Nitrate-Nitro

21 sept. 2020

21 septembre 2020 – 10h17

Mercredi 21 septembre 1921 – 7h32
Il y a 99 ans, dans l’usine BASF d’Oppau en Allemagne, le nitrate d’ammonium creuse un cratère et fait plus de 500 morts, 2000 blessés et 7500 personnes sans toit.

Vendredi 21 septembre 2001 – 10h17
Il y a 19 ans, le nitrate d’ammonium creuse un cratère sur la plateforme chimique de Toulouse et fait 31 morts in situ et hors des murs. Des milliers de personnes sont sidérées, blessées et durablement traumatisées. 80.000 logements sont sinistrés.

Le nitrate d’ammonium est une bête chimique à deux têtes. L’une tue pendant les guerres en valorisant ses capacités explosives et brisantes, l’autre nourrit en temps de paix en améliorant le rendement des cultures.

Le nitrate d’Ammonium for Peace est partout, dans les granges, les coopératives, sur les routes, les rails, sur mer et dans les ports. Avant de polluer durablement les eaux par l’infiltration de ses résidus et excédents, c’est un produit brut pas cher et brutal auquel les agriculteurs sont profondément attachés. En fait, ça dépasse la culture et ça atteint le culte. Se détacher de l’engrais azoté nitrate d’ammonium apparaît pour le monde agricole plus difficile que de se séparer des glyphosates.

Quelques jours après Beyrouth, le ministère de l’Agriculture en France a tenté d’apaiser les inquiétudes des populations : « le nitrate d’ammonium n’est pas considéré comme un explosif mais seulement un explosif occasionnel » et toute la brigade depuis les chambres d’agriculture jusqu’aux tenanciers des sites de conditionnement et de transit de s’extasier sur la réglementation française qui serait exemplaire sur le sujet et d’oublier qu’à l’occasion – les 21 septembre en sont – le nitrate d’ammonium agricole fait des ravages comme en temps de guerre.

L’accidentologie sur le nitrate d’ammonium disponible sur le site du BARPI (Bureau d’Analyse des Risques et Pollutions Industriels) est instructive (1). Elle a aussi le mérite et la prudence de se déclarer non exhaustive. Les bigs-bags d’engrais contenant du nitrate d’ammonium basculent sur les ronds-points, les granulés et les solutions liquides s’écoulent dans les gares de triage et sur les voies secondaires. Il y a des vols dans les ports. Les hangars agricoles prennent feu, les pompiers reculent, les pompiers hésitent, les pompiers ne savent pas s’il y a du nitrate d’ammonium, les pompiers à l’occasion sont blessés par des explosions inopinées.

Pour le nitrate d’ammonium, c’est l’occasion qui fait le larron. Un peu d’hydrocarbures, un peu de plastique fondu, un peu de compression, un peu de cuivre, un peu d’humidité, un peu de canicule, un peu de ceci ou un peu de cela et il détonne. S’il ne fait que brûler, il se contente de polluer les rivières et les poumons.

N’importe qui peut détenir dans ses hangars ou dans ses caves 250 tonnes de nitrate d’ammonium sans avoir à en informer qui que ce soit.

Robin des Bois estime que toute la réglementation sur la production, l’entreposage et le transport du nitrate d’ammonium doit être revue et sévèrement reprise en main. Interrogé par l’association à ce sujet, le ministère de l’Ecologie a répondu que cet enjeu devait être traité au niveau interministériel.
La règlementation post-Toulouse a été renforcée sur les sites de production mais 20 ans ou presque après, les usines ont vieilli et les pré-accidents majeurs s’y multiplient.

(1) https://www.aria.developpement-durable.gouv.fr/
Évènements nitrate d’ammonium sur la base de données Aria au 7 septembre 2020 (pdf).

A lire aussi : https://robindesbois.org/nitrate-dammonium-catastrophe-de-beyrouth/

Photo Tisséo

 

 

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