Les gazofolies de La Rochelle

2 févr. 2024

La reconversion de l’emprise de l’usine à gaz de La Rochelle soulève des inquiétudes avant de soulever des odeurs de goudron.

L’association Robin des Bois, spécialisée dans la gestion des sites pollués, est aussi l’auteur d’un inventaire des usines à gaz publié en mars 1995. Il est toujours d’actualité. Il comprend 855 usines à gaz dont seulement 467 ont été nationalisées et transférées sous la responsabilité de GDF.
L’usine de La Rochelle a d’abord été exploitée par une société privée, la Compagnie Française d’Eclairage et de Chauffage par le gaz dès 1840, puis elle a été exploitée par Gaz de France entre 1946 et 1961. Les bâtiments de surface et les gazomètres ont été détruits. La destination des gravats et des déchets de démolition n’a pas fait l’objet d’une traçabilité. Ils ont servi de remblais de proximité notamment sous le parking de la fourrière automobile voisine.

Le terrain appartient aujourd’hui à ENGIE. La reconversion des sols et sous-sols de l’ancienne usine à gaz de La Rochelle fait partie du programme “Speed Rehab” mis en oeuvre par ENGIE, Vinci Immobilier et Brownfield, un promoteur spécialisé dans la construction sur sites pollués.

La distillation d’une tonne de charbon produisait 300 à 350 m3 de gaz mais aussi 50 à 70 kg de goudron benzénique cancérogène. Même sur des sites considérés par Gaz de France comme faiblement polluants dans une hiérarchisation administrative postérieure à l’inventaire de Robin des Bois, les premières excavations déclenchent des pollutions atmosphériques difficilement supportables par les populations. L’ex-usine à gaz de La Rochelle est aujourd’hui enclavée dans un environnement urbain, commercial et résidentiel dense, avec par exemple la caserne de la Compagnie Républicaine de Sécurité (CRS) 19 et des établissements sensibles ou recevant du public comme le lycée et le collège Fénelon Notre-Dame, l’école élémentaire Massiou et le Musée d’Histoire Naturelle de La Rochelle.

Dans la majorité des cas, même avec l’installation d’un chapiteau sous dépression d’air et avec une filtration par charbon actif, les fouilles, les transferts de goudron par camions vers des installations dédiées exposent les riverains et usagers à des nuisances insupportables et à des risques sanitaires. Les enfants, les asthmatiques et autres personnes à risque, les femmes enceintes ou en âge de procréer sont les plus exposés. Les chantiers durent bien plus longtemps que prévu et les budgets initiaux sont largement dépassés.

Un protocole visant à réduire les nuisances et les risques sanitaires des travaux doit donc être impérativement mis en place, avec notamment des consignes de ventilation des locaux et des appartements en particulier en période de canicule et un relogement temporaire des populations les plus vulnérables.

Le projet de conversion de cette friche industrielle entend conserver un immeuble de bureaux construit dans les années 70 au droit de l’ex-usine à gaz pour le transformer en résidence universitaire. Pas un mot sur l’amiante dont cet immeuble, vu la date de sa construction, doit être bourré.

Avant de promettre dans le quartier Porte Dauphine des monts et merveilles de mixité sociale, d’îlots de fraicheur et d’espaces végétalisés, il faut retirer et traiter un siècle de déchets qui dorment sous nos pieds.

L’usine à gaz, André Lhote (1885-1962)

 

 

 

Imprimer cet article Imprimer cet article