Sous les ordres de la multinationale Trafigura, le Probo Koala a procédé au raffinage sauvage d’une coupe pétrolière mexicaine très riche en composés soufrés alors qu’il stationnait au large de Gibraltar. La méthode employée était dérivée du procédé Merox. Ce procédé historique sous-produit deux gaz nauséabonds et mortels à forte concentration : le mercaptan et l’hydrogène sulfuré. Début juillet 2006, le Probo Koala se rend à Amsterdam et Trafigura tente de faire passer ses déchets de désulfuration pour des déchets normaux, c’est-à-dire des résidus de cargaison. APS -Amsterdam Port Services- se rend compte de la tentative d’arnaque alors qu’une partie des déchets est déjà déchargée. Le devis pour le traitement passe alors de 23 à 900 euros le m3. Trafigura refuse de payer et devient menaçant. Les autorités hollandaises et APS cèdent et autorisent le rechargement des déchets sur le Probo Koala. Le navire reprend la mer avec sa cargaison toxique, fait une nouvelle escale européenne à Paldiski en Estonie et prend la route de l’Afrique. Au final, les déchets sont déchargés en août 2006 à Abidjan, Côte d’Ivoire, où ils sèment la panique et provoquent selon le bilan officiel 100.000 intoxications et 16 morts.
Robin des Bois a mené des investigations en Côte d’Ivoire dès septembre 2006 et a été un membre clef de la Commission Internationale d’Enquête nommée par le gouvernement ivoirien. L’association a également travaillé auprès des institutions européennes et internationales ; depuis janvier 2014, l’Organisation Maritime Internationale a interdit les procédés de production à bord des navires et le mélange en mer de cargaisons liquides.
L’histoire du Probo Koala est racontée dans « Le Cargo de la Honte », livre coécrit par Robin des Bois et Bernard Dussol (Édition Stock 2010).
• Démolition du Probo Koala en Chine. La fin du Pouah ! Koala 7 février 2013, 11h00.
• Novembre 2011 : il navigue toujours. Consultez notre bulletin A la Casse.com n°25 (page 5) et n°24 (page 46, pdf).
• Les dernières nouvelles du Probo Koala, 3 juin 2011.
• Probo Koala au Bangladesh : refusé, 28 mai 2011.
• Liste non exhaustive des matières dangereuses présentes ou susceptibles d’être présentes à bord. 18 mai 2011 (pdf).
• Probo Koala : le bateau de la mort en route pour le cimetière, 17 mai 2011.
• Trafigura rattrapé par le mercaptan et l’hydrogène sulfuré, 23 juillet 2010.
• Traf ment gravement, 28 juin 2010.
• Le Probo Koala à la barre, 31 mai 2010.
• Probo Koala, le livre. 19 mai 2010.
• Probo Koala : Plainte contre les Pays-Bas et l’Estonie, 6 avril 2010
• Probo Koala 3 ans après, c’est toujours la cote d’alerte en Côte d’Ivoire, 19 août 2009
• Le Probo Koala, 2 ans après, 19 août 2008
• Une retombée de l’affaire du Probo Koala ! Le 24 janvier 2008, Trafigura diffuse dans le Lloyd’s List, journal spécialisé dans les transports maritimes, l’annonce de recrutement d’un responsable général de la qualité et de la gestion des navires affrétés. L’une des qualités requises est évidemment la connaissance approfondie de toute les règlementations, recommandations, bonnes pratiques et conventions internationales dont Marpol.
• Déchets du Probo Koala : le deuxième scandale, 21 mars 2007
• A la poursuite des Probo Erika, 21 févr. 2007
• Résumé des conclusions de la Commission Internationale d’Enquête nommée par le gouvernement de Côte d’Ivoire et dont Robin des Bois était membre. 19 février 2007 (pdf).
