Erika: y-a-t-il un pilote à Donges?
“L’usine à retraiter les déchets de la marée noire dans l’estuaire de la Loire” qui fait rêver en Aquitaine est en crise. Tout compris, déchets ramassés sur le littoral, équipements et terres polluées des sites de stockage, 300.000 t sont à éliminer. Les retards s’entassent avec les camouflets et les tâtonnements techniques.
Le bilan matière tel qu’il a été présenté à la Commission Locale d’Information et de Surveillance du 13 janvier 2003 est surprenant. Au 31 décembre 2002, moins d’un tiers des déchets – 81.565 t – avaient été “lavés” avec 15.309 t de gazole lourd, 24.907 t d’eau, et 4.912 t de chaux. En sortie d’installation, on comptabilise: 45.368 t d’eau, 10.618 t d’émulsions, 1.635 t de macro-déchets, 27 t de ferrailles, et une surprise de taille: 25.088 t de boues avec une teneur de 10 à 20% en hydrocarbures. Alors que Total s’attendait à employer 17.590 t de gazole lourd pour solubiliser le fuel de l’Erika contenu dans le magma de déchets, plus de 15.000 t ont déjà été utilisées pour moins d’un tiers de déchets traités. Quant aux sables et granulats qui devaient être valorisés sur des chantiers grâce à l’appartenance de l’opérateur sélectionné par Total à “un grand groupe de travaux publics susceptible d’offrir des débouchés “, ils trouvent difficilement preneurs. Sans doute les teneurs résiduelles en hydrocarbures autorisées jusqu’à 2,5 g par kilo dissuadent-elles les maîtres-d’oeuvres. Seules 6737 t ont été utilisées, en interne et sur 6 chantiers en Loire-Atlantique.
Une grosse tortue engluée dans le fuel
Depuis le 9 décembre 2002, les pouvoirs publics et les communes visées par la marée noire du Prestige se disent prêts et attendent “de pied ferme” les arrivages. En fait, après quelques rodomontades et démonstrations de la patrouille des chalutiers à fuel complètement inopérante sur des nappes fragmentées et indétectables, tous les échelons de la préparation à la lutte se sont engourdis pour les fêtes de fin d’année, rassurés par les ballottements des vents et les renverses de courants. Dans ce domaine, la coopération franco-espagnole fonctionne bien.
Les boulettes de Polmar
Sur le site internet du ministère de l’Ecologie, tout est net depuis le 17 décembre. Sur le terrain, tout est vague face à la menace des résidus du Prestige, à court et à long terme. Les côtes espagnoles voisines, en Pays Basque et dans les Asturies, luttent contre l’invasion des boulettes et des galettes rejetées sur les rochers, les plages et les hauts de plages au gré des marées. Les boulettes s’infiltrent et s’enfoncent. La récupération est laborieuse, parfois réalisée par tamisage avec les moyens du bord. En France, dans la continuité du littoral, aucune benne n’est prépositionnée en haut de plage, un seul site de regroupement des déchets est en cours de construction, à Mouguerre près de Bayonne. Il est implanté à deux mètres d’un pipeline d’hydrocarbures, et bordé par deux fossés de collecte qui se jettent dans l’Adour. A quelques kilomètres, sur le port de Bayonne, les déchets-ventouse de la marée noire du Capetan Tsanniz attendent depuis cinq ans un traitement hypothétique sous des bâches arrachées.
Déchets sans frontières
La Corogne
Trois ans après le naufrage de l’Erika, l’Europe et ses Etats-membres n’ont toujours pas de plan de gestion des conséquences à terre des catastrophes maritimes. Comme la France en 1999, l’Espagne face à la marée noire du Prestige improvise depuis plusieurs semaines, se reposant sur les autorités de Galice, les pêcheurs et la population. Les déchets collectés en mer et sur le littoral sont rassemblés dans tous les contenants possibles : bennes, bacs à ordures, fûts, seaux, sacs plastiques, big-bags. Les sites de stockages intermédiaires et lourds n’ont pas été présélectionnés et préparés. Les filières de traitement fiables et non-polluantes sont encore à découvrir. Les Galiciens et les Basques évitent cependant de décaper les plages au bulldozer et tamisent pour séparer le fuel du sable, ce qui contribue à limiter le volume de déchets et l’érosion du trait de côte.
Nouvelles fuites de l’Erika
L’acharnement de Total et de son sous-traitant Brézillon à expédier les résidus de la marée noire de l’Erika aux Pays-Bas et à bon marché est payant.
En novembre 2001, trois camions ont dû revenir à plein de Moerdijk, près de Rotterdam. Brézillon avait omis de fournir au transporteur routier les bordereaux de mouvements transfrontaliers de déchets.
En septembre 2002, le préfet de Loire-Atlantique autorise l’exportation des déchets. En novembre 2002, les Pays-Bas acceptent cette exportation à titre expérimental, et pour un volume global de 1000 tonnes.