La mer dépecée
Après quelques semaines de Secrétariat d’Etat à la Mer , lieu exclusif et unitaire où les doléances et les réflexions relatives au patrimoine maritime de la France et de l’humanité auraient pu converger, le gouvernement s’est promptement retiré de sa veille sur les océans, le cordon littoral, les bateaux poubelles… La mer qui submerge les 3/4 de la Terre se retrouve donc coincée entre le Logement, les Affaires rurales, et les Directions Départementales de l’Equipement; au lieu d’une politique même embryonnaire sur les enjeux de la mer, vont se perpétuer les bricolages, les petits conflits de compétences et les abus d’incompétence et d’indisponibilité.
Les pavillons de complaisance en procès
Objet: Khalifeh One Immobilisé au Tréport (76) depuis le 14 mars 2002.
Demain à 17 h, le Tribunal de Commerce de Neufchâtel-en-Bray (76) entendra la plaidoirie de l’avocat des marins du Khalifeh I, et éventuellement celle de l’armateur ou de son représentant. Le Tribunal devra ensuite juger si la saisie conservatoire opérée par l’ensemble de l’équipage du Khalifeh I peut être transformée en saisie exécutoire, ce qui permettrait à terme la vente aux enchères du Khalifeh I au profit des marins. Le jugement devrait intervenir sous 8 jours.
Lettre ouverte : S.O.S. Khalifeh One
Nous sommes venus au portail de l’ex-Ministère de la Marine Marchande et de l’actuel Secrétariat d’État à la Mer pour témoigner une fois de plus des ravages des pavillons de complaisance et de l’exploitation des marins étrangers par des armateurs européens.
Neuf marins syriens et un marin libanais sont cloîtrés à bord du Khalifeh One depuis 78 jours. Ils n’ont pas les moyens de téléphoner à leurs familles et les échanges par courrier sont très difficiles à établir. Le Khalifeh One appartient à des négociants en bétail installés en France et en Angleterre. Alors que depuis le naufrage de l’Erika, les ministères européens concernés prétendent faire la chasse aux bateaux sous-normes et aux registres de pavillons exotiques, opaques et mal classés dans les statistiques, le Khalifeh One, battant alors pavillon du Honduras, a pu être acheté dans le port de Sète, en décembre 2001, par des propriétaires anglais en vue de faire du trafic transmanche de moutons.
Le Khalifeh 1 se ressaisit
Quelques heures après la levée de la saisie par le Tribunal de Commerce de Neufchatel-en-Bray à la demande de l’agent consignataire du Khalifeh 1, une nouvelle saisie conservatoire du navire a été déposée auprès du même Tribunal de Commerce.
C’est à l’instigation de l’ensemble de l’équipage et avec l’appui de l’association Robin des Bois que cette démarche rarissime dans le monde du transport maritime a été entreprise. L’équipage réclame auprès de l’armateur l’ensemble des sommes qui lui sont dues depuis 4 mois. L’association Robin des Bois s’étonne des propos des milieux professionnels du port du Tréport selon lesquels les marins “n’ont manqué de rien”. La privation de 4 mois de salaires, la privation de travail, l’éloignement des siens, l’incapacité de communiquer avec sa famille faute de moyens matériels sont autant de dommages matériels et psychologiques infligés au 10 marins du Khalifeh 1 par un armateur anglais qui, selon nos dernières informations, a un associé domicilié en France et qui a immatriculé il y a 6 mois le navire au registre des îles Tonga, un État du Pacifique sud connu pour son opacité financière.
L’équipage abandonné du Tréport
En Haute-Normandie, à la limite de la Picardie, les marins syriens et libanais du Khalifeh I attendent désormais une réaction de la France. Immobilisé depuis le 14 Mars 2002 au Tréport, n’ayant pas reçu de salaire ou d’avance sur salaire depuis 4 mois, trahi par son armateur anglais, l’équipage n’a d’autre ressource que d’attendre et de s’en remettre aux bonnes volontés qui commencent à s’organiser dans le port de la Manche. Le propriétaire du Khalifeh I, Richard Otley, est établi à Londres. Il est spécialisé dans le transport du bétail. Il aurait une flotte de camions, mais son unique navire est immatriculé aux Iles Tonga, un état insulaire du Pacifique. La faillite de son activité maritime ne peut donc pas avoir de répercussions financières sur ses activités terrestres.
