La confusion nucléaire

8 avril 2024

La réunion du HCTISN (Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire) en date du 28 mars 2024 a été éclairante.

Selon la direction de Jimmy Energy qui a été auditionnée, sera annoncé le 22 avril l’accord de principe avec une usine agroalimentaire dans la région du Grand Est sur la construction d’un réacteur nucléaire à haute température de 20 mégawatts thermiques dont l’utilité affichée sera de fournir une chaleur industrielle décarbonée. Les maires de la commune d’implantation et de quatre communes avoisinantes sont déjà informés et respectent une clause de confidentialité contrairement à leurs obligations élémentaires d’informer les conseils municipaux et leurs administrés. Selon les informations de Robin des Bois, ce site industriel pionnier serait le complexe de Cristal Union/Cristanol de Bazancourt dans la Marne qui comprend une sucrerie et la plus grande usine de production de bioéthanol de France. La distillerie Cristanol est assujettie à la directive Seveso seuil haut et coproduit des aliments pour animaux et des alcools pour l’industrie cosmétique.

Le directeur de Jimmy Energy a déclaré devant l’assemblée collégiale du HCTISN médusée qu’il n’y avait aucune raison de s’inquiéter. Pour la sûreté, “il s’agit en fait de produire de l’eau chaude avec des neutrons qui se baladent dans une marmite”. Pour la sécurité, tout un chacun peut être totalement rassuré puisque, dit-il, il a fait son service militaire au GIGN et que par conséquent la sécurité constitue pour lui un bagage et une priorité. Ce réacteur nucléaire dit intrinsèquement sûr et “pardonnant” sera télé-surveillé et aucun personnel dédié ne sera attaché au site pour contrôler son fonctionnement. Selon le planning de Jimmy Energy, il devrait être opérationnel après avoir franchi toutes les validations techniques et réglementaires dès 2026 et suivi de centaines d’autres unités.

Le marchand de nucléaire a servi aux membres du Haut comité d’autres balivernes qui ont provoqué des sourires gênés ou des stupéfactions notamment dans le domaine de la gestion des déchets.

La cheffe du Service du Haut Fonctionnaire de Défense et de Sécurité auprès du ministère de la Transition écologique a souligné que des précautions devaient dès maintenant être prises pour éviter que les concepteurs de “projets innovants” qui bénéficient de l’accompagnement du CEA (Commissariat à l’énergie atomique) et qui accèdent à des informations protégées par le secret de la Défense nationale ne procèdent pas volontairement ou involontairement à leur dissémination.

Le chef de la mission réacteurs innovants de l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) s’est dit préoccupé par le nombre et la longueur des réunions consacrées aux dialogues techniques, financiers, réglementaires avec tous les promoteurs de réacteurs nucléaires innovants qui ont poussé comme des champignons juste avant ou juste après le “discours de Belfort” du président de la République appelant le 10 février 2022 à une révolution du nucléaire et à la mise en orbite de nouveaux acteurs.

La fusion entre l’ASN et l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) voulue par le gouvernement a pour seul objectif de “fluidifier” la relance du nucléaire comme le répètent à loisir les ministres ou sous-ministres de l’Economie et de l’Energie et donc de l’accélérer. Cette relance, à supposer qu’elle soit pertinente et réalisable, devrait au contraire impérativement échapper à toute précipitation et collusion. Les principes d’impartialité, de transparence et de pluralité des expertises ne seraient plus de mise si la fusion entre l’ASN et l’IRSN était définitivement votée demain 9 avril.

 

Précédents communiqués sur la fusion ASN/IRSN :
– Non à la fusion ASN /IRSN, 21 décembre 2023, comprenant l’Avis du collège associations du Haut Comité pour la Transparence et l’Information sur la Sécurité Nucléaire sur le “projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire”.
– La fusion dangereuse du nucléaire, 11 mars 2024

 

 

 

 

 

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