Nucléaires civil et militaire

9 janv. 2024

France, Israël, Russie, Ukraine, Etats-Unis …
Le suicide collectif, enfin une solution au réchauffement climatique ?

 

Accès direct à la tribune “Vers le suicide collectif ?”  d’Hervé Bazin, Albert Jacquard, Suzanne Prou, Léon Schwarzenberg  publiée le 21 mars 1985 dans le journal Le Monde.

Sécurité nucléaire – note d’information, 25 avril 2024
L’Atlantic Navigator II transportant 241 conteneurs de contreplaqué et de l’uranium enrichi depuis la Russie et à destination des Etats-Unis d’Amérique prouve que la guerre n’empêche pas les affaires.
Effondrement de la route d’accès aux réacteurs de Flamanville suite à la tempête océanique Pierrick.

La confusion nucléaire, 8 avril 2024
Projet d’un petit réacteur nucléaire à la sucrerie/raffinerie Cristanol de Bazancourt dans la Marne. 

Non à la fusion ASN/IRSN, 21 décembre 2023
Le “projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire” a été présenté hier mercredi 20 décembre en Conseil des ministres. Les associations membres du Haut Comité pour la Transparence et l’Information sur la Sécurité Nucléaire ont émis un avis unanime sur ce projet de loi (Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest -ACRO-, Association Greenpeace France, Association Robin des Bois, France Nature Environnement -FNE-, Ligue contre le cancer et Union Nationale des Associations Familiales -UNAF-).

Nucléaire au Moyen-Orient : un avenir maussade, 6 novembre 2023
Autour de la centrale nucléaire de Zaporijia en Ukraine prolifèrent les avis éclairés, les scénarios d’apocalypse, les appels à la raison de l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique), les alertes de la presse mondiale soulignant que Zaporijia au bord du Dniepr est une des plus grosses centrales nucléaires du monde.
Autour de la centrale nucléaire de Dimona dans le désert du Néguev en Israël construite à partir de 1958 avec le soutien de l’Etat français, l’AIEA déserte.

 

TRAITE SUR L’INTERDICTION DES ARMES NUCLEAIRES (TIAN)

La Bombe, 20 juin 2022
Première réunion des Etats Parties au Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN)

Nagasaki, Hiroshima, Nada !, 22 janvier 2021
Entrée en vigueur du Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN)

 

NUCLEAIRE FRANCO-RUSSE et UKRAINE

La guerre du nucléaire, 8 juin 2022
Westinghouse (USA) et Rosatom (Russie) sont en conflit ouvert en Ukraine.

L’Union fait la farce, 14 avril 2022
L’interdiction de signer ou de poursuivre des contrats avec des personnes privées morales, des entités ou des organismes établis en Russie et détenus à plus de 50% par des intérêts russes épargne le nucléaire.

Les roublards, 7 avril 2022
EDF dont le business plan passe par la ville fermée de Tomsk-7 alias Seversk, Sibérie, n’a toujours pas pris la décision de rompre les nouveaux contrats de conversion et d’enrichissement d’uranium qui la lient avec Rosatom depuis 2018.

Le virus russe, 25 mars 2022
Le partenariat entre la France et la Russie remonte à 1966. Il a progressivement muté en soumission de la France à l’URSS puis à la Russie.

Malgré les tensions, le courant passe, 7 mars 2022
Nucléaire : les centrales slovaques font le plein.

Drapeau blanc sur les sites nucléaires, 28 février 2022
Ukraine. C’est la première fois au monde qu’un pays nucléarisé est soumis à des bombardements aériens d’une telle intensité et aux autres désordres d’une guerre moderne.

L’atome de la discorde, 25 février 2022
La Russie reprend la main sur Tchernobyl. Il s’agit pour Rosatom, société nationale pour l’énergie atomique russe, d’éviter que l’Union européenne et les Etats-Unis prennent le contrôle de la filière nucléaire de l’Ukraine.

