L’Union européenne responsable de l’extinction en cascade des populations de grenouilles

23 juin 2022

Une nouvelle étude démontre que les importations dans l’Union européenne de cuisses de grenouilles mettent sérieusement en danger les grenouilles d’Asie et d’Europe de l’Est.

 

Avant
Grenouille géante de Java (Limnonectes macrodon)
© Tom Kirschey (CC BY-NC 4.0)

Après
Limnonectes macrodon ” chez Picard
© C. Nithart / Robin des Bois

Munich/Paris/Bruxelles, 23 juin 2022. Le nouveau rapport “Deadly Dish” / “Plat mortel” des ONG Pro Wildlife (Allemagne) et Robin des Bois (France) révèle l’étendue et l’impact écologique désastreux des importations dans l’Union européenne de millions de cuisses de grenouilles. L’Union importe environ 4070 tonnes de cuisses de grenouille par an, soit l’équivalent de 81 à 200 millions de grenouilles, dont l’immense majorité est capturée dans la nature. Cette pratique menace de plus en plus les populations de grenouilles dans les pays fournisseurs que sont l’Indonésie, la Turquie et l’Albanie. L’UE est de loin le plus grand importateur mondial de cuisses de grenouilles et les espèces à grandes cuisses comme la grenouille mangeuse de crabe ou grenouille des eaux saumâtres (Fejervarya cancrivora) et la grenouille d’Asie de l’Est (Hoplobatrachus rugulosus) font l’objet d’une demande particulièrement importante parmi les prétendus gourmets européens.

La surexploitation continue, depuis des dizaines d’années, des populations de grenouilles pour le marché européen a eu des conséquences dramatiques : “Dans les années 1980, l’Inde et le Bangladesh étaient les deux plus importants fournisseurs de cuisses de grenouilles pour le marché européen, mais depuis les années 1990, l’Indonésie a pris la tête du marché. Dans les pays d’Asie du Sud-Est, tout comme en Turquie et en Albanie plus récemment, les populations d’espèces de grenouilles de grande taille s’effondrent les unes après les autres dans la nature, créant un effet en cascade fatal pour la conservation des espèces”, déclare Dr. Sandra Altherr, co-fondatrice de l’ONG Pro Wildlife basée à Munich. Cet effet n’affecte pas seulement les grenouilles : “Les grenouilles occupent une place centrale dans les écosystèmes en tant que mangeuses d’insectes, et dans les lieux où les grenouilles disparaissent, l’utilisation des pesticides nocifs augmente. Le commerce de cuisses de grenouilles a des conséquences directes non seulement sur les grenouilles, mais aussi sur la biodiversité et la santé des écosystèmes dans leur ensemble”, explique Charlotte Nithart, présidente de l’ONG Robin des Bois basée à Paris.

En 2011, une étude de Pro Wildlife analysait pour la première fois les importations européennes de cuisses de grenouilles. Ce nouveau rapport “Deadly Dish”/”Plat mortel” publié ce jour met en évidence trois problèmes principaux de manière claire et alarmante :

1 – Le pillage à grande-échelle des populations de grenouilles pour alimenter le marché européen a continué en Indonésie pendant la dernière décennie. Plus de 30 millions de kilos de cuisses de grenouilles ont été importés d’Indonésie sur la période 2010-2019. La grenouille géante de Java (Limnonectes macrodon) est indiquée sur des emballages alors que l’Indonésie ne délivre plus de quotas d’exportation pour cette espèce. Les consommateurs sont trompés.

2 – La surexploitation mène au bord de l’extinction les populations de grenouilles dans d’autres pays : les scientifiques de terrain en Turquie alertent sur le risque d’extinction des grenouilles locales d’ici à 2032 si la surexploitation des populations sauvages perdure. En Albanie, le 4ème plus important fournisseur de cuisses de grenouilles pour l’UE, la grenouille d’Albanie (Pelophylax shqipericus), entre autres, est désormais menacée.

3 – Bien que les Etats-Unis importent également d’énormes quantités de grenouilles pour leur consommation, ces dernières sont principalement élevées dans des établissements dédiés. A la différence des Etats-Unis, l’UE importe majoritairement des grenouilles capturées dans la nature, faisant ainsi courir le risque d’une catastrophe écologique. Environ 74% des importations européennes proviennent d’Indonésie, 4% de Turquie et 0,7% d’Albanie, où les populations de grenouilles sont de plus en plus menacées.

Les ONG Pro Wildlife et Robin des Bois appellent les États membres de l’Union européenne – en particulier la Belgique et la France – en coopération avec les pays exportateurs, à assurer une traçabilité du marché des cuisses de grenouilles, à contrôler la véracité des informations délivrées aux consommateurs, et à élaborer des propositions d’inscription des espèces de grenouilles menacées par la surexploitation aux annexes de la CITES, la Convention sur le commerce international des espèces de faunes et de flore sauvages menacées d’extinction.

Pour plus d’informations :

A propos de Pro Wildlife

Pro Wildlife est une association caritative qui travaille, à l’échelle mondiale, à la protection de la faune et de ses habitats. L’association travaille à travers le monde pour améliorer les lois de protection de la faune sauvage et de ses habitats. Pro Wildlife prend part à diverses conférences comme la Commission Baleinière Internationale (CBI) et la Convention de Washington sur le Commerce international des espèces de faunes et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), et est en contact étroit avec d’autres organisations et gouvernements à travers le monde. Pro Wildlife met en lumière les abus et informe les médias, les consommateurs et les politiciens des derniers développements en matière de faune sauvage et de conservation de la nature. Sur le terrain, Pro Wildlife soutient des projets de conservation des espèces et animaux dans de nombreux pays – que ce soit pour venir au secours des victimes du braconnage et du trafic d’espèces sauvages, pour protéger les habitats, mais aussi pour prévenir ces comportements et éduquer les populations locales.

A propos de Robin des Bois

Robin des Bois est une ONG à but non-lucratif fondée en 1985. Son objectif est la protection de l’Homme et de l’environnement par la recherche et l’action non-violente. Robin des Bois mène des enquêtes de terrains et participe régulièrement à une dizaine de groupes institutionnels de concertation ainsi qu’à des conventions internationales. Depuis 1988, l’association a le statut d’observateur à la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faunes et de flore sauvages menacées d’extinction) et de la CBI (Commission baleinière internationale). Depuis 2013, Robin des Bois publie un bulletin d’information et d’analyses sur le braconnage et la contrebande d’animaux (“A la Trace” en français, “On the Trail” en anglais), un outil utile aux institutions et ONG qui luttent contre la criminalité faunique à travers le monde.

 

 

 

 

 

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