Les dents de la mer
Aristote Onassis, le plus célèbre des armateurs grecs, fut un précurseur des pavillons de complaisance. En 1965, il déclarait: “mon pays favori est celui qui accorde le maximum d’immunité à l’égard des impôts, des restrictions commerciales et des réglementations inutiles”.
Hellenic Slopes, qui, le 21 Février a acheté à la Copamar, un armateur français, un rafiot de plus de 30 ans, reprend à son compte les paroles du maître. En effet, le Gatteville n’a pas de licence de navigation. Elle lui a été retirée en Septembre 2001, par la société française de classification Bureau Véritas. Cependant, Dimanche 17 Mars 2002, un inspecteur du Bureau Véritas, a passé plusieurs heures sur le Gatteville., en compagnie de représentants du Centre de Sécurité des Navires de Caen – Cherbourg.
Safer Seas à Brest, Unsafer Seas à Cherbourg
A Brest, dans le cadre du colloque International Safer Seas, les experts de l’Union Européenne exposent les mesures déjà prises, en réaction au naufrage de l’Erika, visant à améliorer la sécurité de navigation des navires-citernes, à renforcer les contrôles dans les ports et à mettre sous surveillance les sociétés de classification. Le respect des procédures en cas de changement de classe, la transparence dans la communication des informations et l’exigence préalable de bonnes performances de sécurité et de prévention des pollutions sont des critères essentiels en vue d’obtenir et de conserver l’agrément européen relatif aux sociétés de classification.
Gatteville: un contrôle light pour un pétrolier de plus de trente ans
Un inspecteur de Det Norske Veritas a passé une partie de la matinée sur le Gatteville. Le transfert de classe entre Véritas France et Det Norske Véritas, qui n’ont pas de lien organique, se fait sans passage en cale sèche contrairement aux procédures et cahier des charges en vigueur. Même l’Erika à l’occasion de son transfert de Véritas France au registre italien Rina y avait eu droit.
Seule une inspection sous-marine de la partie arrière du Gatteville a été réalisée par une entreprise régionale. Pour le moment, le scénario est conforme au polar standard de la complaisance maritime: transaction secrète entre deux sociétés opaques, arrivée immédiate à Cherbourg de marins grecs chargés de reprendre la situation en mains et de forcer la main aux autorités locales, réimmatriculation à Panama, entrée en jeu d’une nouvelle société de classification non européenne. Det Norske Véritas est une société de classification norvégienne, connue de Robin des Bois et de la préfecture maritime de Brest pour avoir certifié deux chimiquiers de plus 25 ans, longuement immobilisés dans le Port de Saint Malo en 2001.
SOS Gatteville
Demain mardi, le Gatteville devrait subir une visite-bidon du représentant d’une société de classification exotique spécialisée dans les objets flottants qui ne sont plus tout à fait des navires. Construit il y a plus de trente ans, et donc dépourvu de tout titre de navigation – sa classe lui a été retirée par le bureau Véritas en Septembre 2001. Le Gatteville pourrait retrouver la capacité de renaviguer pour un ou quelques voyages grâce à la complaisance de la société de classification qui dépêchera demain à Cherbourg un de ses experts étrangers.
Safer Seas : Pour des mers plus sûres et plus propres
Safer Seas Brest – Contribution de Robin des Bois
Amélioration du niveau de sécurité de la flotte mondiale :
– Consolider le mémorandum de Paris en développant la liste des pays-membres en priorité en Méditerranée et dans les mers adjacentes et dans la mer Baltique.
– Renforcer la coordination et les échanges avec les mémorandas complémentaires, y compris dans le domaine de la formation des inspecteurs de sécurité maritime.
– Appliquer des sanctions financières et administratives vis-à-vis des pavillons et sociétés de classification favorisant la remise en circulation de navires voués à la destruction selon les autorités des ports d’accueil et présentant des taux de détention abusifs.
– Renforcer et mettre à l’unisson les pouvoirs et les devoirs des autorités de contrôle des pays-membres du mémorandum de Paris, y compris la Grèce.
– Interdire la vente des navires dont les classes de navigation ont été retirées, voire suspendues.
