67 naufragés sur les quais
Certains cargos ne sont pas seulement en mauvais état, couleur fleur de rouille ou cache-misère. Ils sont aussi le lieu de travail et le domicile de travailleurs expatriés, tenus en laisse faute d’argent et de visas.
Ces gens du voyage, nouveaux exclus, sont coincés sur les quais et dépendent pour leur survie des bonnes volontés locales qui n’ont pas toujours les moyens d’accomplir leur mission dans la continuité. Au fil des semaines et des mois, quand la routine s’installe, l’isolement des hommes s’aggrave et aussi leur difficulté à vivre ensemble, sur un lieu unique, mal entretenu, une sorte de prison à quai où des hommes de cultures, de religions, et d’horizons divers sont condamnés à vivre dans l’oubli et parfois le conflit.
Un navire sous-normes à Lorient
Arrivé hier à l’aube à Lorient, avec un départ prévu pour demain, le navire russe Valday, présente tous les signes cliniques du navire à considérer comme prioritaire pour une inspection par les autorités du port dans le cadre de l’entente européenne dite du Mémorandum de Paris. Ce Mémorandum signé en 1982 regroupe les pays européens représentés sur les façades atlantique et méditerranéenne, plus le Canada, la Croatie, la Fédération de Russie et l’Islande. Elle incite les inspecteurs de sécurité maritime à visiter 25% des navires étrangers touchant les ports, et à échanger des informations relatives à l’état du navire, aux conditions d’habitation, d’hygiène et de vie des équipages. Dans certains cas, les navires visités peuvent être retenus plusieurs jours à quai en attendant les réparations ou les aménagements, ou peuvent être théoriquement contraints de rejoindre un chantier naval désigné, parfois pour destruction.
Ievoli Sun: une stratégie catastrophe
Robin des Bois demande une enquête sur la prise de décision concernant le tractage de l’épave du Ievoli Sun entre le nord de l’île de Batz et le port de Cherbourg où aucune opération préparatoire à son arrivée n’a été effectuée dans la nuit du 30 au 31 octobre 2000 et où aucune capacité de pompage ou de stockage du styrène, de l’alcool isopropylique et du méthyl-éthyl-cétone n’était disponible.
La question est de savoir à la suite de quels atermoiements ou pressions contradictoires le Ievoli Sun n’a pas été remorqué vers un abri ou une plage d’échouage le plus proche possible de l’endroit où il a lancé un S.O.S (nord de l’île de Batz). Il y aurait été possible avec un minimum de risques et de coût financier de mettre en sécurité le navire puis de procéder au pompage hiérarchisé des citernes.
Le Bouguenais, sans ceinture ni bretelle
Le Bouguenais, propriété de la Morbihannaise de Navigation, a été inspecté deux fois en l’an 2000 dans le cadre du Mémorandum de Paris. A Savone en Italie, trois déficiences y ont été relevées. A Anvers, dix déficiences ont été constatées. Elles concernent les certificats de classification et les documents de navigation, les équipements de sauvetage, les dispositifs anti-incendie et la sécurité de la navigation. Une infraction relative à l’International Safety Managment – ISM – démontre que les rapports entre le bord et la terre sont eux aussi déficients.
Pavillon très bas !
Le transport maritime des passagers et du fret routier est dangereux. Par dizaines, centaines, ou milliers, les passagers et les remorques transportant souvent des matières dangereuses pour l’environnement marin sont exposés aux risques et aux faiblesses de navires qui peuvent être trop vieux ou trop neufs, à l’incompétence ou à l’insuffisance d’équipages hétéroclites, aux bouchons de la circulation maritime et aux exigences de rentabilité des compagnies.
A cet égard, la tentative de réouverture par le Conseil Général de la Seine-Maritime de la ligne transmanche Dieppe-Newhaven est une caricature: le recours au Sardinia Vera de la Corsica Ferries, un navire construit en 1975, certifié par la société italienne Rina, relève de la provocation.
Veritas si je mens !
Selon la banque de données du Mémorandum de Paris, l’Eastsea a été contrôlé et retenu dans un port du sud de l’Italie en juillet 2000. Sous pavillon cambodgien, sa société de classification était le bureau Veritas France.
Selon la banque de données Equasis, il s’appelait alors le Zhde.
