Dunkerque: la mer à deux justices
Pour rechercher de la cocaïne, les pouvoirs publics français n’hésitent pas à mettre un minéralier en cale sèche dans les chantiers navals de Dunkerque.
Pour rechercher les responsabilités dans l’abandon et la mort de quatre marins pêcheurs des Sables-d’Olonne, la mise en cale sèche du Bow Eagle dans les mêmes chantiers navals avait été refusée en août 2002.
Les fouilles du minéralier Bonavis sont en cours depuis une semaine à Dunkerque.
L’interrogatoire de l’équipage au large de Dunkerque du chimiquier norvégien Bow Eagle a duré 6 heures et les observations par la gendarmerie maritime des parties émergées de la coque quelques minutes. Le Bow Eagle rejoignait immédiatement Rotterdam et le terminal particulier de sa compagnie; il reprenait la mer dans la nuit du 12 septembre 2002 alors que le Tribunal de Grande Instance des Sables-d’Olonne venait de délivrer une commission rogatoire internationale. “Le juge d’instruction a demandé à ce que la navire s’arrête en France” précisait alors le procureur de la République des Sables-d’Olonne.
Bow Eagle: la fuite dans les idées
La protection de l’armateur norvégien du Bow Eagle s’est organisée dans les heures qui ont suivi la collision avec le Cistude en août 2002.
Le simulacre mis en oeuvre par les autorités françaises ne pouvait pas contribuer à l’établissement de la vérité. L’interrogatoire en 6 heures des 29 membres d’équipage au large de Dunkerque, en territoire norvégien, est une entourloupe procédurale. Sur un bateau battant pavillon de complaisance (Norway International Ship Register) s’est déroulé un acte de justice de complaisance.
La juris-imprudence du Bow Eagle
Contrairement aux déclarations conjointes de l’armateur norvégien, des autorités norvégiennes et du Secrétaire d’Etat français aux Transports, il n’y a guère de raison juridique ou historique pour que le procès de l’équipage du Bow Eagle s’impose en Norvège. Une telle éventualité ne pourrait résulter que de ces arrangements diplomatiques étrangers à la justice.
Dans les conventions internationales, rien n’attribue la compétence judiciaire à l’Etat du pavillon d’un navire soupçonné d’avoir pris la fuite à la suite d’une collision et d’avoir refusé de porter assistance à des naufragés. Dans des cas de figure analogues, les officiers de l’Ocean Transporter face au Noble Art (décembre 1997) ont été jugés à Quimper (avril 2001). Le Marmara Princess face au Beau Rivage (mars 2001) a fait l’objet d’une saisie conservatoire à Saint-Nazaire. Son armateur turc a été obligé de verser en France 7 millions de francs dont la main-levée a été refusée par la cour d’appel de Rennes en mars 2002. M. de Richemont, vice président de la région Poitou-Charente, avocat de l’armateur du Marmara Princess, était à bord du Bow Eagle au large de Dunkerque en tant qu’ “intermédiaire entre le commandant norvégien et les hommes de la préfecture maritime”
A la poursuite du Bow Eagle (2)
Robin des Bois s’étonne que le navire impliqué dans le naufrage du Cistude soit tenu à l’écart dans la zone d’attente du port de Dunkerque.
Même si l’interruption du voyage du Bow Eagle vers Rotterdam est positive et conforme au premier communiqué de Robin des Bois (pièce jointe), le mouillage externe est encore une position intermédiaire qui reflète les indécisions des préfectures maritimes et l’absence cruelle d’un ministre de la mer ou d’un responsable des transports maritimes, en tout cas au mois d’août.
A la poursuite du Bow-Eagle (1)
Sans préjuger des responsabilités dans la collision entre le Cistude et le Bow-Eagle, l’équipage du cargo norvégien ne peut pas ne pas avoir été alerté par l’impact. Le fait qu’il n’ait pas spontanément et immédiatement donné l’alerte suffit à faire peser sur le capitaine du Bow-Eagle des soupçons de malhonnêteté ou d’incompétence.
Pour les besoins de l’enquête ouverte par le Procureur des Sables-d’Olonne, et d’une saisie conservatoire, il est indispensable de dérouter le Bow-Eagle le plus vite possible dans un port français où l’équipage du Bow-Eagle pourra librement témoigner et où la coque du navire pourra, le temps nécessaire, faire l’objet d’investigations et d’expertises.