L’Union fait la farce

14 avril 2022

La lecture attentive du Journal Officiel de l’Union européenne du 8 avril 2022 “concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine” (1) lève le voile sur le double jeu des gouvernements et du Conseil européen non seulement dans le domaine de l’énergie mais aussi dans d’autres secteurs industriels considérés comme essentiels.

L’interdiction de signer ou de poursuivre des contrats avec des personnes privées morales, des entités ou des organismes établis en Russie et détenus à plus de 50% par des intérêts russes épargne le nucléaire. “Les autorités compétentes peuvent autoriser l’attribution et la poursuite de l’exécution des contrats destinés à l’exploitation, à l’entretien, au déclassement et à la gestion des déchets radioactifs, à l’approvisionnement en combustible et au retraitement du combustible (…)” peut-on lire dans le Journal Officiel de l’Union.

Rencontre au Havre du Premier ministre russe et du Premier ministre français, 24 juin 2019 © Photo : Karima SAIDI / France 3 Normandie

En juin 2019, Edouard Philippe alors Premier ministre (et ex-responsable des contrats internationaux d’Areva devenu Orano) a chaleureusement reçu au Havre Dmitri Medvedev, le Premier ministre russe. Le Havre est le port historique d’exportation de l’uranium de retraitement vers la Russie et le port d’importation de l’uranium de retraitement enrichi depuis la Russie. Les contrats ont été renouvelés fin de l’année 2018. Les transports maritimes et les échanges commerciaux ont repris début 2021.
Le 14 avril 2022, ce jour, Edouard Philippe, redevenu maire du Havre, reçoit chaleureusement Emmanuel Macron pour évoquer à la veille du second tour de l’élection présidentielle le business durable et l’écologie. Il est peu probable que ce coup de maître spécialement mitonné pour justifier la poursuite du retraitement des combustibles irradiés à l’usine de La Hague soit publiquement évoqué.

En dépit des postures et de la volonté affichée d’aboutir à une décomposition financière et technique de la Russie, les importations de gaz, de pétrole et de produits raffinés, d’engrais et de composants d’engrais, de blé, de titane, d’aluminium, de cuivre, de nickel, de palladium, de minerai de fer, de fer et de ferraille, vont également pouvoir continuer comme si de rien n’était au sein de l’Union européenne. Les Tartuffes se cachent dans les détails des dérogations et des annexes du Journal Officiel. L’interdiction d’acheter et d’importer dans l’Union les biens qui génèrent d’importantes recettes pour la Russie est minutieusement battue en brèche. L’embargo européen de 2022 est aussi efficace que la ligne Maginot.

Le 24 février 2022, jour de l’invasion russe en Ukraine, l’ONG Robin des Bois demandait si les autorités françaises et européennes oseraient sanctionner la Russie en s’attaquant au business du gaz et du nucléaire (2). La réponse a été publiée au Journal Officiel de l’Union européenne le 8 avril 2022.

(1) https://robindesbois.org/wp-content/uploads/JO-UnionEuropenne-8avril2022-mesures-restrictives-Russie-Ukraine.pdf
(2) “Sanctions envers la Russie : vont-ils oser ?”, 24 février 2022
https://robindesbois.org/sanctions-envers-la-russie-vont-ils-oser/

 

 

 

 

 

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