Zhde et Eastsea, deux noms pour un seul navire et toujours la même société de classification: le bureau Veritas France.
Robin des Bois demande au parquet de Draguignan d’enquêter sur le rôle de Veritas dans l’affaire de l’Eastsea et s’étonne que les moyens techniques disponibles auprès de la Préfecture Maritime de Toulon ou du port de Marseille n’aient pas été employés pour réparer et mettre hors d’eau la coque du navire.
Eastsea: la France le connaît bien
L’Eastsea, construit en 1966 à Bremen en Allemagne, était en l’an 2000 immatriculé à Belize. Récemment immatriculé sous le registre de complaisance cambodgien, il était jusqu’à son échouage classifié par la société française Véritas. Inspecté en Juillet 2000 dans un port italien dans le cadre du Mémorandum d’entente de Paris, trois déficiences y avaient été relevées. Aucune n’a été corrigée et l’Eastsea a pu reprendre librement sa route.
De l’or noir dans le bateau-poubelle
Un engin flottant sans nom, sans pavillon, sans classification, s’apprête à quitter en remorque le port de commerce de Brest à destination du Pirée où, selon un refrain désormais bien connu, il devrait être détruit. Pourtant sa longueur -82 m- et le fait qu’il n’ait transporté que du fret agroalimentaire permettrait de le démolir dans un chantier naval breton. Cet engin flottant est arrivé à Brest fin août 2000, à la suite d’une explosion dans la cale qui a déformé les structures du pont. Il s’appellait alors Palatial I, sous pavillon panaméen, et son armateur était espagnol. Revendu à un armateur-ferrailleur grec bien connu dans les ports de la façade atlantique pour racheter et refaire naviguer des rafiots accidentés ou vétustes, le Palatial I est devenu le Han en octobre, arborant le pavillon bolivien. A la suite d’une plainte de l’ambassade de Bolivie en France, il s’est avéré que l’inscription au registre bolivien était un faux et une usurpation. L’ex-navire -au sens du droit maritime international- n’a plus de nom, plus de pavillon, et n’est donc pas en mesure d’effectuer des opérations commerciales.
Privés de Fipol
25 navigants français sont immobilisés dans le port de Cherbourg depuis 6 mois. Ils forment les équipages de la Copamar, un armement spécialisé dans le ravitaillement en carburant des navires dans la grande rade du port de Cherbourg. Les 3 navires nécessaires à ces activités de soutage ne sont plus agréés par Total, chargeur exclusif de la Copamar. Quelques semaines après le naufrage de l’Erika, la compagnie pétrolière a décidé de ne plus utiliser de pétroliers de plus de 25 ans. Les 3 pétroliers de la Copamar sont atteints par la limite d’âge*. Valable sur l’océan mondial, la décision de Total est positive en ce sens qu’elle contribue au renouvellement de la flotte et à la destruction de navires – citernes qui dans le domaine de la sûreté et de la prévention des pollutions dérogent aux prescriptions de la Convention Marpol. Mais, le Fonds International d’Indemnisation de 1992 pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures –Fipol- n’indemnise que les dommages ayant été causés par une contamination. Les marins de la Copamar, victimes indirectes du naufrage de l’Erika, ne peuvent pas présenter de dossier au Fipol.
Saint – Malo: 1er rassemblement de vieux chimiquiers
Le Capo Azzuro, chimiquier de 25 ans, immatriculé à Palerme et armé par Spartivento Navale basée à Gènes, est parti vendredi de Saint-Malo où il était retenu depuis le 17 janvier 2001. Les Affaires Maritimes de Saint-Malo n’ont autorisé le navire à repartir qu’à la condition qu’il aille, immédiatement après avoir déchargé le reste de sa cargaison d’acide phosphorique à la Rochelle, subir des réparations dans un chantier naval à Augusta, en Sicile. Ces réparations concernent entre autres l’indicateur de barre, le calcul de la stabilité du chargement, l’accès aux pompes à incendie, le guindeau, le chauffage, la ventilation, les douches et la cuisine. Une copie du contrat de réparation a été fournie aux Affaires Maritimes. Si la coopération européenne fonctionne, le navire ne devrait pas pouvoir reprendre la mer sans être remis au normes. Contrairement à l’armateur de l’Annamaria, l’armateur du Capo Azzurro a préféré la réparation à la démolition.