Un convoi à risque dans le golfe de Gascogne – n°3

28 oct. 2022

Mise à jour du 19 décembre 2022 : Le convoi Rota Endurance / Ocean Nomad a franchi le détroit de Gibraltar le 3 novembre. Il est arrivé à Aliaga le 16 novembre.

 

Entre la nuit du mercredi 18 octobre et l’aube du lundi 24 octobre, un convoi venu du nord de l’Ecosse a fait des aller-retours et des zig-zags dans la baie de Seine. Il était composé du remorqueur Rota Endurance, pavillon Iles Marshall, et de la plate-forme de forage pétrolier Ocean Nomad (*), ex-pavillon Iles Marshall, abrégée en Nom juste avant son départ du nord de l’Ecosse. L’Ocean Nomad était exploitée en mer du Nord. Elle a été construite en 1975, il y a 47 ans. Le remorqueur Rota Endurance a été détenu en septembre 2021 à Amsterdam pendant 7 jours pour des déficiences graves concernant la qualification de l’équipage et la disponibilité des systèmes de veille.

Selon le nouveau préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord, il n’y avait là rien de particulier ni d’anormal. Le convoi était “en attente d’une opération logistique”. Nous n’en savons pas plus pour le moment sur cette mystérieuse et impérieuse nécessité. Ces attelages aventureux en direction de chantiers de démolition en Turquie se terminent souvent mal. C’est une autre plaie de la démolition exotique. A titre d’exemple, Robin des Bois rappelle le rattrapage in extremis du tanker russe Varzuga après la rupture de son câble de remorque (cf. “A la remorque”, 6 mai 2021), le naufrage des navires de ravitaillement Maersk Searcher et Maersk Shipper au large de la Bretagne (cf. “Maersk continue à vider ses poubelles au large de la Bretagne”, 22 décembre 2016) ou encore l’échouage de la plate-forme de forage pétrolier Transocean Winner sur les côtes écossaises en août 2016 (“Plates-formes offshore: la délocalisation coûte que coûte”, extraits de “A la Casse” n°45, p. 5-6). Tous les quatre étaient en remorque pour les chantiers d’Aliaga.

L’acheteur de la plate-forme est le “cash buyer” turc Rota Shipping Inc basé à Izmir, à côté des chantiers de démolition d’Aliaga. La fonction du cash buyer est d’acheter aux quatre coins de l’océan mondial des navires en fin de vie ou des installations pétrolières ou gazières offshore et de les revendre à des chantiers de démolition. Seulement deux des chantiers turcs partenaires de Rota Shiping Inc sont agréés par l’Union Européenne. Cependant, l’Union Européenne dans sa prochaine mise à jour prévoit de retirer l’agrément d’Isiksan Gemi Sokum Ltd. En octobre 2020, un ouvrier a fait une chute mortelle pendant le démantèlement d’une plate-forme de forage. Les précautions pour protéger les ouvriers étaient insuffisantes. Isiksan avait aussi l’habitude de sous-traiter la démolition de navires battant pavillon européen à des chantiers non agréés.

Robin des Bois souhaite que les préfectures maritimes de la façade atlantique, les CROSS (Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage) et les sémaphoristes considèrent ces convois comme des dangers pour la navigation, pour les activités de pêche et pour l’environnement.

Le convoi traverse en ce moment le golfe de Gascogne. Il franchira ensuite le détroit de Gibraltar, la Méditerranée occidentale et orientale. Ce périple à risque de 7000 km est évitable. En toute logique, il devrait même être interdit. Des alternatives existent. L’Ecosse dispose du chantier KPL, Kishorn Port Ltd. Il a été inclus dans la liste européenne le 30 avril 2022. Les opérations de démantèlement s’y déroulent intégralement en cale sèche. Ex-site de construction de plates-formes, KPL se positionne aujourd’hui sur le créneau de leur maintenance, rénovation et démantèlement. D’autres chantiers sont disponibles, en Norvège et au nord de l’Angleterre.

(*) Robin des Bois a parlé par erreur dans ses communiqués des 20 et 21 octobre du convoi Rota Endurance/Ocean Princess. Il s’agit en fait du convoi Rota Endurance/Ocean Nomad.

L’Ocean Princess est toujours en attente en Ecosse. Elle a fait l’objet d’une vidéo pirate et instructive. Publiée le 14 novembre 2021, elle démontre la présence à bord d’équipements siglés “Radioactive LSA” (low specific activity”). Il est toujours prévu qu’elle soit démolie en Turquie. La Turquie ne possède pas à notre connaissance de sites d’entreposage ou de stockage de déchets radioactifs.

Radioactive LSA

Lien vers la video: https://www.youtube.com/watch?v=uTcyj6rJ8wo
En lien “Plates-formes offshore: la délocalisation coûte que coûte”

 

 

 

 

 

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