Sark Trader, une émule du Ievoli Sun
Le chimiquier Sark Trader, battant pavillon panaméen et appartenant à un armateur norvégien, est en fâcheuse posture. A quai dans le port de Calais depuis quelques jours, il est désormais immobilisé par les Affaires Maritimes suite à plusieurs anomalies constatées sur le navire et à des dysfonctionnements en cours d’accostage et de chargement, dont des fuites d’acide sulfurique.
Il aurait été prescrit à l’armateur de décharger les 2000 tonnes d’acide sulfurique. L’acide sulfurique a une action corrosive et peut être une source secondaire d’incendie et d’explosion. Il est dangereux au contact notamment pour les yeux et les muqueuses. La perte d’acide sulfurique dans les bassins d’un port, dans une rade ou dans un fleuve, aurait des conséquences graves pour l’environnement et les riverains.
Le Tréport: 10 hommes sur un bateau
Le Khalifeh I, construit en 1954, pavillon des îles Tonga, est de retour au Tréport depuis un mois. Ses dix hommes d’équipage (neuf syriens et un libanais) ne sont pas payés depuis 4 mois et sont abandonnés à leur sort sur un quai de l’oubli à l’abri des vagues de la solidarité. Les vivres vont de nouveau manquer dans quelques jours constatent dans le calme et l’amertume le capitaine et son second. Richard Christopher Otley, l’armateur anglais, installé à Londres, reste muet face aux multiples relances de l’équipage qui pour des raisons administratives est confiné à bord, et pour des raisons financières ne peut informer par téléphone les membres des familles.
Trafic d’acide à Calais
Le Ievoli Sun et le Balu n’ont pas suffi. Le premier a coulé dans la Manche avec 4.000 tonnes de styrène, le second a coulé au large du Golfe de Gascogne avec 6.000 tonnes d’acide sulfurique. C’était le 31 octobre 2000 et le 20 mars 2001.
Un autre chimiquier venu charger de l’acide sulfurique est immobilisé depuis plusieurs jours par les Affaires Maritimes dans le port de Calais. Dès son entrée le 8 avril, il a attiré l’attention des observateurs portuaires. Il était précédé par une mauvaise réputation et scruté par les Affaires Maritimes, qui n’ont cependant pas entrepris d’inspection lors de son arrivée. Des fuites sont survenues en cours de chargement au niveau des tuyauteries et vannes de pompage. Ces opérations ont été interrompues. Une inspection a eu lieu. Il a été décidé en fin de semaine dernière de vider le navire des 2.000 tonnes d’acide sulfurique déjà embarquées.
La dérive des phares et balises
La flotte de service des Phares et Balises est composée des plus vieux baliseurs en service dans le monde. En dépit de la compétence des équipages, le Georges de Joly construit en 1929, vétéran du débarquement de Normandie, basé à Brest et le Quinette de Rochemont II lancé en 1948, basé au Havre, ne sont plus opérationnels, laissant les marins à quai.
Malgré un plan de renouvellement des baliseurs engagé en 1998 par les Affaires Maritimes et qui devrait s’achever en 2005, les Phares et Balises n’ont plus les moyens techniques d’assurer la maintenance, le remplacement et le repositionnement de la signalisation maritime le long du littoral de la Manche et de l’Atlantique.
Bateaux-poubelles: la complaisance de Veritas
Le Gatteville a quitté le port de Cherbourg en fin de matinée. Le pétrolier de 2060 tonnes a été acheté il y a un mois par Hellenic Slops, armateur et récupérateur de déchets d’hydrocarbures basé au Pirée, le port d’Athènes.
Après une immobilisation de 2 ans, le Gatteville a abandonné le pavillon-bis français (Îles Kerguelen) pour le pavillon panaméen. Dans un premier temps, la société de classification chargée de redonner ses certificats au Gatteville était d’origine panaméenne. Dans un deuxième temps, le Bureau Veritas France a assumé la sale besogne. Les logiciels “Veritas Hull” et “Veritas Machinery”, qui “introduisent une nouvelle conception de la classification fondée sur l’intégration de l’analyse des risques et d’un système de maintenance planifiée des navires”, ont semble-t-il abouti à un diagnostic rassurant. Le Gatteville est bon pour le service et pour le Golfe de Gascogne, avec 9 membres d’équipage et 150 tonnes de fuel.