• Des informations nouvelles sur le Gulf Jash, ex-Probo Koala, 29 déc. 2006
• Les déchets reviennent en Europe, 7 nov. 2006
• L’Union Européenne s’enferme dans sa tour d’ivoire, 25 oct. 2006
• Pire que le secret défense, 18 oct. 2006
• Le business continue pour le Probo Koala, 16 oct. 2006
• Des entraves pour la mission administrative ivoirienne en Estonie, 11 oct. 2006
• Déchets de Côte d’Ivoire : retour à l’expéditeur, 29 sept. 2006
• Déchets toxiques en Côte d’Ivoire et incendies à répétition en France, 19 sept. 2006
• Des hommes d’affaires français enlisés dans la mixture toxique d’Abidjan, 14 sept. 2006
• Pollution en Côte d’Ivoire, 12 sept. 2006
• Pour un charter des déchets, 12 sept. 2006
• Pollution en Côte d’Ivoire – note d’information n° 1, 10 sept. 2006
• Dossier de la conférence presse de Robin des Bois à Abidjan. 25 septembre 2006 (pdf).
La 1ère vague et le reflux, la convention MARPOL, l’Union Européenne et les déchets d’exploitation des navires, le Probo Koala, le choix de la Côte d’Ivoire, annexes.
• Article de La Flèche et du Marin concernant le trafic du Zanoobia. Mai 1988 (pdf)
• Article de La Flèche et du Marin concernant le trafic du Karin B. Septembre 1988 (pdf)
Synthèse
décembre 2006
1) Le navire, l’armateur, le pavillon.
2) L’affréteur.
3) Le trajet du Probo Koala. 2005/2006.
4) Les communiqués et les déclarations de Trafigura à propos de la Côte d’Ivoire. Extraits ou résumés.
5) Commentaires.
6) Le droit international appliqué aux déchets déversés en Côte d’Ivoire.
De l’avis de Robin des Bois
Le Probo Koala, navire panaméen, a déchargé à Abidjan en août 2006 environ 500 tonnes de boues d’exploitation. Elles ont été déposées tout autour de la capitale ivoirienne. Le bilan initial fait état de 10 décès et une véritable panique s’est emparée de la ville. Robin des Bois a immédiatement demandé le retour des déchets en Europe et déclenché ses moyens d’investigation.
Aux abords du chantier de dépollution sur la décharge d’Akouédo. © C.N/Robin des Bois
1) Le navire, l’armateur, le pavillon.
Le Probo Koala est du type OBO : Ore / Bulk / Oil carrier. C’est un navire spécialisé dans le transport de vrac solide ou liquide. Il a été construit en 1989 pour l’armateur norvégien Klaveness Group qui l’a utilisé en tant que transporteur de produits pétroliers et de soude caustique. Klaveness l’a vendu en 1999 à des intérêts grecs et affrété auprès de ces mêmes intérêts grecs jusqu’en octobre 2004.
Coupe du Probo Emu, sister ship du Probo Koala. Source: Klaveness Group (armateur du Probo Koala de 1989 à 1999)
Prime Marine Management. 4, Posidonos Avenue, Kallithea, Athènes GRECE.
Cette compagnie grecque est présentée comme le gestionnaire du navire. L’armateur officiel du navire en septembre 2006 est une compagnie du nom de Probo Koala Shipping Inc. selon la technique financière du « single ship company » qui permet de circonscrire à ce seul navire les responsabilités et dommages dont il serait l’auteur.
De 2001 à 2005, le propriétaire du Probo Koala était la Celtic Legend Shipping. Selon des informations très fragmentaires et anonymes, le Probo Koala aurait été détenu au moment du déversement en Côte d’Ivoire par la banque Paribas qui est le partenaire financier de Trafigura. Prime Marine Management gérait 10 autres navires dont 5 autres OBO en septembre 2006. Les spécialistes disent que, à cause des mélanges, les slops des OBO sont « de la vraie merde » et que « personne n’en veut ».
