Le Victor en ligne de mire

7 déc. 2001

La Marine Nationale entend utiliser le Victor comme cible dans des exercices navals, et couler ce vieux cargo au large de la Bretagne. Construit en 1964 par les excellents chantiers navals russes, le Victor contient plusieurs tonnes d’amiante dans le compartiment machine et les calorifugeages, et du pyralène dans les équipements électriques. L’amiante et le pyralène -très toxique pour l’environnement marin-, étaient à cette époque considérés comme indispensables pour maîtriser les risques d’incendie à bord des navires.

Le Victor est à quai à Brest depuis le 4 avril 2000. Dans un état physique, mécanique et social déplorable -les marins n’étaient pas payés depuis 3 mois-, il venait du Tréport, en Seine-Maritime, où il avait chargé 3300 tonnes de blé à destination du port espagnol de Malaga, en Méditerranée. Le Centre de Sécurité des Navires de Rouen, dont les effectifs sont notoirement insuffisants, n’a pu examiner et retenir le Victor au Tréport, d’autant qu’il a quitté le port pendant un week-end, quand les inspecteurs se reposent, une astuce bien connue des armateurs sans le sou.

Quelques mois après, le Victor est devenu la propriété de l’État français. Après un appel d’offres considéré comme infructueux par le Préfet du Finistère, il a été décidé de couler le Victor en partenariat avec la Marine Nationale. Robin des Bois apprécie que le Victor n’aille pas comme le Han, l’Oscar Jupiter, et peut-être le Junior M rejoindre la horde des bateaux-poubelles sur l’océan mondial.

Pour autant l’immersion du navire est inadmissible. Il n’est d’ailleurs pas sûr qu’elle soit acquise. A ce jour, les services du Ministère de l’Environnement n’ont été saisis d’aucune demande d’autorisation d’immersion. C’est ce ministère qui est garant des conventions internationales interdisant ou réglementant l’immersion des navires et des déchets dans l’Atlantique. Le dossier d’instruction visant à l’éventuelle immersion du Victor n’existe pas encore, en dehors des déclarations d’intention du Préfet du Finistère. Il doit démontrer que le navire sera débarrassé de tous ses matériaux toxiques ou non dégradables, et qu’il n’existe pas d’alternatives techniques économiquement acceptables à l’immersion. Après avoir délivré son autorisation au Préfet Maritime de Brest qui est l’autorité pertinente, le Ministère de l’Environnement en avertira le secrétariat de la Convention Ospar relative à la protection de l’environnement marin de l’Atlantique Nord-Est.

Sur les quais, on entend dire que les choses doivent aller très vite. Nous entendons qu’elles se fassent bien, en phase avec l’opinion publique, dans le respect des conventions internationales en vigueur et en préparation, comme la Convention sur l’enlèvement des épaves qui devrait être adoptée en 2002 par l’Organisation Maritime Internationale. Il n’est plus temps de couler des navires ou de laisser des épaves au fond de l’eau comme celles de l’Erika et du Ievoli Sun. Il est temps de relancer en Europe de l’ouest une industrie de la déconstruction des navires et du recyclage de leurs métaux ferreux et non-ferreux. Brest à cet égard est remarquablement placée.

Robin des Bois s’associe aux protestations de la CFDT et de tous ceux qui considèrent que la mer n’est plus une poubelle. Des courriers en ce sens sont envoyés au Ministre de l’environnement, au Ministre des Transports, et au Premier Ministre.

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