On nous mène en bateau-poubelle

2 nov. 2000

Dans le domaine de l’insécurité maritime, les autorités françaises sont roublardes, débordées et complices. Les Affaires de l’Ievoli Sun au large de la presqu’île de la Hague et de l’Oscar Jupiter à Nantes sont là pour le prouver.

Ievoli Sun
L’objectif de la préfecture maritime de Brest, après l’abandon du navire et le sauvetage réussi de l’équipage, était d’éloigner des côtes bretonnes le navire en perdition. L’effet d’annonce du remorquage vers Cherbourg ou le Havre a soulagé l’opinion publique et lui a permis de bien dormir pendant la nuit du lundi 30 octobre. Mais aucun spécialiste, vu l’état de la mer et de l’épave à moitié engagée sous l’eau, ne pouvait croire que la manoeuvre irait jusqu’à son terme. Aucune arrivée de matériel de dépollution ou de moyens techniques d’accompagnement n’a été signalée à Cherbourg dans la nuit du 30 ou la matinée du 31 octobre. Quand l’Ievoli Sun a sombré près de la fosse des Casquets, la direction du port de Cherbourg n’avait toujours pas reçu l’autorisation d’accueillir le bateau naufragé. A la Direction des ports et des voies navigables du Ministère des Transports “on se grattait la tête” dit on de source informée. Il y avait de quoi. Les 4000 tonnes de styrène sont considérées comme inflammables, instables, réactives, neurotoxiques et dans certaines conditions explosives. Autant pour l’équilibre biologique de la grande rade de Cherbourg que pour la sécurité publique, il était impensable de faire rentrer un tel potentiel de risques dans un port urbanisé avec un trafic régulier de car-ferries, de bateaux de pêche, de cargos et de sous-marins nucléaires.

La décision de stopper le remorquage à l’écart du dispositif de navigation et de la fosse des Casquets et juste avant de s’engager vers Cherbourg ou la baie de Seine était, compte tenu de la trajectoire du convoi, la seule issue possible, quoi qu’en disent le Premier Ministre et les autorités maritimes.

Oscar Jupiter
Avec une cargaison de sucre avariée, l’Oscar Jupiter est arrivé à Nantes le 13 janvier 1998. Suite à des litiges financiers et à des déficiences techniques, le cargo battant pavillon roumain est alors immobilisé sur un quai délaissé du port à bois de Nantes.

En septembre 2000, à la demande du port autonome de Nantes – Saint-Nazaire, l’Oscar Jupiter fait l’objet d’une vente aux enchères par le Tribunal de Grande Instance de Nantes. Un courtier maritime, Scan Chart, achète l’Oscar Jupiter pour le compte d’une société établie sur l’île de Man, Igen Sea, pour la somme d’1 million 40.000 francs plus les frais. Un prix très élevé pour un bateau promis à la démolition. Fin septembre, une quinzaine d’ouvriers et de matelots, dont la plupart sont roumains s’installent à bord, grattent les fleurs de rouille et recouvrent la coque d’un mastic noir et colmatant, du Blackson. L’Oscar Jupiter est alors sans pavillon et sans port d’attache. C’est seulement le mardi 31 octobre que le nouveau pavillon de Belize est apparu discrètement sur les chaloupes de sauvetage. RebaptiséR Jupiter, il relève désormais de la juridiction de l’Etat souverain des Caraïbes. Belize est juste après le Honduras le pavillon de complaisance dont les bateaux sont les plus déficients. Et pourtant, une visite de 3 inspecteurs des Affaires maritimes du centre de Saint-Nazaire qui s’est déroulée le 31 octobre après-midi laisse la porte grande ouverte à un départ prochain, et en catimini. Détail important, les moteurs n’ont pas tourné pendant presque 3 ans, le navire entend repartir vers l’Asie courant novembre, et la société de classification sera roumaine, ou selon d’autres informations italienne ! Enfin, Igen Sea, hier installée à Malte serait aujourd’hui établie aux Émirats Arabes Unis.

 

 

 

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