Les banques de données sur les inspections du navire Probo Koala dans les ports mondiaux sont contradictoires. Equasis dit qu’il n’a jamais été détenu pour déficiences mais le memorandum de la région Asie Pacifique dit qu’il a été détenu à Vladivostok en Russie, pour 11 déficiences en avril 2004 , ce qui témoigne d’une dégradation générale du navire. Le 18 janvier 2006, il a été inspecté à Paldiski (Estonie), 1 déficience a été relevée, et à Paldiski encore – après le passage à Amsterdam – le 11 juillet 2006 où 2 déficiences ont été relevées, l’une dans la catégorie « propulsion et auxiliaires », l’autre dans la catégorie « sécurité de la navigation ».
L’assureur du navire est suédois, la société de classification est Det Norske Veritas, l’équipage est russe. A noter qu’en 2001 le Probo Koala était affrété par Glencore, la société de courtage de Marc Rich. Le Probo Koala a été revendu quelques semaines après le déversement en Côte d’Ivoire à Gulf Navigation Holding établi à Dubaï qui a des partenariats en Grèce et 4 filiales spécialisées dans l’affrètement à Panama. Panama était le pavillon du Probo Koala au moment du déversement en Côte d’Ivoire. Les autres OBO de Prime Management étaient sous pavillon des îles Marshall sauf le Probo Emu qui était également sous Panama. L’Etat du Panama est l’un des grands absents de l’affaire. A ce jour et à notre connaissance, il n’y a pas d’enquête administrative diligentée par Panama alors que le lien substantiel et organisationnel entre le bord et l’Etat du pavillon doit être entretenu et prouvé.
2) L’affréteur.
Trafigura est présent dans le négoce et la distribution de produits pétroliers en Australie, au Brésil, au Guatemala, au Salvador, au Paraguay, à Cuba, au Congo, au Ghana. Trafigura a des installations de stockage aux Emirats Arabes Unis, au Mozambique, en Côte d’Ivoire et en Estonie. Les résultats d’un appel d’offres en Mauritanie montrent les difficultés que Trafigura peut éprouver à s’implanter faute de stockage et de raffinerie en propre. L’autre division internationale de Trafigura concerne le négoce des métaux non ferreux par le biais de la société de courtage Malco, centrale de vente du groupe français GDE et d’Ecore en Europe de l’Est et en Turquie. Le fondateur de Malco est l’actuel président de la division des métaux non ferreux du BIR (Bureau International du Recyclage). Trafigura a été condamné à payer 18 millions de dollars d’amende et de dommages pour avoir vendu illégalement plus de 500.000 barils de pétrole irakien à des compagnies texanes. Trafigura est en outre actif dans le négoce de métaux et l’exploitation de mines en Amérique du Sud et en Amérique Centrale.
Camion ayant participé au déversement des déchets. © C.N/Robin des Bois
Signalisation d’une zone de dépôt des déchets toxiques sur Akouédo.© C.N/Robin des Bois
3) Le trajet du Probo Koala. 2005/2006.
2005 30 octobre |
Paldiski |
X | Banana (Congo Brazzaville) |
28 novembre | Tema (Ghana) |
2006 20 janvier |
Paldiski (Estonie) |
8 février | Lagos (Nigéria) |
Fin février | Abidjan (reste en rade ; transfert de matériaux vers ou depuis l’Eco Princess, petit chimiquier) |
3 avril 2006 | Gibraltar (UK) |
14 avril | Malte |
5 mai | Gibraltar |
7 mai | Gibraltar, en provenance de la Skhira (port pétrolier tunisien) |
11 mai | Partie Est de Gibraltar |
17 mai | Gibraltar, en provenance d’Algesiras (Espagne) |
19 mai | Gibraltar |
27 mai | Gibraltar |
29/30 mai | Gibraltar, en provenance d’Algesiras |
1er juin | Gibraltar |
6 juin | Gibraltar |
9 juin | Partie Est de Gibraltar |
14 juin | Gibraltar |
18 juin | Gibraltar |
26 juin | Gibraltar |
27 juin | Départ de Gibraltar |
2 juillet | Arrivée du Probo Koala à Amsterdam et déchargement des slops |
5 juillet | Les déchets sont rechargés à bord du Probo Koala et le navire quitte Amsterdam pour Paldiski |
9-13 juillet | Paldiski |
17 juillet | Passe devant Dunkerque |
X | Escale prévue à Lomé (Togo) mais non confirmée (avant ou après Lagos ?) |
30 juillet | Arrivée à Lagos |
Début septembre | Paldiski – Ventspils (Lettonie) – Paldiski |
17 août | Départ de Lagos |
19 août | Arrivée du Proko Koala à Abidjan au quai Petroci |
Capture le 20 septembre 2006 sur le site internet du port de Paldiski-Tallinn.
