Une cascade de boulettes made in Med

3 déc. 2018

CSL Virginia
communiqué n°5 – 15h00

La première provient du mouillage autorisé par la préfecture maritime de Méditerranée du CSL Virginia à l’intersection de routes maritimes à forte densité au nord de la Corse.
Les deux suivantes proviennent des négligences des équipages du ferry tunisien Ulysse et du porte-conteneurs gréco-cypriote CSL Virginia.
Les millions d’autres boulettes proviennent de la brèche ouverte dans une citerne de fioul de propulsion du CSL Virginia.

 

Alors que la pollution issue de la collision entre le tunisien Ulysse et le gréco-cypriote CSL Virginia s’étend désormais sur plus de 400 km de littoral, 6 départements et 2 régions, et que des hydrocarbures sont redoutés sur la côte catalane de l’Espagne, le mystère sur la composition exacte du fioul persiste. La Direction Générale de l’Alimentation du ministère de l’Agriculture a sollicité le 5 novembre auprès de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) un avis sur les risques liés à la consommation des produits de la pêche concernés par cette pollution.

Les oursins, les crustacés, les thons, les mérous et autres poissons sont menacés par la part masquée de la marée noire qui se colle dans les fonds et les cavités rocheuses et dérive dans la colonne d’eau au gré du vent, des courants et de la houle sous-marine.
Même s’ils ne sont pas des produits de la pêche, les mammifères marins méritent dans ces circonstances une attention particulière et l’échouage d’un cachalot adulte le 26 novembre sur la plage de Galeria à l’ouest de la Corse jette un trouble supplémentaire. En France, à la différence de l’Espagne, de l’Indonésie, de l’Allemagne ou de la Belgique, les carcasses de cachalots échoués sont envoyées à l’équarrisseur sans que les kilos de déchets et les proies éventuellement souillés par du fioul soient extraits de l’appareil digestif et quantifiés. Les rapports d’autopsie des réseaux de l’Observatoire Pelagis de La Rochelle et du sanctuaire Pelagos en Méditerranée se terminent le plus souvent par un constat évasif de “mort naturelle”.

Chronologie :

Collision le 7 octobre à 7h30.

8 octobre. La pollution est observée sur 20 km de long par un Falcon de la Marine Nationale avec dérive au nord-ouest l’éloignant des côtes corses et la rapprochant des côtes continentales.
9 octobre. La pollution plus ou moins discontinue s’étend sur 25 km réparties en 7 nappes et dérive toujours vers l’ouest sous l’action d’un vent moyen de 20 km/h.
13 octobre. Suivi des poches de pollution vers le nord puis le sud-ouest. Fragmentation croissante des plaques de carburant et formation de boulettes.
16 octobre. Arrivée massive d’hydrocarbures sous forme de galettes mélangés à des débris végétaux notamment des herbes de posidonie sur les plages de Ramatuelle et Saint-Tropez, département du Var.
17 octobre. Extension des arrivages d’hydrocarbures aux communes du Rayol-Canadel, de La Croix-Valmer, de Cogolin, Gassin, Grimaud, de Bormes-les-Mimosas et de Hyères sur l’île de Porquerolles toujours dans le département du Var.
20 octobre. La menace de pollution se déplace vers l’ouest. Les reconnaissances aériennes détectent des nappes qui se dirigent vers le parc national de Port-Cros.

 

24 octobre
Robin des Bois écrit au préfet du Var, au préfet maritime de la Méditerranée avec copie à la DREAL PACA (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) et au CEDRE (Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux) pour obtenir communication de la composition exacte (soufre, HAP, métaux lourds et autres contaminants…) du fioul dérivant.
Dans le même courrier, il est demandé communication du schéma de gestion des hydrocarbures récupérés en mer et échoués sur le littoral. Le CEDRE ou d’autres laboratoires en Méditerranée sont capables en quelques heures de connaître la composition exacte d’un carburant, la répartition en hydrocarbures saturés, en Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques, en soufre, en métaux comme le nickel et le vanadium. La seule réponse reçue à ce jour [3 décembre 2018]  provient de la préfecture maritime. Il y est rappelé que le carburant répandu en mer est de l’IFO 380, une appellation commerciale générique caractérisant un mélange de 93 à 94% de résidus de distillation de pétrole brut et de 6 à 7% de gazole. Les fiouls de propulsion des navires sont d’une grande variabilité et peuvent contenir des adjuvants ou des déchets pourtant interdits par la Convention MARPOL sur la prévention des pollutions en mer. Depuis le mois de mai de cette année, il se propage sur l’océan mondial une “épidémie” de bunkers [carburants] frelatés contenant du phénol, du styrène, des micro fragments de plastique et susceptibles de provoquer des pannes de propulsion, une pollution atmosphérique supplémentaire et des dommages environnementaux en cas de marée noire. L’IFO 380 est au premier rang des carburants trafiqués.

 

25 octobre. La pollution continue de s’étendre sur le littoral varois du golfe de Saint-Tropez jusqu’à la presqu’île de Gien. 10 jours après les premiers arrivages d’hydrocarbures et le déclenchement du plan Polmar, 49 plages réparties sur 11 communes sont touchées et notamment les îles de Porquerolles, Port-Cros et du Levant.
26 octobre. Les boulettes d’hydrocarbures atterrissent dans les Bouches-du-Rhône sur une plage de la Ciotat.
1er novembre. Plusieurs plages de La Ciotat sont à nouveau polluées.

 

5 novembre. Saisine de l’ANSES.

 

6 novembre. Extension de la pollution à l’Occitanie. A Palavas-les-Flots, dans l’Hérault, la plage est souillée par les hydrocarbures. Plusieurs autres plages, à Carnon et à Villeneuve-lès-Maguelone sont atteintes.
7 novembre. Nouvelle vague de galettes d’hydrocarbures dans le parc national des Calanques.
15 novembre. Arrivages d’hydrocarbures. Port-la-Nouvelle, Leucate puis Narbonne-Plage et Gruissan.
18 novembre. La pollution touche le pays catalan. Le Barcarès, Le Canet-en-Roussillon, Saint-Cyprien, Argelès-sur-Mer, Collioure, Port-Vendres, Cerbère.
21-23 novembre. Confirmation de la pollution dans la réserve marine naturelle de Banyuls-Cerbère.

 

Le 24 octobre, le CSL Virgina a été autorisé par la préfecture maritime de Méditerranée à lever l’ancre et à se diriger vers les chantiers de réparation de Constantza (Roumanie) comme annoncé par l’armateur. Après un mouillage à Lavrios (Grèce) le 29 octobre et un inattendu changement de nom, il est devenu le Virgin Star et s’est finalement dirigé vers le chantier turc de Yalova en mer de Marmara. Il est actuellement en réparation.
L’Ulysse est en réparation dans le chantier de Menzel Bourguiba (Tunisie).

 

Voir aussi :
Accident de la route en Méditerranée, communiqué n°1, 9 octobre – 9h50
Une marée noire obscure, communiqué n°2, 23 octobre – 12h15
Mouillage sur la bande d’arrêt d’urgence, communiqué n°3, 30 octobre 2018 – 15h45
Le CSL Virginia est devenu le Virgin Star, communiqué n°4, 31 octobre 2018

 

 

 

 

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