Poincaré contre Montaigne

9 juil. 2013

Note d’information n°5
Les baleines devant la Cour Internationale de Justice
La Haye, Pays-Bas, audience du 4 juillet 2013

Le protocole scientifique de JARPA II et ses véritables contributions à l’avancée des connaissances ont été mis en cause et examinés à la loupe par la Cour. L’Australie n’y est pas allée de main morte. Selon elle, JARPA II « c’est aussi utile que de se concentrer sur l’écureuil roux pour comprendre les mécanismes de l’Europe en tant qu’écosystème ». Pour rappel, l’un des objectifs de JARPA II est de faciliter la compréhension des mécanismes et des échanges biologiques dans l’océan Austral. La science selon JARPA est bâtie sur des sables mouvants. L’Australie cite Henri Poincaré, le grand mathématicien français qui déclarait en 1905 : « la science se construit avec des faits comme une maison se construit avec des pierres » et il ajoutait qu’ « une accumulation de faits n’est pas plus une science qu’un tas de pierre est une maison ». Selon l’Australie, la collecte de baleines mortes ne contribue pas à la construction du progrès scientifique. C’est une simple accumulation de cailloux inutiles sans rapport avec les pierres angulaires qui édifient les projets scientifiques.

Au nom du Japon, le professeur de droit Alain Pellet rappelle quant à lui que la science authentique est d’après Montaigne « une ignorance qui se sait ». Il s’est attaché à prouver que le programme JARPA II a des ambitions scientifiques et que sa raison d’exister est justement la suspension de la chasse commerciale qui en son temps s’accompagnait d’une collecte de données scientifiques utiles pour mieux connaître l’évolution des stocks et le recrutement annuel des baleines. « On peut le déplorer mais l’autopsie est le seul moyen de connaître l’âge des baleines ».

Un autre expert spécialiste norvégien des statistiques, le professeur Walløe, s’exprimant au nom du Japon a reconnu contre toute attente que les données du programme scientifique japonais étaient difficiles à interpréter et devaient vraisemblablement s’appuyer sur la doctrine d’un ouvrage savant spécifique dont il n’a pas la connaissance précise. Alors que les débats sont particulièrement vifs concernant les quotas de rorquals communs et de baleines à bosse, le professeur Walløe reconnaît ne pas avoir évalué les quotas de chasse de ces deux espèces car « il ne les comprend pas ». Dans la suite des débats un autre expert mandaté par le Japon, M. Boyle, professeur de droit international à l’université d’Edimbourg a présenté l’opuscule en question et la formule utilisée par les scientifiques japonais. En tant qu’avocat et non scientifique « je n’ai pas la moindre idée de ce que cela veut dire ». Il semble que la logique scientifique japonaise échappe à tout le monde, sauf aux scientifiques japonais.

En réponse aux critiques et argumentations de l’Australie selon lesquelles le programme JARPA tombe dans la catégorie de la chasse commerciale, le Japon estime que « l’Australie a de mauvaises arrière-pensées ». En fait, les permis spéciaux (de chasse scientifique) ont été initiés sur la base du paragraphe 10(e) de la Convention reconnaissant la besoin de disposer du « meilleur avis scientifique » avant de mettre fin au moratoire. Pour le Japon la concomitance de l’entrée en vigueur du moratoire en 1986 et du début du programme JAPRA en 1987 était précisément liée à cette nécessité d’aboutir au meilleur avis scientifique. Si le moratoire était levé, le Japon aurait précisément l’intention de reprendre une chasse commerciale dans l’océan Austral. Il appuie sur le fait que de nombreuses modalités de la chasse scientifique ne seraient pas mises en oeuvre pour de la chasse commerciale. A titre d’exemple, les navires scientifiques suivent une trajectoire régulière avec des changements de caps à intervalles fixes afin de quadriller un secteur tandis que le navire de chasse cible uniquement les zones où des baleines ont été repérées en nombre important.

L’Australie avait critiqué l’absence d’articles scientifiques examinés par des comités de lecture. Le Japon répond que le Comité Scientifique de la Commission Baleinière Internationale est composée de plus de 150 experts internationaux et que ce Comité en lui même est un comité de lecture. Au sujet du volume des captures, le Japon précise que si la capacité théorique de chargement du Nisshin Maru est bien de 3.200 m3, la capacité pratique est de 1.650 tonnes ce qui correspond à 400 rorquals de Minke. La remarque de l’Australie prétendant que le volume global des prises correspond à la capacité du Nisshin Maru est donc erronée selon le Japon. En outre, il souligne qu’en conformité avec le paragraphe 2 de l’article VIIII il est « dans l’obligation de traiter la viande de baleine ».

Note de la rédaction : Le paragraphe 2 de l’article VIII dit exactement: « Toutes baleines capturées en vertu dudit permis devront autant que possible être traitées, et le produit en sera utilisé conformément aux instructions émises par le Gouvernement qui a accordé le permis. »

 

 

 

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