Le Probo Koala est de retour d’Abidjan. Quelques jours après il deviendra officiellement le Gulf Jash.
4) Les communiqués et les déclarations de Trafigura à propos de la Côte d’Ivoire. Extraits ou résumés.
12 sept 06. Des cadres de la compagnie sont à Abidjan et en liaison avec les autorités tentent d’établir ce qui s’est passé une fois que les déchets ont été déchargés du PK.
Le PK est utilisé en tant que stockage flottant de composants d’essence. Un nettoyage des cuves est effectué avec de la soude caustique chaque fois qu’une nouvelle cargaison d’un des composants de l’essence est chargée. Les résidus de lavage (slops) sont ensuite transférés dans les citernes dédiées. Vient ensuite une description de l’anomalie d’Amsterdam (déchargement et rechargement d’une partie des slops). Il est déclaré que le meilleur endroit pour décharger les slops d’Amsterdam compte tenu de la route du navire et de ses contraintes était Abidjan « considéré comme étant l’un des plus importants et mieux équipés d’Afrique de l’Ouest ». Trafigura est très préoccupé par la santé des populations d’Abidjan, dit que toute la procédure de déchargement a été respectée –infos préalables vers la Côte d’Ivoire et la société de soutage Tommy et infos en retour-. La classification technique de ces slops est « basle slops », une référence probable à la Convention de Bâle qui n’est plus reprise dans les communiqués suivants. Les analyses indépendantes faites par Trafigura montrent qu’il n’y avait pas d’H2S dans les déchets.
4 octobre 06. Les déchets n’ont pas été déversés. Ils ont été transférés à bord de camions spécialisés. Trafigura a porté plainte contre Tommy le 8 septembre. Les slops n’étaient pas des déchets dangereux, c’était un mélange de composants d’essence, de soude caustique et d’eau.
Trafigura souhaite que les autorités hollandaises publient les analyses des échantillons prélevés dans les déchets à Amsterdam. Trafigura a proposé le 11 septembre au Pays-Bas d’inspecter le navire de retour à Paldiski ou de le dérouter sur Rotterdam. Cette proposition a été déclinée par les Pays-Bas.
6 octobre 06. Le PK a quitté Abidjan le 22 août avec toutes les autorisations nécessaires. Les premières nouvelles sur les événements tragiques d’Abidjan et les relations de cause à effet avec le PK ont circulé plusieurs jours après. Trafigura déplore que son directeur et le directeur régional Afrique de l’Ouest soient en détention à Abidjan depuis 21 jours alors que la compagnie a des liens anciens avec la Côte d’Ivoire et que des investissements importants y ont été réalisés. Trafigura s’efforce d’ouvrir le dialogue avec les autorités ivoiriennes pour résoudre ces problèmes de manière équitable.
18 octobre 06. Le Probo Koala est un navire spécialisé qui peut être utilisé pour le mélange en mer des différents composants de l’essence ; cette opération permet à la compagnie de se conformer aux spécificités des différents clients. Le Probo Koala est arrivé à Paldiski en Estonie le 9 juillet pour charger des composants d’essence à destination de Lagos.
Lagos. Le Probo Koala est arrivé à Lagos le 30 juillet et a déchargé sa cargaison d’essence. 2 compagnies locales sont contactées pour la prise en charge des slops –non déchargés à Amsterdam- mais aucune ne répond aux exigences du commandant ni du personnel logistique de Trafigura. Abidjan était donc le meilleur port d’accueil des déchets sur la route retour vers la Baltique. Le Probo Koala est arrivé le 19 août à Abidjan. La filiale de Trafigura en Côte d’Ivoire Puma Energy est entrée en relation avec un agent portuaire local WAIBS et avec la compagnie Tommy agréée par le gouvernement et recommandé par WAIBS ; un accord a été contractualisé avec Tommy sur l’élimination en toute sécurité des déchets.