– Initier et dans un premier temps subventionner un chantier ou une plate-forme mobile de démolition pour assurer la sortie de flotte des navires ne répondant plus aux critères de sécurité en vigueur, en priorité sur la façade Atlantique européenne.
Ça vogue de mal en pis
Le Khalifeh I hors d’âge avec sa passerelle et sa timonerie en bois, ses marins syriens, son pavillon des Iles Tonga et 274 moutons considérés comme irréguliers par la Direction des Services Vétérinaires de Rouen a quitté le port du Tréport ce matin à 11h15 en direction de Waterford en Irlande.
Bateau, équipage et marchandises sur pied affrontent le gros temps de la Manche et de la Mer du Nord. Navire qui devrait être hyper-ciblé par les inspecteurs européens de la sécurité maritime, le Khalifeh I a toujours travaillé en Méditérranée où il a d’ailleurs été responsable d’un dégazage en Mars 2001. Sa conception des années 50, indépendamment des conditions d’entretien, font du Khalifeh I un bateau structurellement dangereux et polluant. Son propriétaire actuel est mal identifié. Il s’agirait d’un marchand de bestiaux irlandais associé à des maquignons polonais.
Grumes en stock
L’Agia Irene, arrivé hier soir à Sète chargé de grumes du Liberia, bénéficie de toute l’attention des autorités françaises depuis l’action de Greenpeace engagée lundi 25. Mais au lieu des CRS et des gendarmes maritimes envoyés contre les écologistes, c’est d’une inspection par les Affaires Maritimes dont l’Agia Irene a besoin.
La dernière visite de contrôle effectuée à son bord remonte à décembre 2000, à Eleusis en Grèce. Construit en 1976, immatriculé sous le pavillon de complaisance de St-Vincent-et-Grenadines, géré par une société grecque ne possédant que ce bateau -et prête à mettre la clé sous la porte au moindre problème-, l’Agia Irene répond au profil-type du navire sous-normes.
La galère des moutons irlandais
Les 274 moutons arrivés au Tréport dans la nuit du 16 au 17 février 2002 sont toujours confinés à bord du Khalifeh 1 . Le consignataire du navire a reçu la notification de pourvoir à l’abreuvement et à l’alimentation du troupeau. Les animaux sont refoulés du territoire français à cause de documents douteux et incomplets, selon la Direction des Services Vétérinaires de Seine-Maritime. Ils sont originaires d’Irlande. Les autorités irlandaises auraient accepté le retour du cheptel.
Cherbourg: une poubelle s’apprête à quitter le port
Le pétrolier Gatteville construit il y a 32 ans et propriété de la Copamar va être vendu dans le courant de la semaine à un armateur grec.
Immobilisé depuis juillet 2000 dans le port de Cherbourg à cause des difficultés financières de l’armateur et du très raisonnable engagement de Total de ne plus affréter de navires de plus de 25 ans, le Gatteville aurait, selon des témoignages de marins professionnels, une coque en mauvais état. Il est désormais démuni de titre de navigation et de société de classification. La direction de la Copamar a l’intention de lui organiser une sortie furtive quelques jours après la signature du contrat de vente, grâce à la collaboration d’un équipage international. Les marins jusqu’alors attachés au Gatteville resteront à quai.
Pasbeau-poubelle
Le jargon de la préfecture maritime, de la Marine Nationale et du sous-préfet de Brest relatif à “l’océanisation” du Victor correspond effectivement à un besoin sémantique spécial et nouveau tant les cafouillages, les non-dits, les errements et les incoordinations des services compétents sont propices aux naufrages et à l’abandon des navires en mer.
Les exemples de l’Erika, du Ievoli Sun et du Victor sont à cet égard instructifs. Ils sont tous les trois au fond de la mer grâce à l’action conjuguée des chargeurs, affréteurs, et des nombreuses autorités de tutelle. Ils témoignent tous les trois du recel de bateaux-poubelles auquel se livrent en Europe les ports, les autorités, et les milieux d’affaires. Ces trois navires étaient abonnés au trafic inter-européen.