Sanctions envers la Russie : vont-ils oser ?, 24 février 2022
Chaque année, l’usine de la Hague produit environ 1000 tonnes d’URT à partir des combustibles usés sortant des centrales nucléaires françaises. Le stock d’URT est aujourd’hui d’environ 27.000 tonnes. Le ré-enrichissement de l’URT pour en refaire des combustibles « neufs » ne peut pas se faire en France. La seule usine de conversion de l’URT en URE (Uranium de Retraitement Enrichi) est en Russie. L’économie circulaire du nucléaire français passe par Tomsk en Sibérie.

 

 

 

 

VERS LE SUICIDE COLLECTIF ?

Le feu nucléaire est une arme de suicide autant que de menace, ne l’oublions pas, demandent Suzanne Prou et Hervé Bazin, Albert Jacquard et Léon Schwarzenberg. Reconnaissons la dimension du temps dans les conflits futurs, ainsi que le développement du terrorisme, ajoute Raoul Bertrand. Les gouvernements seront jugés sur leur capacité d’éloigner le danger nucléaire.

Tribune d’Hervé Bazin, Albert Jacquard, Suzanne Prou, Léon Schwarzenberg (*) publiée le 21 mars 1985 dans le journal Le Monde.

DEPUIS Hiroshima et Nagasaki, nous le savons : un conflit nucléaire serait une catastrophe pour l’humanité. Mais, par son ampleur même, cette catastrophe semble défier toute mesure. Il y a deux ans, une commission composée de physiciens et de médecins a été chargée par l’Organisation mondiale de la santé de tenter un bilan. Dans l’hypothèse où les belligérants provoqueraient des explosions équivalant, au total, à 5 000 mégatonnes, soit moins de la moitié des bombes disponibles, les pertes humaines étaient évaluées à près d’un milliard de tués, et autant de grands blessés condamnés à une mort rapide, compte tenu de la désorganisation complète des systèmes sanitaires. L’OMS ajoutait que le sort des 2,5 milliards de rescapés serait tel qu’ils envieraient celui des disparus.

Mais, dans ce bilan, il apparaît que plus de la moitié de l’humanité resterait en vie. Malgré l’énormité des pertes humaines ainsi prévues, il n’a pas manqué d’esprits froids (et tous les États ne sont-ils pas des ” monstres froids ” ?) pour tirer avec cynisme, mais réalisme, les conclusions de ces évaluations. Certes, la mort de 2 milliards d’hommes est un événement fort triste, mais tout n’est pas négatif dans cette aventure. De toute façon, ces hommes seraient morts dans dix, cinquante ou cent ans ; ce n’est qu’une anticipation. Et puis l’effectif de l’humanité resterait bien suffisant : 2 milliards et demi, c’était le nombre des hommes il y a cinquante ans. Le danger d’un étouffement de l’humanité par son explosion démographique (ce que certains ont appelé la ” bombe P “, la ” bombe population “) serait écarté. Or ce danger était considérable.

Tous ces raisonnements, rassurants pour certains s’ils sont terrifiants pour d’autres, sont rendus caducs par des réalités jusqu’ici inconnues et qui ont été récemment mises en évidence.

Chacun se souvient des tornades de feu qui ont dévoré Hambourg et Dresde lors de bombardements incendiaires massifs. La chaleur dégagée par les premiers foyers était telle que tout se mettait à brûler, pierres, tuiles, ciment, alimentant un incendie qui s’auto-entretenait, attisé par le courant d’air même qu’il provoquait, envoyant à des milliers de mètres poussières, fumées, suies, et obscurcissant totalement le ciel.

Une bombe d’une mégatonne a une puissance infiniment plus grande que toutes les bombes classiques lâchées par des escadrilles de quelques centaines d’avions en 1943-1944. La tornade de feu qu’elle entraînerait aurait une ampleur bien supérieure ; et nos villes modernes sont bourrées de produits, matières plastiques, carburants, qui constitueraient des aliments de choix pour ces incendies néroniens.

