Le naufrage du Liberia dans les ports français
Depuis le 7 mai 2001 est entré en vigueur un embargo international décidé par le Conseil de Sécurité des Nations-Unies sur les diamants en provenance du Libéria, ainsi qu’un embargo aérien et un embargo sur les armes à destination de ce pays. Suite aux révélations de la mission d’enquête de l’ONU -Sierra Leone Expert Panel- concernant l’implication directe de l’industrie forestière du Liberia dans le soutien financier et matériel aux rebelles du Revolutionary United Front (RUF) en Sierra Leone, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne demandaient l’inclusion des exportations de bois dans les mesures d’embargo. L’opposition concertée de deux membres permanents du Conseil de Sécurité, la France et la Chine, a fait échouer cette démarche.
La déferlante teck
De Birmanie, d’Indonésie, du Costa-Rica ou d’Afrique de l’Ouest, vrai et faux teck déferlent dans les catalogues de la grande distribution avec tout le cynisme du marketing. Mais qu’il provienne des forêts de Birmanie, de plantations indonésiennes voire africaines, le teck n’est pas “un décor écolo” comme le proclame Carrefour. C’est un désastre social et environnemental.
En Birmanie l’ouverture des routes de débardage en forêt profonde à partir de 1996 a permis au régime militaire de renforcer la répression contre les minorités ethniques. Les transports de grumes de teck destinées à la fabrication de lames de parquet, de parasols et de meubles de jardin croisent les convois militaires. Les arbres sont coupés dès l’âge de 30 ans, empêchant la régénération des peuplements. Plus d’1 million de m3 de bois de teck sont exportés chaque année. La déforestation -de 800.000 à 1 million d’hectares par an- est une des plus élevées au monde.
“Le teck prend l’air” selon Auchan, en fait il prend surtout la fuite: le trafic des grumes entre la Thaïlande, le Laos et la Birmanie emprunte les mêmes voies -parfois les mêmes filières- que les cargaisons d’héroïne sortant du Triangle d’or. Les peuplements de teck du parc national de Sri Lanna et de la réserve forestière de Chiang Dao, en Thaïlande à la frontière de la Birmanie, sont pillés par des exploitants clandestins avides de prendre leur part dans la déferlante.
En Indonésie les plantations de teck contrôlées elles aussi par des filières militaires subissent une pression intensive pour répondre aux besoins sans cesse croissants des réseaux de distribution européens. Les coupes illégales de bois sont maintenant supérieures en volume aux coupes autorisées. Les arbres sont abattus trop jeunes, l’avenir de ces plantations est compromis. Pour répondre aux commandes, du teck de Birmanie et de Thaïlande est importé illégalement, bénéficiant ainsi de l’appellation “de plantation” censée garantir une gestion durable.
En Afrique de l’Ouest, les quelques plantations de teck (Tectona grandis) en Côte-d’Ivoire ou au Nigéria produisent surtout des certificats de complaisance destinés à camoufler le trafic d’assamela / afrormosia (Pericopsis elata), appellé “teck d’Afrique” ou “teck du pauvre” à cause de son aspect et de ses caractéristiques techniques similaires pour un prix inférieur. Classé en annexe II de la Convention de Washington et donc soumis à des quotas d’exportation et d’importation afin de protéger la ressource, l’assamela peut circuler sans contrôle sous l’appellation “teck”.
Tours-sur-Amazone
A Tours les maîtres-d’oeuvre de la passerelle de 235 m de long sur le Cher, dont la construction vient de débuter, veulent piétiner la biodiversité amazonienne tout en ignorant les richesses forestières de la région Centre.
730 m2 de platelage en Angelim vermelho (Dinizia excelsa) sont prévus par l’entreprise Freyssinet pour équiper l’ouvrage. L’aire de répartition de l’Angelim vermelho, du bassin amazonien au plateau des Guyanes, est une jungle d’exploitations forestières non-durables, dont beaucoup agissent dans l’illégalité. Les arbres coupés ne sont jamais replantés, les forêts résiduelles après exploitation sont incendiées pour laisser place à des monocultures ou des élevages extensifs. La Guyane française ne produit pas d’Angelim vermelho.
Selon Alain Spielmann, architecte de la passerelle, le bois fourni par Freyssinet proviendrait du Surinam. Les sociétés forestières malaisiennes, indonésiennes et chinoises exploitent massivement les forêts de ce pays, dégradant d’immenses surfaces – au total 1,5 million d’hectares de concessions – pour s’assurer un volume industriel d’essences d’exportation à bas prix.
L’impair d’argent
Objet: remise de “l’Equerre d’argent”à l’architecte Marc Mimram
La remise du prix de “l’Equerre d’argent” aujourd’hui par Madame Tasca, ministre de la Culture, à Marc Mimram, architecte et maître-d’oeuvre de la passerelle Solférino à Paris, ne récompense que l’utilisation exclusive de bois tropicaux surexploités, coupés dans des forêts primaires menacées, et promotionnés par des filières commerciales aux mauvaises pratiques.
Paris s’éveille
Objet :Passerelle de Tolbiac, 37ème pont de Paris
La passerelle de Tolbiac franchissant la Seine entre le cimetière tropical de la Bibliothèque Nationale de France (5 ha de plancher en ipé –Tabebuia spp-) et le parc de Bercy aura donc un tablier en chêne (Quercus spp.). L’architecte autrichien, lauréat du concours international organisé par la Mairie de Paris, a en effet décidé d’utiliser du chêne.
Au même moment, l’architecte Marc Mimram, s’obstine à vouloir utiliser pour la passerelle Solférino l’ipé, arbre rare originaire d’Amazonie exploité au Brésil dans l’Etat du Parà, à l’insu des peuples forestiers et sans plan de gestion durable. Promoteur inlassable des bois exotiques et pionnier de la déforestation en Amazonie, M. Mimram dénie au bois de chêne toute capacité à résister au climat parisien et juge ce matériau aux multiples usages ancestraux “pas assez fiable”.