Les ordures à la mer

17 févr. 2004

Aujourd’hui, Monsieur le Président de la République va dénoncer à Brest les “voyous de la mer” selon la formule consacrée. C’est un bon jour. 90% des bateaux à quai dans le principal port de commerce breton battent pavillon de complaisance.

Le Liberia (2 navires) est bien représenté. Ce pays fantôme, 2ème flotte mondiale de commerce, n’a pas signé l’annexe IV de la convention Marpol sur la prévention de la pollution par les navires. Les bateaux de commerce libériens ne sont pas obligés de disposer d’un dispositif de broyage et de désinfection des eaux usées, ni d’une citerne de stockage. Par eaux usées, l’OMI (Organisation Maritime Internationale) entend les eaux de toilettes, d’urinoirs, de WC, d’infirmerie, et des espaces utilisés pour le transport des animaux. La flotte libérienne peut rejeter en toute légalité ses eaux sales dans la mer et les ports sans se soucier des limites réglementaires des 4 et 12 milles du littoral fixées par la convention internationale.

Sur les quais de Brest, il y a aussi un bateau battant pavillon des Comores. Le taux de détention après inspection des navires de commerce comoriens est de 40%. Les Comores sont donc 4 ème au top four des pavillons retenus dans les ports européens. Ce pavillon de l’océan indien n’a pas ratifié les annexes 1 et 2 de la convention Marpol portant sur le rejet en mer des substances liquides nocives dont les hydrocarbures. En d’autres termes, les dégazages des navires comoriens sont licites au regard des engagements internationaux pris par l’état du pavillon.

Immatriculé à Antigua et Barbuda, un paradis de défiscalisation des Caraïbes, l’Aurelia vient souvent à Brest. Il appartient à un armateur allemand installé à Hambourg et propriétaire d’une bonne quarantaine de navires aux appartenances exotiques: Antigua et Barbuda, Iles Marshall, Liberia. Dans la tradition de ces armateurs européens tireurs des ficelles du business maritime international, chaque bateau est géré par une filiale indépendante, style Aurelia Shipping, de façon à ce que les créances ou les dommages causés par un navire ne puissent s’étendre à l’ensemble de la flotte, de manière aussi à ce que l’ensemble du personnel embarqué ne puisse se regrouper en syndicat ou autre entente inopportune.

Le Président de la République a donc à Brest un panorama des pratiques du shipping international et une documentation presque complète sur les travers et l’hégémonie des pavillons de complaisance, parfois appelés pavillon d’opportunité ou de libre immatriculation. S’il venait à monter à bord de l’un de ces navires, il pourrait aussi discuter avec les équipages cosmopolites et réfléchir sur le projet français de registre off-shore, le RIF (Registre International Français) et le rejeter.

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