rouge des espèces menacées comme le grand porte-queue (Papilio machaon), il convient de préciser que le classement dans la sous-rubrique LC “préoccupation mineure” vise justement à ce que les populations de ces espèces d’ores et déjà menacées soient protégées maintenant et ne glissent pas progressivement vers l’extinction.

D’autre part, nous pensons que l’axe Seine n’est pas réservé aux cargos, aux péniches et aux transports fluvio-maritimes de conteneurs. Cet axe est aussi un corridor pour la faune aviaire et les chauves-souris et il nous paraît très mal venu de sacrifier les fronts d’anciennes carrières de craie pour stocker des déchets de creusement et de démolition du Grand Paris. Car la finalité du projet est bien d’importer par péniches des déchets et gravats susceptibles d’être pollués par des éléments traces métalliques au premier rang desquels le plomb, par des hydrocarbures, des PCB, des fongicides et autres produits de traitement du bois. Pour rappel, une importante pollution par le plomb de milliers de tonnes de terres excavées en provenance du Grand Paris a été récemment découverte par la DREAL de Seine-Maritime sur l’ex-emprise de Petroplus à Grand-Couronne. Qualifier comme le fait le dossier de consultation publique ces déchets de “matériaux inertes” est un douloureux et inconséquent détournement de la réalité. Selon VNF (cité dans le dossier de consultation), 10 millions de tonnes de déchets additionnels seront produits par les travaux du Grand Paris sur la période et 40 % de ces déchets seront importés en Normandie. Les contrôles visuels ou olfactifs de 6 camions par heure par jour ouvré pendant 4 ans ne peuvent pas garantir la non introduction dans les matériaux de comblement de fines et de gravats polluants. Nous rappelons à cet égard que les nouveaux textes sur la tracabilité des terres excavées obligent les producteurs de chaque lot à en désigner l’origine précise et le profil physico-chimique et que les bordereaux de livraison seront communicables au public.

L’exploitant du site serait la société Cosson qui exploite des ISDI en région parisienne et cherche par tous les moyens à en obtenir l’extension au mépris des populations locales. Les emprises exploitées par Cosson en tant qu’ISDI en Ile-de-France sont planes et ne présentent pas de risques majeurs de coulées de boues. Il est probable que cette ISDI de Mauny-Bardouville en forte déclivité sera ravinée au cours de son exploitation et qu’elle sera victime en période d’orage ou de pluie continue d’éboulements ou d’effondrements susceptibles de porter atteinte à la sécurité des biens matériels ou immatériels en contrebas et de nuire à la réalisation du pompeux plan de réaménagement du site tel qu’il est esquissé par le dossier de consultation publique. Il est probable aussi qu’à la fin de la première autorisation éventuellement accordée à l’exploitant il demandera une possibilité d’extension de l’exploitation en comblant une autre partie du front de la carrière d’autant que les travaux du Grand Paris et le décaissage de terres pour la plupart polluée par des installations industrielles historiques ne sera pas achevé d’ici 2027 mais plutôt entre 2030 et 2040.

En fait, sous le couvert d’un comblement de carrière de craie, la société Cosson alliée à la Société Environnement et Matériaux basée en Isère veut ouvrir une ISDI dont les valeurs limites supposées détectables par des “contrôles visuels” ou “olfactifs” sont de 0,5 mg/kg en arsenic, 20 mg/kg en baryum, de 0,5 mg/kg en chrome total, de 800 mg/kg en chlorure, de 1000 mg/kg en sulfate, de 6 mg/kg en BTEX, de 1 mg/kg en PCB, de 550 mg/kg en hydrocarbures totaux (arrêté du 12/12/2014 relatif aux conditions d’admission en ISDI). A supposer que ces valeurs-limites ne soient pas dépassées, l’apport d’au minimum 400.000 tonnes de déchets constituera une charge polluante considérable et instable. Sous l’action des eaux de pluies, les polluants seront à terme transférés vers le fleuve Seine et les eaux des nappes souterraines. Ce risque – enfin une parole de vérité – n’est pas exclu par le dossier de consultation publique.

Pour ces raisons principales et la raison connexe du flux incessant de camions sur 7 km pendant au moins 4 ans entre le quai de transfert situé à Anneville-Ambourville et Bardouville sur une départementale traversant plusieurs communes, l’association Robin des Bois agréée pour la protection de l’environnement au niveau national est résolument opposée à ce projet de comblement de l’ancienne carrière de craie de Mauny-Bardouville.

Merci de votre attention,

Sincèrement

Robin des Bois

 

 

 

 

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