Byzantio: quel contrôle ?
L’Estonie n’est pas membre du Mémorandum de Paris. Cet accord signé en 1982 après les naufrages de l’Amoco-Cadiz et du Tanio organise une collaboration régionale pour contrôler de façon harmonisée les navires étrangers dans les ports des Etats signataires. 10 % des visites sont suivies de retenues de navires. 13 pays de l’Union Européenne en sont membres, plus la Pologne, la Croatie, la Fédération de Russie, le Canada et l’Islande. Les pétroliers de plus de vingt ans sont particulièrement ciblés même si l’insuffisance des moyens humains, notamment en France, empêche des visites systématiques. En Estonie, le référentiel des inspecteurs et le déroulement des visites de sécurité ne correspond pas aux standards du Mémorandum. La flotte estonienne héritée du démantèlement de la flotte soviétique a une moyenne d’âge élevée, et il n’est pas étonnant que l’Estonie ne s’effarouche pas outre mesure de l’âge et de l’état du Byzantio.
La complaisance de l’Estonie
Les déclarations cyniques des autorités portuaires de Tallinn se demandant pour quelles raisons le Byzantio et autres navires de cet acabit provoquent tant d’agitation en Europe, et particulièrement en France, témoignent du laisser-aller de l’Estonie en ce qui concerne la sécurité maritime. Les autorités estoniennes ne se posaient pas non plus de questions quand un pétrolier immatriculé aux Iles Marshall a quitté le port de Tallinn, fin mars 2001, avec 30.000 t de fuel lourd en provenance de la raffinerie Texaco; quelques heures après, à la suite d’une avarie de barre, le Baltic Carrier entrait en collision avec un cargo, et 2700 t de fuel lourd partaient à la mer. Les nappes d’hydrocarbures ont contaminé des marais, 3000 oiseaux morts ont été récupérés sur le littoral danois.
Fuel : la chasse au Byzantio
Le Byzantio, pétrolier battant pavillon maltais et auparavant pavillon Honduras, est attendu à Tallinn en Estonie pour charger du fuel lourd. Il est géré par Aegean Shipping Management basée dans le port du Pirée en Grèce. Bien connue de Robin des Bois, Aegean Shipping Management a racheté à Cherbourg en été 2001 et en mars 2002 deux caboteurs pétroliers, le Gatteville et le Goury aujourd’hui âgés de 32 et 26 ans ayant appartenu à l’ex-armement français Copamar. Malgré les interventions de Robin des Bois, les deux navires ont quitté Cherbourg sous pavillon panaméen et sous la protection des autorités françaises soulagées de voir deux navires-ventouses quitter les quais de Cherbourg. Total refusait d’affréter ces deux pétroliers suite à la marée noire de l’Erika . Ils portent aujourd’hui les noms d’Aegean V et Aegean IX.
Le carnage du Prestige
Alors que le Prestige, stockage flottant d’hydrocarbures, ne fuyait plus, les manoeuvres erratiques imposées par le gouvernement espagnol ont enfin abouti après près d’une semaine à la destruction du navire et à son irrécupérabilité dans des fosses profondes de plusieurs milliers de mètres. Encore une fois la mer a été considérée comme une poubelle; une gestion et une évaluation rationnelle de l’accident aurait pu permettre une issue moins pénalisante pour l’environnement marin et pour les pêcheurs de l’Union Européenne.La flottabilité du fuel cargaison du Prestige est excellente; à court et à moyen terme des nappes homogènes ou fragmentées vont contaminer la chaine biologique marine, les équipements des pêcheurs et le littoral au Portugal, en Espagne, en France.
L’anomalie du Prestige
Depuis juin 2002, le pétrolier en perdition au large de la Galice était utilisé comme stockage flottant à Saint-Petersbourg.
Il a repris du service en tant que transporteur en plein mois de novembre et à travers le Golfe de Gascogne alors que sa dernière inspection remonte à 1999.
L’utilisation dans les zones économiques exclusives européennes d’un tel navire, démontre que 3 ans après le naufrage de l’Erika, l’Union Européenne et chacun de ses pays-membres sont restés impuissants à mettre de l’ordre dans le transport maritime de matières dangereuses.