20 octobre 06. Le cofondateur de Trafigura dit qu’il n’y a plus de responsabilité sur les déchets pour un armateur, un affréteur ou une société pétrolière une fois qu’ils ont été déchargés. Ca devient la responsabilité des autorités nationales et locales qui doivent assurer le suivi (RFI repris par le Nouveau Réveil). Selon NOS, la télévision publique hollandaise, le co-directeur dit en conférence de presse à Londres que son entreprise dans cette affaire endosse « la responsabilité morale mais pas légale ».
Un des sites de dépôt était à proximité de la MACA (Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan). © C.N/Robin des Bois
5) Commentaires.
Au regard des pratiques en vigueur dans le monde maritime, deux faits sont notables. Il est d’abord étonnant que le PK se soit dirigé vers Amsterdam pour décharger ses slops alors que Rotterdam est aussi sur sa route vers la Baltique, est mieux équipé et d’accès beaucoup plus facile car il n’y a pas d’écluse à franchir (gain de temps et donc d’argent).
D’après Trafigura, les déchets sont des résidus de cargaison conforme aux normes de nettoyage des navires ; la cargaison a pu elle-même avoir subi une transformation à bord (mélange de composants d’essence et traitement en vue d’épurer le produit). Toujours selon Trafigura, les déchets déversés en Côte d’Ivoire proviennent des opérations menées dans le détroit de Gibraltar.
Les photos prises du Probo Koala à son arrivée à Amsterdam montre qu’il est chargé avec autre chose que 500 m3 de slops (cf. ligne de flottaison). Soit le navire est sur ballast pour assurer sa stabilité, soit il est arrivé de Gibraltar en partie chargé de produits. Cette dernière hypothèse implique qu’il a juste complété son chargement à Paldiski avant de partir pour l’Afrique ou bien qu’il a déchargé une certaine qualité de produits en provenance de Gibraltar à Paldiski avant de recharger des composants d’essence à destination de l’Afrique (trafic d’essence de mauvaise qualité intraeuropéen ?).
Il est frappant de constater selon le communiqué de Trafigura du 18 octobre que le PK a quitté Paldiski en Estonie le 13 juillet avec des composants d’essence et a débarqué le 30 juillet à Lagos de l’essence. Cela suggère que le Probo Koala a également fait de la transformation/assemblage de produits pétroliers entre Paldiski et Lagos (et pas seulement dans le détroit de Gibraltar).
On ne peut pas exclure qu’à Paldiski-Tallinn des résidus pétroliers ou pétrochimiques aient été ajoutés à un ou plusieurs composants d’essence. Un document va dans ce sens, c’est le mail envoyé par le correspondant de Trafigura aux agents portuaires d’Abidjan avant l’arrivée du PK ; ce document évoque une présence de chlorés et une origine papeterie.
(…) The reaction of chlorine chemicals with lignins in pulp bleaching produces organic chlorine compounds (…)
Ce document est considéré comme authentique par le journal Jeune Afrique. Les chlorés n’apparaissent pas dans les analyses transmises à Robin des Bois à ce jour. Par contre, il apparaît d’ores et déjà que ces composants d’essence pourraient être de mauvaise qualité en particulier pour la teneur en soufre et peut être d’autres paramètres conformément aux « spécifications des clients » comme le dit Trafigura dans un de ses communiqués et très nettement inférieure sur le plan sanitaire et environnemental aux spécifications européennes quand les clients sont africains. Un document de l’INERIS (en lien) plus récent reprend des analyses initiales faites par une équipe française ; il parle de crésols. Ni les chlorés ni les crésols n’apparaissent dans les autres analyses disponibles à ce jour. Par défaut d’information complémentaire et conformément à son analyse initiale, Robin des Bois ne considère pas que la Convention de Bâle ait un lien direct avec cette affaire. D’autres organismes comme la Commission Transports de la Commission Européenne n’excluent pas tout à fait cette hypothèse. Il est vrai que les Pays-Bas en acceptant de recharger à bord du PK les déchets et de les réexporter à bord du PK alors qu’ils avaient touché le sol hollandais pourraient être en non conformité avec les règlements de la Convention de Bâle et les règlements. Cette éventuelle implication de la Convention de Bâle est chronologiquement secondaire.