Des équipes de scientifiques, aux États-Unis comme en URSS, ont essayé de préciser les effets sur l’environnement terrestre de tels incendies ; leurs conclusions sont remarquablement convergentes. Dès qu’une puissance de 100 mégatonnes est atteinte, les modifications des climats sont telles que la survie de l’espèce humaine est mise en question.

L’hiver nucléaire

Supposons donc que mille bombes, fortes chacune de 0,1 mégatonne, soient envoyées sur autant de villes (il s’agit là d’un échange bien limité, puisqu’il utilise moins de 1 % du stock disponible). Les quantités de suies, de poussières, de fumées qui se répandraient sur tout l’hémisphère Nord (où aurait lieu par hypothèse le conflit) rendraient le ciel si opaque que la température baisserait progressivement pour atteindre, sur les continents, de – 20 oC à – 30 oC deux semaines après le conflit ; elle ne remonterait au-dessus de 0 oC qu’au bout de trois longs mois. L’absence d’évaporation entraînerait la suppression des pluies, permettant au nuage opaque de se maintenir dans la haute atmosphère. La différence de température entre les terres et les océans modifierait le régime des vents et provoquerait des tempêtes inouïes. Une couche de glace épaisse de 2 mètres recouvrirait tous les fleuves et les lacs, condamnant les éventuels animaux survivants à mourir de soif. Mais, surtout, l’absence presque totale de rayonnement solaire arrêterait la photosynthèse chez les plantes, détruisant la base de tout l’éco système. Lorsque, au bout de six mois ou un an, le soleil brillerait à nouveau, la couche protectrice d’ozone aurait subi de tels dommages que les radiations ultraviolettes auraient une intensité double ou triple de l’actuelle…

Inutile de continuer cette description de l'” hiver nucléaire “. La seule question est de savoir si les êtres vivants sur notre planète seraient tués trois, quatre ou cinq fois par le froid, par le feu, par la faim, par les radiations, par la soif…

Dans la phase actuelle, c’est avant tout une prise de conscience qui est nécessaire. Il faut que chacun sache en quoi consiste vraiment ce qui se prépare. Or les médias de notre pays n’ont guère fait de zèle en ce domaine : ce n’est qu’en septembre dernier que le Monde a fait, pour la première fois, allusion à l’hiver nucléaire.

Il faut aussi savoir tirer les conséquences de ces nouvelles données. Tous les raisonnements sur lesquels est fondée la stratégie de la dissuasion mutuelle sont à revoir, puisque l’arme nucléaire est une arme de suicide autant qu’une arme de menace. Si un belligérant ” gagnait ” la guerre avec cette arme, il n’aurait que quelques jours pour fêter sa victoire, avant de disparaître à son tour, balayé par les effets des coups portés à l’ennemi.

Mais surtout il est urgent d’arrêter, puis d’inverser cette course à la mort. Pour y parvenir, il n’est pas de recette miracle, une pression de l’ensemble des peuples sur ceux qui les gouvernent est, en tout cas, nécessaire. Ceux-ci doivent savoir qu’ils seront jugés non sur leurs paroles lénifiantes, mais sur les actes qu’ils accompliront pour éloigner le danger ; or ces actes consistent actuellement à accumuler toujours plus de mégatonnes.

N’est-il pas temps de raisonner en Terriens et de constater que ces armes nous menacent tous, quels que soient leurs objectifs ? N’attendons pas le ” jour d’après ” pour nous lamenter. Nous sommes le ” jour d’avant ” ; il dépend de nous, de nous tous, que les jours qui viendront soient des jours de paix, des jours de vie.

(*) Respectivement écrivain, professeur, femme de lettres, médecin.

Original sur le site du Monde: https://www.lemonde.fr/archives/article/1985/03/21/vers-le-suicide-collectif_2742381_1819218.html

 

Essai atomique en Polynésie française, vers 1970. Photo CEA, archives Robin des Bois

 

 

 

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