Ubu TEX

5 nov. 2019

Loi économie circulaire, communiqué n°1

Hallucinant. Les TEX – Terres EXcavées – dans le jargon des BTP vont sortir librement de leur tanière, devenir des produits et faire l’objet de transactions commerciales. D’un coup de baguette gouvernementale, des déchets vont se métamorphoser en produits.

Les mafias des camions bennes et les créateurs de remblais flash dans les prairies ou les maquis vont bénéficier d’une nouvelle simplification administrative. Ils vont pouvoir vendre de la terre potentiellement polluée sous le noble nom de terre végétale.

Les Rathkeale Rovers, caïds irlandais du bitume frelaté (et de la corne de rhinocéros) et les loto entrepreneurs éphémères s’intéressent de près à ce nouveau marché tombé du ciel et du projet de loi sur l’économie circulaire.

La terre excavée qui est littéralement à la base de toutes les entreprises de construction, de destruction et de reconversion des friches industrielles est jusqu’alors à priori considérée comme potentiellement polluée. Avant d’être transportée par camion ou par péniche pour être utilisée en remblai, en aménagement paysager de projets immobiliers ou en sous-couche dans des chantiers routiers, la terre excavée est aujourd’hui soumise à la réglementation sur les déchets et si nécessaire à des opérations de criblage et d’assainissement. Ce régime engage pénalement la responsabilité de l’expéditeur et du récepteur. S’il s’avère que le lot de terre excavée est responsable quelques mois ou quelques années après leur réemploi d’une émergence d’anomalies sanitaires ou d’une pollution de l’eau, les 2 trafiquants peuvent être identifiés grâce au système de traçabilité aujourd’hui en vigueur.

Avant même que le projet de loi sur l’économie circulaire soit examiné en procédure accélérée par le Sénat fin septembre et par la Chambre des Députés courant novembre 2019, un projet d’arrêté fixant les critères de sortie du statut de déchet pour les terres excavées – et les sédiments de dragage des ports et des estuaires – a été soumis à la consultation du public sur le site Internet du ministère de l’Ecologie du 27 mai au 20 juillet 2019 dans une discrétion quasi absolue. Elle a recueilli en tout et pour tout 19 avis, un chiffre dérisoire au regard d’un enjeu aussi important pour la santé publique et pour la protection des environnements terrestres, aquatiques et marins.

Seul l’avis de Robin des Bois était résolument contre. Depuis, comme le confirme le compte-rendu du 27 septembre 2019 (page 12818) de l’examen du Sénat en procédure accélérée du projet de loi relatif à l’économie circulaire, des réunions entre Robin des Bois, les services de la Direction Générale de Prévention des Risques (DGPR) et le cabinet de Madame Poirson, Secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, ont contribué à améliorer le projet d’arrêté initial, à combler des lacunes et à réduire des incertitudes.

Avant l’examen du projet de loi par la Chambre des Députés, l’ONG Robin des Bois tient à rappeler que selon les dernières avancées il est convenu qu’une traçabilité des mouvements de terres excavées et de sédiments sortis du statut de déchet devra être organisée par les services de l’Etat ou un de ses appuis techniques. Le nom du BRGM a été cité. Cette traçabilité est impérieuse pour réduire autant que possible les détournements, les fraudes ou les dilutions et doit s’appliquer aux lots de terres et sédiments pollués traités dans des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE) et aux lots dont l’innocuité aurait été seulement validée par un contrat de droit privé entre le producteur et le récepteur. Les risques de confusion sont d’autant plus élevés que dans des opérations de promotion immobilière ou dans des chantiers publics, les producteurs de terres excavées et les récepteurs peuvent être des filiales d’un même groupe de BTP.

Dans son article 6, le même projet de loi sur l’économie circulaire prescrit la traçabilité des déchets issus des travaux de démolition ou de réhabilitation du bâti. Dans un souci de parallélisme des formes, les terres excavées doivent elles aussi être assujetties à une traçabilité par un organisme désigné par l’autorité administrative et cette traçabilité doit elle aussi être gravée dans le marbre de la loi.

Il est indispensable d’éjecter de la boucle de l’économie circulaire les substances préoccupantes pour la santé humaine et pour la biodiversité. Les experts de l’Union Européenne et en France de l’ANSES et de l’INERIS en conviennent et appellent les gouvernements à redoubler à ce sujet de clairvoyance. Les terres excavées et les sédiments qui portent pour la plupart l’empreinte d’activités industrielles ou agricoles cumulées et superposées ou qui peuvent contenir naturellement des éléments-traces métalliques, amiantifères, arsénifères ne doivent pas sous le couvert de l’économie circulaire être déménagées, déstructurées et réemployées dans l’anonymat et la nébulosité réglementaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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