Le retour au sol d’un virus exotique

19 mai 2020

Les boues sont les résidus liquides des Stations de Traitement des Eaux Usées (STEU) comme les mâchefers sont les résidus solides de l’incinération des déchets.

L’arrêté du 30 avril 2020 (1) pris sous la responsabilité des ministères de l’Agriculture, de la Santé et de l’Ecologie autorise pendant la période Covid-19 l’épandage des boues sur les sols agricoles et en forêt sous réserve qu’elles soient hygiénisées.

La notion d’hygiénisation recouvre des techniques diverses supposées réduire à néant ou à des proportions acceptables le caractère infectieux des bactéries et des virus. Seuls le conditionnement thermique, l’oxydation par voie humide, l’acidification ou l’incinération apportent des garanties sur l’élimination de tous ces pathogènes.

Pour des raisons économiques et d’obsolescence technologique, la plupart des 21.500 STEU mettent en œuvre dans le cadre de l’hygiénisation des tripatouillages divers dont l’efficacité en continu n’est pas assurée.

L’arrêté boues du 30 avril et l’avis de l’ANSES sur lequel il se fonde ignoraient au moment où ils ont été rédigés les teneurs en génome de SARS-CoV-2 dans les eaux usées des régions frappées de plein fouet par l’épidémie Covid-19.

Le verrou de l’ignorance a sauté le 6 mai 2020 avec la publication (2) de données quantitatives sur le SARS-CoV-2 dans les eaux usées à l’entrée de 3 stations d’épuration de Paris métropole. Le 9 avril, plus de 3 millions par litre des génomes incriminés ont été détectés. A titre de comparaison, la teneur moyenne d’entérovirus responsables des épidémies de gastro-entérite est d’un million par litre dans les mêmes stations.

Les orages, le lessivage des trottoirs et de la voirie, les purges des réseaux d’égouts, les eaux de lavage des masques grand public vont maintenir à un niveau élevé le nombre de génomes SARS-CoV-2 pendant la période de Covid-19 dont personne ne sait combien de temps elle peut durer ou rebondir.

Si un verrou a été ouvert grâce au laboratoire Eau de Paris, deux autres restent fermés :
– Aucune donnée sur la quantification des SARS-CoV-2 dans le compartiment boues des stations d’épuration n’est disponible alors que les boues concentrent les polluants chimiques, métalliques et bactériologiques contenus dans les eaux usées.
– Le caractère infectieux de ces génomes et leur résilience dans le compartiment boues ne sont pas non plus identifiés.

C’est donc en aveugle que sont épandues les boues des stations d’épuration conformément à la doctrine du « retour au sol » de moins en moins admise par les agriculteurs, les riverains et les consommateurs. Les boues des STEU de Paris et des communes périphériques sont exportées dans plusieurs régions.

Robin des Bois a saisi en urgence l’ANSES (3). L’agence a répondu le 15 mai 2020 que l’objet de la saisine est en cours d’analyse.

Voir aussi:
La double peine pour les boues d’épandage, 14 avril 2020

—————-

(1) Arrêté du 30 avril précisant les modalités d’épandage des boues issues du traitement des eaux usées urbaines pendant la période de Covid-19
(2) WURTZER S, MARECHAL V, MOUCHEL JM, MOULIN L (2020) Time course quantitative detection of SARS-CoV-2 in Parisian wastewaters correlates with Covid-19 confirmed cases
(3) Saisine de l’ANSES par Robin des Bois, 14 mai 2020

 

 

 

Imprimer cet article Imprimer cet article