Enfin, en l’état actuel de nos connaissances, il ne peut pas par principe être exclu que des déchets aient été chargés dans le port nigérian de Lagos où le PK a séjourné 15 jours, plus qu’il n’en faut pour décharger ses 36.000 m3 de carburant.
De toutes façons, les masques anti-poussières sont inadaptés.© C.N/Robin des Bois
Pendant la crise du Probo Koala, le pêche continue mais elle souffre.© C.N/Robin des Bois
6) Le droit international appliqué aux déchets déversés en Côte d’Ivoire.
La Convention de Bâle.
Les observateurs et commentateurs se sont orientés tout de suite sur la non prise en compte de la Convention de Bâle sur les mouvements transfrontaliers de déchets. Or la Convention de Bâle exclut de son périmètre les déchets d’exploitation normale des navires. Si on prend à la lettre les communiqués de Trafigura affréteur et exploitant du Probo Koala, l’exploitation est normale et les déchets sont des déchets d’exploitation consécutifs au lavage des citernes. Le discours de Trafigura qui n’est pas démenti par l’OMI est que le Probo Koala est non seulement un vecteur de transport mais aussi si nécessaire un stockage flottant qui permet de mélanger en mer les composants d’une essence carburant et de livrer un produit fini correspondant aux exigences techniques d’un client.
Marpol
La Convention internationale Marpol inclut dans son champ les déchets d’exploitation des navires. Elle établit des recommandations sur les rejets en mer de résidus d’hydrocarbures ou résidus chimiques provenant des compartiments machines et des lavages de cuves. Quand les seuils, les modalités, les lieux de rejets sont conformes aux recommandations de l’OMI, ces rejets en mer sont considérés comme licites par les pays signataires de la Convention Marpol et de ses annexes pertinentes. Quand la France incrimine des navires au large de la Bretagne pour « dégazage » illégal, c’est qu’elle estime, indices à l’appui, que les dispositions de Marpol intégrées dans le droit français ne sont pas respectées. Tous les pays impliqués dans l’affaire de Côte d’Ivoire ont signé Marpol et ses annexes I et II sur la gestion des déchets d’exploitation pétroliers et chimiques des navires, y compris Panama et la Côte d’Ivoire. La signature de ces annexes « devrait » selon la version française de Marpol inciter les pays signataires à disposer à terre d’installations de réception des déchets qui ne peuvent pas compte tenu de leur toxicité ou de leur volume être rejetés en mer. Ces installations et les services associés ne doivent pas imposer des retards et des coûts anormaux aux navires et doivent être adaptés aux besoins des navires qui touchent régulièrement ou d’une manière prévisible les ports. Chaque pays est incité à contribuer à un inventaire des installations de réception. Cet inventaire est disponible sur un site internet spécialisé de l’OMI. Le Bénin interdit à partir de ce site le déchargement de slops dans le port de Cotonou. La Côte d’Ivoire ne documente pas ce site ni dans un sens –présence d’installation de réception de slops- ni dans l’autre –absence d’installation-. Les pays peuvent aussi faire part sur ce site des difficultés qu’ils éprouvent à assumer les obligations de réception des déchets d’exploitation des navires. Les navires ou leur représentants peuvent aussi communiquer à l’Etat du port des difficultés rencontrées pour le déchargement de leurs déchets d’exploitation. Il n’est pas écrit dans le corps de la Convention que ces installations de réception doivent être couplées à des installations de traitement. Mais des guides d’application écrits et diffusés par l’OMI disent que l’installation de réception doit être prolongée par une installation de traitement tout en laissant au pays récepteur la responsabilité réglementaire et technique de ce traitement. MEPC 43 cité dans le recueil de recommandations de l’OMI redit que les installations « adéquates » doivent être adaptées aux navires normalement usagers du port et permettre une élimination finale et environnementale les déchets débarqués. Vu sous l’angle de Marpol les seuls éléments concrets qui viendraient à la décharge de la Côte d’Ivoire, c’est que le PK ou ce type de navire n’est pas un habitué d’Abidjan et/ou que l’équipage ou l’affréteur n’ait pas fourni d’informations loyales et complètes sur les caractéristiques des déchets.
