Le virus russe

25 mars 2022

Quelques semaines avant l’orage et la guerre, alors que les troupes, les bottes et les stratocumulus russes s’accumulaient aux frontières de l’Ukraine, alors que des navires de guerre de la Flotte du Nord étaient repérés dans la Manche en route pour « des manœuvres » en mer Noire, la Commission européenne célébrait son addiction à l’énergie et ajoutait le gaz et le nucléaire à la liste déjà douteuse des énergies de transition.
Aujourd’hui, la Commission européenne est en cellule de dégrisement et tente de se défaire de l’étranglement.
Elle découvre que les centrales nucléaires et les autres Installations Nucléaires de Base constituent une menace planétaire en temps de guerre. Elle masque son économie du gaspillage par un pitoyable floutage des méthaniers brise-glace pleins à craquer de GNL sibérien (1).
Les Mesdames et Messieurs bricolage du nucléaire français font tout pour mettre sous les gravats de la guerre leurs accointances et leurs marchandages permanents avec la Russie depuis Brejnev jusqu’à Poutine, de Marcoule à ITER en passant par les réacteurs à neutrons rapides et par La Hague. Ils ont osé dire à la dernière réunion du Haut Comité pour la Transparence et l’Information sur la Sécurité Nucléaire (HCTISN) le 8 mars 2022 : « On manque de recul pour se retirer de Russie ».

Dans son communiqué en date du 1er jour de l’invasion de l’Ukraine par la Russie (2), Robin des Bois a posé deux boulets sur la table – gaz et nucléaire. Force est de constater que ni la France ni l’Union européenne n’ont un mois après osé prendre des décisions claires et unanimes pour se débarrasser de leur intoxication aux régimes soviétique et russe.
Il revient à la présidence de la République française de rompre cet attentisme et d’imposer à la filière nucléaire une suspension sine die de toute coopération technique et commerciale avec la Russie. A ce jour, seule la Suède a annoncé qu’elle renonçait à l’enrichissement de ses combustibles nucléaires en Russie.
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Gaz Naturel Liquéfié (GNL)
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Les arrivées se succèdent à Rotterdam, Montoir-de-Bretagne, Bilbao et Zeebrugge.

Un transbordement de GNL (ship to ship) entre le Georgiy Ushakov et le Clean Vision a eu lieu le 13 mars à l’abri de l’île de Kildin au large de Mourmansk. Le Clean Vision a ensuite successivement annoncé comme destination Zeebrugge, Port-Saïd (canal de Suez) et Carthagène en Espagne où il y a un terminal méthanier. Il est resté quelques heures en face de Carthagène et annonce maintenant une destination Extrême-Orient. Sauf nouveau rebondissement, il devrait livrer le GNL russe en Chine.
Un nouveau transbordement s’apprête à être réalisé entre le méthanier brise-glace Christophe de Margerie et le Clean Planet. Ce « ship to ship » périlleux sera surveillé par 9 remorqueurs. Il a lieu dans une zone étroitement surveillée par la Flotte du Nord.

Nucléaire

Le partenariat entre la France et la Russie remonte à 1966. Il a progressivement muté en soumission de la France à l’URSS puis à la Russie.

