Les dés sont ipé
La passerelle Solférino en plein cœur de Paris va susciter un tollé. Inscrite dans la série des évènements parisiens de l’an 2000, son inauguration est prévue à l’automne 1999. Son coût total est de 100 millions de francs payés par le ministère de la Culture et le ministère de l’Equipement.
Elle sera, selon les exigences et les habitudes de son architecte-concepteur le cabinet MIMRAM, hyper exotique : 50 m3 d’iroko pour les pièces de rives, 20 m3 de doussié pour les mains-courantes et 2000 m2 d’ipé pour les planchers. Cette juteuse balance de bois d’Afrique et d’Amérique du Sud a déjà été mise en œuvre à la Bibliothèque Nationale de France (BNF) par son collègue Dominique Perrault.
Robin des Bois et la marche pour les forêts du monde
Organisée par l’association “Aux pieds de mon arbre”, la longue marche de Brocéliande à Fontainebleau a commencé à Plélan-le-Grand, le dimanche 18 octobre, jour de marché. La première étape à travers des routes départementales a été l’occasion de vérifier que la Bretagne sent le lisier et qu’elle est envahie par la monoculture du maïs, les boues de l’ensilage et les plans d’eau coquets et illégaux. Le nombre de pavillons ou de maisons anciennes rénovées avec des menuiseries extérieures en bois tropical asiatique, américain ou africain est considérable. La Bretagne, de par la proximité des ports de Nantes, de la Rochelle et de Saint-Brieuc a toujours été encline à utiliser les bois coloniaux. Dès le début du siècle, les boules des pieds de bar étaient en bois de movingui (Disthemonanthus benthamianus) réputé imputrescible.
Argentré-sur-Moabi
Dans le cadre d’une campagne d’information animée par le collectif “Agir Ici pour un monde solidaire”, l’association Robin des Bois a effectué un voyage d’observation de la filière bois à l’Est et au Sud-Est du Cameroun.
Filiale du groupe Pasquet, la concession R. Pallisco basée à Messamena a particulièrement attiré notre attention. 750.000 hectares de forêt primaire y ont été exploités depuis 1972 avec l’aide de sociétés satellites. La production annuelle est d’environ 85.000 m3, Pallisco est au Cameroun le plus gros exploitant de moabi (Baillonella toxisperma). Cet arbre est vital pour les populations pygmées et bantou du Sud-Est Cameroun. C’est à la fois un arbre alimentaire dont les amandes sont pressées pour obtenir la seule huile disponible en milieu forestier. L’écorce est utilisée comme remède traditionnel polyvalent et c’est un arbre culturel qui tient sa place dans les communautés villageoises. Depuis mai 1994, l’étude de l’utilisation du moabi dans l’Est Cameroun a montré que les peuplements sont de faible densité et que la croissance est lente. C’est un arbre très grand, jusqu’à 60 m de haut et 5 m de diamètre émergeant au-dessus de la canopée qui fait la fierté des villages et constitue un point de repère important dans les rapports de proximité. En 1997, la coupe d’un moabi géant par un sous-traitant de Pallisco a été ressentie par la communauté villageoise bantou de Bareko comme une atteinte directe au paysage et au mode de vie. La loi du Cameroun interdit pourtant la coupe des moabis dans un rayon de 5 km autour des villages. La coupe illégale des moabis et le braconnage dans la réserve voisine du Dja sont tolérés par Pallisco. De même Pallisco exploite les talis (Erythrophleum ivorense) qui ont eux aussi pour les populations locales des vertus médicales.
RENNES METROPICALE
L’usage du bois tropical dans la métropole bretonne est intensif. La direction des infrastructures, l’emploie sur les passerelles traversant l’Ille ou la Vilaine, les services de la voierie pour le mobilier urbain et le mobilier de « propreté », la Direction Départementale de l’Equipement pour les murs anti-bruit autour des rocades péri-urbaines.
Les habitants de Rennes disposent d’un maillage dense de grandes surfaces de distribution où du bois tropical débarqué brut dans les ports de Nantes et La Rochelle est vendu après transformation par l’industrie bretonne et vendéenne sous forme de meubles et de menuiseries. La banalisation des bois tropicaux et leur utilisation à contre-emploi témoignent de l’indifférence des techniciens et des consommateurs à l’exploitation des dernières forêts primaires de la Terre.
La France osera-t-elle la passerelle en chêne ?
Le pays d’Ariane et des centrales nucléaires est aujourd’hui confronté à un nouveau défi technologique majeur : l’Etablissement Public de Maîtrise d’Ouvrage des Travaux Culturels (EPMOTC) et le cabinet d’études architecturales MIMRAM hésitent à choisir le bois de chêne pour le platelage de la passerelle Solférino qui enjambe la Seine entre le jardin des Tuileries et le quai Anatole France et le musée d’Orsay.
Selon les responsables du projet, l’absence de référence en France ne garantit pas la durabilité de l’ouvrage, si l’option chêne était retenue. “Ce serait une première et nous préférerions jouer la sécurité en utilisant de l’ipé. Aux Etats-Unis, plusieurs passerelles sont faites en ipé”.
KRIS WOOD : la disparition qui tue
Après les premières versions concernant la mort par pendaison de Kris Wood, la gendarmerie de Saint-Laurent du Maroni et des membres de l’entourage du fondateur du Pou d’Agouti, association guyanaise de protection de l’Homme et de la nature, évoquent maintenant un accident domestique “lié à l’installation d’un hamac”.
Kris Wood dans ses articles et ses activités associatives dénonçait les pollutions générées par le centre spatial de Kourou et les fusées Ariane, la construction de barrage et “des routes inutiles balafrant les forêts”, les exploitations forestières anarchiques dans le bassin amazonien, la prolifération des activités minières négligentes de l’environnement. Eternel connaisseur de la faune et de la flore guyanaise, ami des minorités ethniques, Kris Wood échangeait régulièrement des informations avec l’association Robin des Bois, notamment à propos de l’histoire des arbres pau rosa (Aniba Rosaeodora, Aniba Duckei) en Guyane, de l’ouverture des routes et des projets de centrale thermique au bois dans la région côtière d’Iracoubo.
La Flèche n°32
Journal de Robin des Bois – septembre 1998 (4 Mo)
Non aux langues de bois page 8
La Flèche n°31
Journal de Robin des Bois – janvier 1998 (3 Mo)
Un alambic dans la jungle page 9
La Tour du pillage de la Terre
Retenue par la mairie de Paris, au titre des festivités de l’an 2000, la Tour de la Terre est une insulte définitive aux écologistes. Censée incarner les liens entre les peuples, elle sera le témoignage du pillage des forêts tropicales et boréales et avant tout un instrument de promotion pour le Centre Technique du Bois et de l’Ameublement (CTBA), l’Association Technique Internationale des Bois Tropicaux (ATIBT), la Fédération Française du Commerce du Bois, le Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD) et le Centre Technique Forestier Tropical. Les concepteurs voudraient y voir un hommage aux peuples du monde à travers une exposition permanente d’échantillons de bois.