Marpol en imposant aux pays signataires de l’ensemble de la Convention la ratification des annexes I et II entend réduire les pollutions illicites de l’Océan Mondial et l’état d’esprit général en vigueur chez les armateurs et équipages, c’est qu’une fois que les déchets sont tuyautés sur les quais, ils n’en sont plus responsables (voir 1ere partie, déclaration de Trafigura).
Directive européenne portuaire.
C’est pour renforcer la Convention Marpol pour la prévention de la pollution par les navires que le Conseil et le Parlement européens ont élaboré et imposé aux pays membres de l’UE la directive 2000/59/CE « cette directive améliore la disponibilité et l’utilisation des installations de réception portuaires destinées aux déchets d’exploitation des navires et aux résidus de cargaison afin de protéger d’avantage le milieu marin de la pollution des navires ». Il s’agit clairement de réduire le rejet en mer des déchets opérationnels. Des spécialistes se demandent pourquoi cette voie d’immersion de déchets très faiblement irisés et selon eux indécelables au moment du rejet n’a pas été choisie par l’équipage et Trafigura. Il y a deux hypothèses : ou bien le commandant du PK était un type honnête, ou bien le système de pompe du PK était indisponible. Les mêmes spécialistes s’étonnent aussi du choix initial d’Amsterdam pour les slops alors que Rotterdam est mieux équipé et d’accès beaucoup plus facile : pas d’écluse à franchir. Quel que soit le port européen choisi par l’armateur ou l’affréteur, et quel que soit son pavillon, le navire doit notifier avant l’arrivée dans le port auprès d’un opérateur agréé son état de stockage des slops – quantité, nature, caractéristique-, son intention de décharger ses déchets et dans quelle quantité, l’estimation de production de slops entre le port d’accueil et le port suivant. Cette Directive s’intéresse aussi au traitement des déchets et les navires qui ne déposent pas leurs déchets d’exploitation sans dérogation valable ne sont pas autorisés à quitter le port. Au regard de cette Directive, Amsterdam a commis une erreur comme les conclusions préliminaires du rapport Hulshof le disent.
De l’avis de Robin des Bois
C’est bien la gestion des slops à Amsterdam qui a déclenché toute l’affaire et qui engage la responsabilité de Trafigura, du port et des autorités hollandaises vis-à-vis des conséquences ultérieures de la dispersion des slops à Abidjan. Une réplique de l’anomalie d’Amsterdam a eu lieu début juillet 2006 à Tallinn-Paldiski. La responsabilité de l’Estonie est importante car elle a dû être informée de la gestion des slops du Probo Koala par les Pays-Bas et par la notification obligatoire du port de destination par le navire en application de la Directive. En Estonie, les autorités savaient que conformément à de nombreux voyages antérieurs le PK se rendait immédiatement après en Afrique de l’Ouest. Pour ce qui concerne les prolongements, il convient de lire la réponse à notre courrier de la Commission Transports de l’UE (en lien). Le secrétariat de la Convention de Bâle préconise une réflexion sur le vide juridique qu’il y aurait entre sa convention et la convention Marpol de l’OMI.
Premiers déchets toxiques de retour en Europe, au Havre, le 7 novembre 2006. © C.N/ Robin des Bois
Photos de titre: Le Probo Koala à Paldiski, octobre 2006. / Signalisation aux abords de la décharge d’Akouédo © CN/Robin des Bois.
Imprimer cet article