Dimanche 24 novembre 2019, midi heure locale. La bétaillère Queen Hind quitte le quai de Midia (Roumanie), sur la mer Noire, où elle a embarqué 14.600 moutons destinés à Jeddah (Arabie Saoudite). Elle est prise en charge par les remorqueurs portuaires Canal Service 11 et Braila qui la guident à vitesse réduite hors du port. Selon le pilote, le départ du navire avait été retardé à cause d’une gîte de 10° qui aurait été corrigée. Mais à 500 m du quai, la gîte de la Queen Hind, toujours en remorque dans le chenal, s’aggrave inexorablement et la bétaillère maritime chavire.
Le capitaine et les marins, 20 syriens et un libanais, sont secourus en même temps que 32 moutons tombés à l’eau. Malgré la proximité du port, les opérations de sauvetage des animaux tardent. Le navire gît sur le flanc. Des équipes conjointes de pompiers, de sauveteurs de l’Agence roumaine pour le sauvetage de la vie en mer Arsvom (Agentia Romana de Salvare a Vietii Omenesti pe Mare) et de membres d’ONG de protection des animaux montés à bord parviennent à extraire des moutons survivants. Des barrages anti pollution ont été mis en place autour du navire. 5 jours après le naufrage, seuls 228 moutons sur 14.600 avaient pu être recueillis vivants et ramenés à terre.
Robin des Bois alerte régulièrement sur les conditions déplorables de transport des animaux vivants en particulier par les navires. En 2015, la bétaillère libanaise Haidar avait coulé à quai à Barcarena (Brésil) dans l’embouchure du fleuve Para avec 5000 bovins qui se sont pour la plupart noyés. La gestion post accident a été défaillante. Les hydrocarbures répandus depuis l’épave et les carcasses décomposées ont entrainé une marée noire et des pollutions bactériologiques sur le long terme. Voir “A la Casse” n°41 p 5-6, “A la Casse” n°43 p 2-3, “A la Casse n°49” p 6.
En France, le principal port d’exportation de bétail est Sète. Tous les navires dédiés qui viennent y charger sont de vieux navires marchands, cargos polyvalents, rouliers, voituriers… reconvertis en fin de vie pour le transport de bétail et battant pavillon de complaisance – Comores, Panama, Sierra Leone, Togo, Tanzanie… – Voir “Sète, le port qui ne pense pas bête“, 26 novembre 2018.
Le profil des navires repérés à Sète est analogue à celui de la Queen Hind, un ex voiturier construit en 1980 au Japon et reconverti en bétaillère en 2017 à l’âge de 37 ans. Depuis sa conversion, il y a 2 ans, la Queen Hind a cumulé 58 déficiences en 12 inspections dans les ports de Roumanie, de Croatie, d’Espagne, de Grèce, de Jordanie, du Liban, d’Ukraine ou du Brésil. Elle a été détenue en janvier 2018 à Tarragone (Espagne). Outre les déficiences techniques relatives à la sécurité de la navigation, les inspections relèvent régulièrement à bord des infractions à la convention sur le travail maritime (MLC, Maritime Labour Convention), dont les conditions de travail et l’approvisionnement en nourriture de l’équipage. Les atteintes au bien être animal ne sont pas prises en compte. Elles devraient pourtant l’être. En juillet 2019, le commissaire européen en charge de la santé et de la sécurité alimentaire avait demandé à la Roumanie de différer le transport prévu de 70.000 moutons en raison de fortes chaleurs. M. Vytenis Andriukaitis avait mis en cause les pratiques de la Roumanie et recommandé un audit avant de possibles sanctions pour infraction au règlement européen CE 01-2005 relatif à la protection des animaux pendant le transport. Le Parlement Européen aurait mis à son agenda de décembre une discussion sur les conditions de transport d’animaux vivants. L’interdiction n’est pas encore à l’ordre du jour. La Roumanie est le 3ème pays exportateur de moutons de l’Union Européenne après le Royaume-Uni et l’Espagne.
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