« Une collaboration entre le Comité d’Etat pour l’Utilisation de l’Energie Atomique de l’URSS (GKAE) et le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) du côté français, se poursuit depuis des années avec succès. Dans le cadre d’un accord de collaboration entre le Comité d’Etat et le CEA, accord conclu en mai 1967, ainsi que dans l’accord spécial d’octobre 1966, une importante coopération est menée en physique des hautes énergies, sur les réacteurs à neutrons rapides, la physique des plasmas et la fusion thermonucléaire contrôlée des éléments légers, ainsi que sur les réacteurs de puissance à eau légère et sur le dessalement des eaux de mer et saumâtres.
La collaboration entre la France et l’URSS a une base solide. Ainsi, en 1971, les deux parties ont signé un contrat par lequel l’URSS fait bénéficier la France de services pour l’enrichissement de l’uranium, indispensables pour la préparation des éléments combustibles utilisés dans les centrales nucléaires. Ces contrats d’enrichissement de l’uranium ont été conclus pour une période allant jusqu’à 1990. (…)
Le 10 juin 1977, un échange de documentation technique de BN-350 et Phénix a eu lieu simultanément à l’Ambassade d’URSS à Paris et à l’Ambassade de France à Moscou ; l’administrateur général du CEA, M. Giraud a transmis les documents à l’ambassadeur de l’URSS à Paris tandis que nous transmettions la documentation de BN-350 à l’ambassadeur de France à Moscou.
La collaboration se poursuit aussi favorablement dans le domaine de la physique des plasmas et de la fusion thermonucléaire contrôlée. Les savants des deux pays travaillent dans les instituts et laboratoires d’URSS et de France sur les dispositifs thermonucléaires les plus avancés du type « Tokamak ».*
La qualité des travaux effectués en commun, les nombreux contacts dans les différents domaines de la science et de la technique nucléaires permettent d’envisager pour l’avenir une longue et fructueuse collaboration.
»
(Extraits de A.M. Petrossiants, Problèmes actuels des sciences et techniques nucléaires en URSS. Troisième édition en langue russe, remaniée et complétée ; Atomizdat, 1976. Version en langue française, CEA, 1977. La Documentation française.)

Le contrat évoqué par A.M. Petrossiants a été prolongé entre 1990 et 2014. La fermeture du contrat a fait suite à une visite de la délégation du HCTISN du 1er avril au 6 avril 2012 dans la ville interdite de Tomsk-7 (Seversk) en Sibérie (3). « Le recours à la Russie pour procéder à l’enrichissement d’une partie de l’Uranium de Retraitement tel que pratiqué par EDF et Orano Cycle (Ex-Areva) pour le compte de ses clients entre 2000 et 2010 a progressivement diminué pour être arrêté en 2014 pour des raisons industrielles, économiques et environnementales. »
(HCTISN, Présentation du « Cycle du combustible français », 2018.)

EDF a décidé de relancer la filière URT (Uranium de Retraitement) dans le but de réduire son stock qui s’élève aujourd’hui à environ 30.000 tonnes. Emmanuelle Verger, directrice de la Division Combustible Nucléaire, a fait une présentation relativement complète de la reprise du trafic avec la Russie à la réunion du HCTISN le 22 janvier 2020. Il a été dit au cours de cette réunion que seule la Russie est capable de convertir l’Uranium de Retraitement en protégeant la santé des travailleurs et l’environnement (voir le document en lien – 4). « La nouvelle filière URT en Russie présente une meilleure maîtrise de l’impact environnemental » selon EDF.


Extrait de la présentation d’EDF sur le recyclage de l’Uranium de Retraitement, réunion HCTISN du 22 janvier 2020
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La conversion consiste à transformer l’oxyde d’uranium en hexafluorure d’uranium. L’Uranium de Retraitement est pollué par des traces de produits de fission comme le césium 137 et le plutonium. Areva (devenu Orano) a choisi de s’en remettre à la technologie russe plutôt que de dépenser plusieurs milliards d’euros pour monter en France des filières de conversion et d’enrichissement de l’uranium provenant du retraitement à l’usine de La Hague des combustibles nucléaires usés français et étrangers.

* Le Tokamak est une machine expérimentale conçue pour exploiter l’énergie de la fusion. C’est le précurseur du gigantesque et scabreux ITER en cours de construction en Provence.

(1) « Le gaz russe avance masqué », 18 mars 2022, mise à jour 22 mars 2022
(2) « Sanctions envers la Russie : vont-ils oser ? », 24 février 2022
(3) « Dans la ville interdite de Tomsk-7 », 26 juin 2012
« Le syndicaliste et l’écologiste interdits de séjour à Tomsk », 28 juin 2010
(4) https://robindesbois.org/wp-content/uploads/EDF-recyclage-URT-HCTISN-22-01-2020-site-robindesbois.pdf

Voir également
https://robindesbois.org/russie-ukraine/

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